mercredi 23 juin 2021

"terairofeu": la mer qu'on voit trembler en sac et ressac poubelle.


 Il était une fois quatre éléments devenus hostiles pour l’Homme. L’eau, l’air et la terre ne sont pour les enfants d’aujourd’hui que des menaces toxiques dont ils doivent se méfier, des concentrés de poisons, des milieux mortifères ou en train de le devenir. Le feu est de plus en plus associé à la destruction incontrôlable de forêts et de régions entières. Face à cet implacable constat, Marguerite Bordat et Pierre Meunier entendent cherchent à renouer un lien précieux et inventif avec ce monde si maltraité en proposant une initiation à une rêverie active, générée par un théâtre qui réveille le lien entre perception et imaginaire, entre sensible et symbolique. Leurs expériences précédentes à destination du jeune public (Molin-Molette et Badavlan) ont confirmé l’importance d'une réelle proximité. Les spectateurs prennent ainsi place sur des bancs se faisant face, de part et d’autre de la scène. Au milieu d’un monceau de matériaux usés habitent une fille et un garçon. Dans ce qui ressemble à une décharge, on les devine livrés à eux-mêmes. Avec une inventivité joueuse et des souvenirs anciens, ils fabriquent toutes sortes de dispositifs pour s’étonner l’un l’autre et retrouver le mouvement de l’air, la fraîcheur de l’eau, la chaleur du feu et l’odeur de la terre. Cette excitation des sens est soutenue par un univers sonore propre à alimenter, lui aussi, l’imaginaire.

Le public les entoure, les protège sur le plateau: deux jeunes escogriffes dans un monde plastique noir, de sac poubelle et des même réceptacle, s'ingénient à refaire le monde à partir de matériaux non nobles mais cependant voués à un joli destin. Plastique parure, plastique show room de dressing code improbable pour une fashion week de voguing coloré de pacotille... Sur fond de paroles rythmées d'un langage inconnu, sur fond de bruitages évoquant souffle, vent et marée. Un univers à la dimension de l'imaginaire très arte povera des metteurs en espace si agiles à transformer, métamorphoser le monde. Deux gamins qui auscultent des poubelles grises dans des bleus de travail rouges, combinaison qui empêche, entrave mais fait de si belles images! Des échos sortent de ces réceptacles indignes d'une déesse ou pythie, des ricochets de sons incongrus....Des sculptures vivantes sans cesse qui se recyclent à l'envi.Une mer de plastique noir qui ondoie comme chez Fellini ou Annette Messager, au souffle de l'air Et un surfeur au gré des vagues.Vent et marées, mouettes et sauts stroboscopiques pour paysage frémissant. Ca tremble de partout, ça bouge, ça oscille. Une bonne douche simulée par un déroulement de bandes magnétiques tout juste sorties d'un pommeau de douche, et la poésie surgit, naturelle, évidente, immédiate.Un numéro de couvercle de poubelles pour attraper un lambeau de plastique et l'éther est en état de grâce.Des totems se dressent, amoncellement de poubelles en construction: zone d'équilibre, de chute pour les joueurs de feu devant nous. Sons de flutes surgis de tuyaux aléatoires comme des appeaux, autant de vibrations, de tremblements d'éther, de vacillement de plancher.Des boites de pandore que ces habitacles d'ordures ménagées où la pollution écœure et vomit le noir.Des trophées de plastiques, des atours à la Hussein Chalayan, ou en Bouroullec effrangé, plastifié.Des falbalas de pacotille rien qu'avec des plastiques de chantier, tout beau, tout neuf, matière à défilé de mode, à haute couture.Au royaume du sac et ressac poubelle, ça complote comme des willder man de C Fréger, des sorciers, des chamanes Au final des reflets dans l'eau, projetés au mur comme du cinéma expérimental sismographique, de l'eau qui fume et qui danse à la E J Marey et des battements de coeur comme un Boltanski auscultant le monde des tressaillements de nos corps. Car qui vibre et tremble mieux qu'un corps au diapason du monde qui bouge...

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