Comme souvent dans l’univers de la Cie Wooshing Machine, les quinquagénaires Alessandro Bernardeschi et Mauro Paccagnella revêtent perruques et micros pour entonner des airs populaires. De Simon & Garfunkel à Nina Simone, en passant par Marianne Faithfull, le duo déploie son goût du jeu en parallèle des fêlures qui les habitent. Après Happy Hour et El pueblo unido jamás será vencido, ils concluent leur Trilogie de la mémoire avec Closing Party (arrivederci e grazie). Un bal de clôture sans paillettes, absurde et ironique, traversant la fin des utopies dans le même costume noir et barbe de trois jours. Ce passage en revue des souvenirs intimes, mêlés à l’histoire collective, prend corps dans une nostalgie joyeuse. Leur nonchalance naturelle n’enlève rien à leurs qualités de danseurs assumant de vieillir en clowns désabusés, en valse d’adieux reportés. Une dernière danse, front contre front, affranchie de la pression de la performance, entièrement tournée vers l’émotion et le plaisir – partagé – du mouvement.
Ils adorent le cinéma et cela fait partie intégrante de leur culture chorégraphique: de l'imitation des grands titres de films de référence, au décor en noir et blanc scintillant comme sur la pellicule d'antan, ils se régalent. Ce duo intime et séduisant fabrique de la tendresse, du bonheur autant que de la nostalgie. Duel, joute, tête à tête, toujours dans la grâce et le respect de l'autre. En costume noir, chemise, pantalon et chaussures vernies, affublés de perruques bien noir-charbon anthracite pour dissimuler calvitie ou tonsure des années passées, ils disjonctent joyeusement. Couple complice ils dansent sur des morceaux de musique de choix qu'ils ont chéris autrefois et s'adonnent au pur plaisir de danser, de divaguer dans l'espace. Soudain c'est Pasolini et ses multiples visages d'acteurs fétiches qui apparait; un jeune danseur bien chevelu qui leur ressemble avec en plus la vélocité et l'aisance qu'ils ont mis de coté, virevolte à l'envi. Image fugitive et fugace de la jeunesse emportée par les années. La perte, l'usure en moins pour un solo vif et plein de fièvre. Jeune trublion comme l'ange de "Théorème" pour référence... Renverser un chorégraphe conceptuel dans un rêve éveillé, rire de tout et de rien, décontractés, bon enfants.Des portés majestueux en cygnes noirs comme autant de références-mémoire de la Danse incarnée.Duo en miroir souvent, genoux fléchis, bras enrobant, désarticulés ils évoluent dignement sans fard ni falbala. Les épaules relax, détendues, mouvantes, les regards croisés et malicieux, la parole vive et bien enracinée dans les corps. Quelques blagues inachevées sur le bout des lèvres qui se terminent en fou rire pour impressionner son partenaire de scène.Que voilà bien du charme avant ces adieux pas pathétiques, plein de soleil de la langue italienne qu'ils manient dans la jouissance du partage; depuis bien longtemps sur le plateau de la danse depuis leurs ébats et débuts au Théâtre de la Bastille ou Jean-Pierre Timbaud du temps des Sagna et Jean Marc Adolphe! A bon entendeur, salut!
Essorer en machine tambour battant cette danse de mémoire vive et les couleurs ne s'altèrent pas!
A Pole Sud le 20 Novembre
Aucun commentaire:
Enregistrer un commentaire