mercredi 14 octobre 2020

"Allée der Kosmonauten" : a-pesanteur et décollage du tarmac !


"Un immeuble préfabriqué dans Allee der Kosmonauten, dans une cité de Berlin. Trois générations vivent sous le même toit, autour du canapé qui rythme le quotidien de la famille. Pas de coin à soi, on vit les uns sur les autres, pour le meilleur et pour le pire.
En 1996, trois ans après avoir fondé sa compagnie, Sasha Waltz, chorégraphe aujourd’hui célèbre dans le monde entier, crée Allee der Kosmonauten à partir d’entretiens menés avec les habitants de ces grands ensembles. Ce n’est pas une pièce documentaire qui en est ressortie, mais bien le portrait aussi tendre qu’impitoyable d’une famille : soulignées par la vitesse et la virtuosité du mouvement, les conditions de vie précaires sont poussées jusqu’à l’absurde, avec l’humour d’un Buster Keaton. Par cette chorégraphie pleine de traits d’esprit, portée par un ensemble multiculturel de très haut niveau, ce renouvellement esthétique du théâtre-dansé a déclenché l’enthousiasme. La pièce est une étape essentielle dans le parcours de Sasha Waltz : une raison parmi tant d’autres de jeter un regard nouveau sur les débuts d’une carrière exceptionnelle. "

Les parents, ou les enfants "terribles" ?
 Délogés, mal logés, relogés, délocalisés par une agence "mobilière" singulière, voici six personnages en proie à la course à l'existence, à la reconnaissance...Un jeu de famille dans laquelle on tire d'abord le gendre, perché sur une colonne à la Balkenhol, animé de mouvements tétaniques, précis et rythmés par une bande son , disque rayé, hachuré, raturé...Sorte de chimère, oiseau perché sur son poteau, apeuré, esseulé. Tapisserie désuète et lampe de chevet en images vidéo signées Elliot Caplan sur trois panneaux d'écran, et pour piste de ce cirque animé, un canapé trois pièces-cuisine-bain! Trois places que vont se disputer les "membres" de cette famille, de ce grand corps un peu malade de l’exiguïté de la surface habitable qui leur est allouée. Canapé baignoire, canapé lit, canapé en plongée dans des perspectives cinématographiques qui dérangent l'espace et le perturbe à l'envi ! Œil caméra de la chorégraphe qui se focalise, zoom arrière ou avant, plein cadre ou focus...Une sorte de mise en boite de Pandore de la vie quotidienne, "ramassée" dans un court laps de temps où tout se joue très serré. En tenue de "bof", entouré d'objets vernaculaires, on rame dans la Galère familiale, solidaires, soudés, malgré quelques empoignades, disputes en portés-contact magnifiques...Volupté des corps en apesanteur, en vol plané...Un aspirateur vampire capture les gestes de sa conductrice, happée par son aspiration à la fuite en avant, une table bouge, se soulève, à quatre ou huit pieds...Un Christ en croix placardé, des gags, sketches ou saynètes pour ponctuer et rythmer la vie de ce microcosme, huis-clos dégingandé, déstructurée.On se chamaille, on s'attrape, on se cherche comme des gamins qui jouent à cache-cache.
Une touche de folklore à l'accordéon, poumon salvateur de ce grand corps familial. Le travail est rude pour planchistes ou ébénistes de pacotille, dirigés par un fuhrer autoritaire et malveillant. Le père, la mère en figure de proue, orchestrant ce petit monde bigarré à la baguette.

Cadence mécanique des gestes du labeur, organisés. Puis c'est le bal musette qui reprend et fédère les énergies dispersées: bal de guignette en goguette: on y guiche allégrement et sans modération.Les corps s'y font "plastiques", enluminures graphiques dans l'espace. Et toujours ce mur frontal sur lequel on se heurte, se plaque, s'offre en partage. L'art du duo dominant dans la chorégraphie avec grâce et sensualité.Encore quelques architectures, étagères en construction constantes pour cet "immobilier" mobile, versatile, mouvant comme les corps des habitants. Un appartement cependant presque trop grand au regard du sujet sur l'enfermement, le confinement, l'emprisonnement. Entravés, empêchés dans leurs mouvements les danseurs se dispersent et le rendu faiblit, s'essouffle en reprises 

On se souvient de la version vidéo, (avec Elliot Caplan) resserrée, tonique, hallucinante d'audaces concernant la gravité, l'espace: qu'on ne retrouve pas sur ce grand plateau frontal. Quelques pauses photos de famille, sans retouche, une grande lessive en machine à laver le linge en famille et se clôt le chapitre.Le père en Woody Allen remportant le plébiscite de l'incongru, du burlesque, du déjanté.


Au Maillon Wacken du 14 au 17 Octobre


Elliot Caplan
 

 


Elliot Caplan est producteur, réalisateur de films et de vidéos ainsi que designer pour le théâtre. Il a occupé le poste de cinéaste de la Merce Cunningham Dance Company de 1983 à janvier 1998, collaborant avec Merce Cunningham et John Cage à la production de films et de vidéos. Leur travail a été diffusé par PBS, Bravo, Arts & Entertainment et dans 35 pays. Beach Birds For Camera, film en 35 mm a été montré pour la première fois à L’Opéra Garnier à Paris. Cage/Cunningham, un documentaire sur la collaboration entre Merce Cunningham et John Cage a été présenté par October Films et traduit en six langues et distribué en vidéo. Points in Space, commandé par la BBC Television a été distribué dans plus de 400 bibliothèques aux USA grâce au soutien de la MacArthur Foundation. Changing Steps, filmé au Sundance Institute avec une introduction de Robert Redford a été produit en association avec La Sept et distribué par les Editions à Voir.
Caplan a également participé à la conception de décor, notamment avec Bill Irwin. En 1998, Elliot Caplan fonde Picture Start Films pour produire des documentaires sur l’art, et la performance notamment.
Les œuvres d’Elliot Caplan en tant que producteur, réalisateur de films et de vidéos ainsi que designer pour le théâtre sont reconnues à l’échelle internationale et font parties des collections du MOMA, de la Cinémathèque Française et de musées à Taiwan, en Allemagne, en Israël et au Brésil. Ses créations vidéo avec des artistes comme Naim June Paik, Merce Cunningham, John Cage et Bruce Baillie ont été récompensées par plus d’une douzaine de récompenses prestigieuses aux Etats-Unis et en Europe.

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