lundi 15 mars 2021

Marie Andrée Joerger: "Bach en miroir": préludes et fugues....Le doigté fabuleux d'une accordéonniste atypique!


 Et si,comme Sacha Guitry qui faisait la remarque à un déménageur qui encombrait son escalier d'une horloge comtoise, on disait à ce dernier: vous ne pourriez pas porter un bracelet montre comme tout le monde? Marie Andrée fait ici figure de réplique qui porte son "piano à bretelle" à la place d'un buffet d'orgue!

Vous ferez bien une "petite fugue" en passant!

Car la ressemblance est frappante, bluffante entre les résonances et harmoniques de l'accordéon, et les vibrations d'un orgue au souffle magistral et imposant! La confusion opère dès le premier morceau: ils sont deux, elle à l'accordéon, l'autre, à l'orgue, bordant l'allégresse et la vélocité des touches, d'un lent et solennel accompagnement  d'organiste. Et bien, elle est seule à l'ouvrage se jouant des complexités des tempi, de la longueur des tenues, du souffle de sa "cage thoracique portative", aux vents des tuyaux d'orgue...Fabuleuses confusions, fusions alchimiques pour l'oreille aux aguets de celui qui se régale peu à peu de ce leurre et s'en réjouit au fur et à mesure de l'écoute de ce CD, qui fera date.

Des compositeurs , de Bach à Balbastre, de Mozart, à Clara Schumann, de Reger à Escaich....Un régal de délicatesse, de courtoisie, de précision extrême, de fantaisie, aussi: de l'audace dans le choix des morceaux interprétés avec dextérité, grande et profonde musicalité de l'interprète qui traverse les siècles avec aisance, respect et vigilance. Une heure d'écoute où l'on imagine aussi l'accordéon et le corps de la musicienne, voguant, respirant à plein poumon, à plein vent ces fugues et préludes, écritures improvisées et savantes, ces "canons" de l'art instrumental!Une "adaptation" ou transposition judicieuse d'un instrument à l'autre où, les"yeux fermés" on se croirait au cœur d'un édifice religieux!

Ou la danse, les accents toniques, les virevoltes et autres senteurs de passacailles , vous ravissent et laisse le corps du danseur évoluer: passepied, gavotte ou courante, menuet.  Danses, gaies, légères et rapides,  formées de  pas avec variantes et figures obligées.


 la Camargo par Lancret (1730) danse !

"L’accordéon, véritable caméléon parmi les instruments polyphoniques et dernier né des instruments à clavier, par son expressivité, sa précision et ses couleurs sonores, apporte aux répertoires de ses aînés des saveurs et des couleurs atypiques, légères et mélancoliques. Il aura fallu plus d’un siècle et demi pour qu’un compositeur s’aventure à écrire un prélude et une fugue pour l’instrument à bretelles, alors que cette forme musicale est des plus courantes dans le répertoire du clavier (clavicorde, clavecin, orgue, piano). Thierry Escaich, compositeur de renommée mondiale, m’a confié la création de son Prélude et fugue à la Philharmonie de Berlin en mars 2019 (sa première pièce pour accordéon seul).Ce projet d’enregistrement rend hommage à cette forme musicale de la musique savante à travers son histoire et ses variations esthétiques. Elle contribue à rassembler la famille du clavier autour de cette composition. Le programme se présente en miroir avec des préludes et fugues de J.S. Bach. Il débute par des extraits des premiers et derniers livres du Clavier bien tempéré entre lesquels s’intercalent d’autres préludes et fugues, de C. Balbastre, W.A. Mozart, C. Schumann, M. Reger, T. Escaic....." M.A. Joerger

Un CD passionnant également pour l'analyse musicologique de Mathieu Schneider !

Aucun commentaire:

Enregistrer un commentaire