Le théâtre devient le lieu d’un rituel. Une performance totale et ininterrompue, à vivre de jour comme de nuit, durant 35 heures et 34 minutes.
Installation immersive, performance interactive, lieu de spiritualité pour le présent et l’avenir. Avec Asterism, Alexander Schubert signe un objet artistique non identifié, à la croisée des pratiques musicales, scéniques et technologiques. Au sein d’un étrange sanctuaire, vacillant constamment entre hyperréalisme et virtualité, se côtoient éléments naturels et artificiels, musicien·ne·s et performeur·euse·s, ainsi qu’une intelligence artificielle maîtresse du rituel. Une nature post-digitale, un entre-deux-mondes halluciné que le public est invité à parcourir à tout moment de la nuit ou du jour durant 35 heures et 34 minutes.
On est au cœur du théâtre du Maillon qui a su déjà bien des fois se métamorphoser en autant d'espaces que les projets artistiques imposaient au lieu, à cet "endroit" même ou sont convoqués à immerger et émerger les projets les plus fous! Parcours immersif, balade, déambulation des corps des spectateurs au gré des envies, des attractions, des pulsions générées par les atmosphères, ambiances de tous ces cabinets secrets de curiosité !Après avoir patienté pour intégrer le dispositif, à l'arrière du théâtre, on est invité à revêtir un imperméable transparent, sorte de houppelande qui vous donne l'apparence d'un oiseau de nuit prêt à plonger dans une grotte ou à pénétrer secrètement dans une centrale nucléaire...Après le passage d'un sas, salle d'attente d'un praticien inconnu, voilà que s'ouvre un gigantesque espace, lisère de forêt ou clairière de fées..Comme une jungle du Douanier Rousseau ou un décor de film de fiction de Clément Cogitore...Des êtres vivants peuplent ce radeau de la Méduse, les images sont d'emblée très picturales et renvoient à des univers connus. Tels des zombies allumés et hallucinés, une dizaine de performeurs hantent cet espace, rampant dans des reptations étranges, saccadées, animées de lenteur, de secousses; des corps intranquilles voués au mouvement incessant, sempiternelles danses de transes ou de recueillement. Dans de la terre battue, brune et prégnante.Maculant les corps pétris de poussières qui se roulent, rampent, s'extirpent du chaos.La chorégraphie signée Patricia Carolin Mai est pertinente et fait de ces gueux de cour des miracle sylvestre, des êtres vivants bousculés, chassés du paradis perdu, errant toujours abattus sur le plateau. Vêtus d'oripeaux en lambeaux de teintes grises. L'obscurité est inondée de lumières intermittentes, alors que le vrombissement des sonorités anime les corps.Soumis, flagellés, au diapason des rythmes, du propos qui semble fatal à leur destiné. Presque du Maguy Marin du temps de son Beckett "M Bay"...Des casques en trois D accompagnent ce spectacle de ruines végétales, de clairière au sein d'une forêt tropicale. Images 3 D fascinantes de beauté, de vertiges spatiaux incroyables à vivre au sein de cette atmosphère de cataclysme, de fin du monde. Graphisme tectonique d'architectures végétales, de formes aiguës minérales, de paysages sylvestres, de lacs de cratère..Sidération et émotion à l'appui. Les images signées de Marc Jungreithmeier sont invraisemblables, sidérantes, vertigineuses et épousent la musique avec pertinence: de quoi perdre pied!La performance bat son plein, se déroule sans fin alors que la meute s'excite, s'ébroue, jambes et bras attirés comme des aimants à la cime d'un espace aspirant au délire, à la déraison, forêt de membres agités par des spasmes sous les salves de la musique omniprésente. Les spectateurs sur l'échiquier comme des gnomes ou sylphes , témoins de ces tableaux vivants défilant sous leurs yeux. C'est captivant, envoutant, dérangeant comme cette séquence stroboscopique où les corps répulsifs se meuvent , hystérique parade de la danse de Saint Guy, du mal de l'ergot du seigle....La scénographie de Pascal Seibicke impressionne et opère pour créer un univers sombre, obscur, révélé par le rythme d'enfer de la pièce.Mathias Grunewald veille au grain, stoïque parrain de ces visions hallucinées L'arbre cache la forêt et Shakespeare n'aurait rien renier de ses avancées vers nous, lente descente de la nuit qui se déroule avec nous. Complices et comparses de cette fébrile ambiance...Démiurge de cette mise en espace du chaos, de ce film de "morts vivants", Schubert se révèle orchestrateur satanique et virtuose de ce spectacle total.On sort de l'arène estomaqué, impacté physiquement, touché par les frappes et empreintes laissées sur nos corps gavés de rythmes, de soulèvements, de vie !Affaire à suivre jusqu'à l'aube ce dimanche matin...Dans quel état de corps?
Au Maillon, les 7/18/19 Septembre dans le cadre du festival MUSICA 2021
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