Chess et Serena s’aiment. Malgré les règles et les interdictions de
cette prison pour femmes où elles partagent la même cellule, elles se
sont trouvées, confiées et ont atténué leurs peines. Mais le jour où
Serena apprend qu’elle va être libérée, comment continuer à vivre
séparées l’une de l’autre ? Dorothée Munyaneza s’empare de cette pièce
bouleversante de Kae Tempest dont elle signe la traduction française. La
langue et les chansons originales du poète rencontrent le mouvement et
le regard de la chorégraphe pour nous emporter dans une histoire d’amour
et d’amitié où pulse la possibilité d’être libre, d’être soi, sans
condition.
Deux femmes, complices, soeurs ou fratrie, amantes, amies...Le cadre est celui d'une cellule plutôt "ouverte", celle d'une prison où elles purgent une peine. Noires de peau, sororité renforcée par la taille, le costume, style de salopette de travail très designée. Le dialogue s’instaure quasi joyeux, plein de verve et de questionnement. Le sort de l'une sera la rédemption par la musique. Elle est "choisie" pour ses potentialités vocales et physiques. Par une pédagogue vivace, sorte de musicothérapeute,un tantinet caricaturale munie de sa valise pédagogique : une boite à rythme de moindre qualité qui déverse des syncopes faciles. C'est cela que lui propose cette femme aux cheveux blancs fabuleux, elle aussi en tenue de labeur. Censée redonner confiance en elle à la belle prisonnière, cette "geôlière" fait office de prêtre salvateur; libérateur. Mais celle ci se cabre, se rebiffe et n'accepte que dans sa clandestinité le deal. Jouer, chanter dans le noir et l'obscurité pour masquer des imperfections liées à son "ignorance" de la grande musique, ou solfège. La pédagogue s'entête à lui faire passer le message de résilience. Sa compagne, amie, amante l'encourage, la stimule et au bout du compte, quasi deux heures de représentation durant, elle nous délivre un show vocal plus ou moins convaincant. Le slam est un art difficile, rythme et battements du corps, du coeur, des cordes vocales, du palais et cela ne s'invente pas.
Les deux protagonistes bougent, dansent, se meuvent sous la direction avisée de la chorégraphe Dorothée Munyazena qui s'empare également de la traduction des textes de Kae Tempest. Le décor judicieux préfigure le monde carcéral avec de longs pendrillons qui peuvent dissimuler les gardiennes du temple, comme des "jalousies", des stores où le son passe au travers. Au sol, un damier qui se délite, désignant un espace quadrillé, scandé, géométrique oppressant. Une marelle qui ne conduit pas au ciel...Grilles et enfermement dans les pas, transcendée par la danse qui échappe à cet espace restreint.Pas de secret ici, tout est filtré et retenu et la narration entraine dans une temporalité, unité de lieu, de temps qui frôle le drame. Mais la survie est assurée par la musique qui redonne des ailes à l'oiseau prisonnier dans sa cage pas vraiment dorée.Les comédiennes au plateau flattant cette langue édulcorée avec grâce et volonté, détermination et engagement.Au sol puis en bandes suspendues, les textes manuscrits des chansons, comme autant de dazibaos...
Sondos Belhassen, Bwanga Pilipili, Davide-Christelle Sanvee, Grace Seri pour servir une oeuvre généreuse et engagée.
Au TNS jusqu'au 15 Novembre
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