vendredi 23 octobre 2020

"Les villes invisibles": Love Music: topos et utopie ! Non-lieux et transparences...sonores....

 


Bibliothèque nationale et universitaire - BNU le 23 Octobre 20H

«Les villes comme les rêves sont faites de désirs et de peurs, même si le fil de leur discours est secret, leurs règles absurdes, leurs perspectives trompeuses ; et toute chose en cache une autre»
La saison 20-21 voit le quatrième cycle de projets artistiques lovemusic à la BNU. Le collectif démarre ce cycle avec un projet inspiré du livre Le città invisibili d’Italo Calvino. lovemusic propose une expérience sensorielle magnifiquement intime avec la création d’une nouvelle pièce de Santiago Díez-Fischer commandée par lovemusic spécialement pour ce project intitulé “Plastic love”.
 

 
C'est sur les leitmotivs qui vont ponctuer tout le concert que la soirée débute: petites touches comme interludes, intermèdes récurrents, peits entr'actes, que sème un petit Poucet tout le long du chemin: sur la carte du tendre, confiée comme conducteur du concert, on navigue à la Magellan: cap vers la création et "la grande ville" !
"Bi (bismuto") de Fernando Manassero percute en sons chaleureux, caverneux: hétérotopie de Foucault et non-lieux de Marc Augé en poupe, topic et topos en diable pour marquer son territoire. Dans un décor de laies de plastique transparent, suspendus et se balançant sous le souffle d'un filet d'air en continu, on embarque pour d'autres lieux musicaux, utopiques, invisibles, urbains pour sur !
Dans de beaux éclairages rougeoyants, ça strie, ça vibre et dissone, flux et reflux, froissements, friture de la bande son en couverture.Des bruits d'eau sur le port, sur la digue, des accents au souffle court pour ces deux instruments à vent qui dialoguent aisément.
Du lien pour poursuivre le concert, perles de Mark Andre, d'un collier à faire et défaire
Et voilà "no son més silenciosos los espejos" de Santiago Díez-Fischer;La flûte brève, tranchante en solo, comme asphyxiée, essoufflée,brise légère alors que les pendrillons oscillent sous le souffle de l'éther.Jetée de vent, étranglement: à vous couper le souffle!
"Ochres"de Malika Kishino succède, trio fort aigu, en superpositions sonores sur fond d'écran vidéo lumineux: taches et soleils naissants, vibrant, chatoyant; beau ciel musical émouvant, timbres et hauteurs maintenus dans des phrasés ébouriffants!
 
https://soundcloud.com/malika-kishino/ochres-i-2016-for-flute-oboe-and-clarinet 
 

"iv 5" de Mark André prend le relais: un solo de hautbois: vapeur de souffle qui fuse, se glisse, se rétracte, s’immisce dans les interstices sonores, se fraye un chemin délicat dans l'espace.Ronflements et respirations du dormeur, rêveur, secoué d'infimes sifflements, et de belles réverbérations...
Toujours les interludes qui reviennent frapper à la porte de ces terres désormais connues qui ponctuent la soirée.
"Zopf" de Carola Baukholt se configure comme un trio de souffles et d'instruments inventifs à la ponctuation bien rythmée. Abécédaire de l'air, glossaire du vent, vocabulaire et syntaxe d'une grammaire savante: écriture pour sirènes, phrasé en superposition et décalage: un moulin à café comme roue qui tourne et grince à l'envi ! On y moud le grain du son et de l'ivraie musicale.
Et pour clore en beauté plastique et esthétique, voici le fameux et attendu "plastic love" signé Santiago Diez Fischer.
Sur un dispositif de deux cubes lumineux, deux archets reposent; les interprètes, glamour, chaussettes roses, tee shirt transparent ajouré vont faire partie du voyage.Un écran vidéo diffuse de beaux ébats de bans de poissons fluorescents, feux follets égaux aux sonorités conduites par les instruments. Le son se fait lumières et couleurs: "limelight" ou lumières de la ville: c'est beau une ville la nuit dans ce contexte sonore bigarré: un archet grince, comme un son de poulie; l'amplification artificielle opère pour des bruits citadins en registres multiples. Le tout dans une ambiance, atmosphère secrète d'un paysage ouvert, presqu'ile de cette magnifique carte maritime, icône du concert, carte de navigation où l'on traverse ces "villes invisibles" au radar de l'intuition sonore.
Un concert délicat et distingué à l'image de lovemusic et de ses protagonistes!
 
 


flûte - Emiliano Gavito
clarinette - Adam Starkie
hautbois - Niamh Dell
 
«Les villes comme les rêves sont faites de désirs et de peurs, même si le fil de leur discours est secret, leurs règles absurdes, leurs perspectives trompeuses ; et toute chose en cache une autre.
– Moi, je n’ai ni désirs, ni peurs, déclara le Khan, et mes rêves sont composés soit par mon esprit soit par le hasard.
– Les villes aussi se croient l’œuvre de l’esprit ou du hasard, mais ni l’un ni l’autre ne suffisent pour faire tenir debout leurs murs. Tu ne jouis pas d’une ville à cause de ses sept ou soixante-dix-sept merveilles, mais de la réponse qu’elle apporte à l’une de tes questions.»

À travers un dialogue imaginaire entre Marco Polo et l’empereur Kublai Khan, Italo Calvino nous offre un «dernier poème d’amour aux villes» et une subtile réflexion sur le langage, l’utopie et notre monde moderne. 

Aucun commentaire:

Enregistrer un commentaire