CONCERT | PROGRAMMÉ PAR LE PUBLIC
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durée 3h
Occam Océan, c’est le « vertige inimaginable de l’infini des longueurs d’ondes », selon les mots d’Éliane Radigue.
L’œuvre — un des phénomènes musicaux majeurs de ce début de XXIe siècle, disons-le — a été conçue par transmission orale à partir de rencontres avec chaque musicien·ne de l’Onceim et d’une demande initiale de la compositrice : « faites-moi des vagues ». Comme des chemins dans une mer immaîtrisable, la matriarche de la création musicale trace les flux d’une possible sororité sonore, de surfaces en profondeurs. Se joignent à elle au cours de ce concert fleuve, les organiques Sarah Davachi et Ellen Arkbro, et la diva électro-lyrique Lyra Pramuk.
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Ellen Arkbro, For Orchestra (2022)
Ellen Arkbro est une compositrice et une artiste sonore qui travaille
principalement sur l’harmonie variable en intonation juste. Son œuvre
comprend des compositions de longue durée pour des ensembles ainsi que
des environnements sonores électroniques sous forme d’installations et
de performances en direct, utilisant à la fois des instruments
acoustiques traditionnels et des synthèses sonores algorithmiques
numériques.
For Orchestra est composée pour et avec les
musicien·nes de l’Onceim en collaboration avec l’INA-GRM, cette pièce
est créée pour la première fois en public lors de la soirée Akousma #7,
au studio 104 de la Maison de la radio et de la musique, à Paris, le 29
mai 2022
En une lente introduction sonore par couches et apparition successives des instruments, se révèle une atmosphère plane, horizontale.. Cordes, percussions et piano s'épousent, se doublent ou prennent la vedette. Dans une vaste étendue longiligne, le son est espace sans frontières, nappes de brouillard ou nuées acoustiques qui renforcent cette notion d'unisson. Les contrebasses et violoncelles en font une plongée sub-aquatique et marine de toute beauté et grandeur impressionnante. Dans l'Eglise ST Paul, aux arches illuminées du choeur, on déguste allongé, les réverbérations sonores à loisir.
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Sarah Davachi
Sarah Davachi compose des expériences. Ses environnements sont basés sur
une approche musicale à la fois minimaliste et englobante et une
physicalité psychoacoustique. Ces mondes “irréels” évoluent lentement,
et les drones précis de Davachi, son goût de l'harmonie, des tonalités
implicites et des motifs décalés les font osciller entre motricité et
immobilité, avec une expressivité et une force évocatrice intelligemment
dissimulées dans les vibrations sonores.
A l'orgue monumental s'est installé l'interprète, gardienne et source des sons sortis de ce buffet splendide personnage, immense soufflet des résonances vibratoires. En un long souffle tenu dans le cosmos, des stratifications et superpositions de sonorités s'épanouissent dans le champ immense de l'architecture enveloppante. On quitte les pupitres de l'orchestre pour se tourner physiquement face au monstre vibratoire. Au buffet d'orgue on se restaure sans modération de cette apesanteur et dilution des sons. Des ondes sans fin se disperçent dans l'espace, vibrant, pulsant: l'instrument immobilier dans toutes sa splendeur irradie et les vibrations au sol sont impressionnantes. Personnage et acteur de l'opus dans un univers quasi hostil et menaçant, étrange, la rencontre avec les vents est un acte créatif commun et unique. Les sons tournent, s'installent, planent, déferlent selon les tempis, en boucle sempiternelle, à la tombée de la nuit. Crépuscule du soir qui s'allonge et se poursuit, s'étire et prolonge la temporalité.
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Lyra Pramuk
Lyra Pramuk, explore une compréhension post-humaine et non-binaire de la
vie. L'artiste basée à Berlin fusionne la rigueur du classique, les
sensibilités de la pop, les pratiques de performance et la culture
contemporaine des clubs. Formée à l’opéra et musicienne électronique,
elle créé entièrement à partir de sa propre voix un voyage émotionnel et
joue avec la perception de la musique, des rythmes, de la parole, du
corps et de la relation entre la technologie et l’humanité.
Un guéridon, une table un peu kitsch et le décor est planté: les points de vue du concert changent, et, nomades, on se balade avec son cousin-valise, comme pour choisir son emplacement, son voisin : un terrain de jeu pour l'auditoire qui n'est pas sans charme ni intérêt. Écouter la musique dans des postures variées, expérimenter le son au sol, près du corps palpitant de son voisin ou rester assis sur du dur sur les bancs de bois des stalles. Un rituel cultuel et culturel passionnant et plein de surprises physiques. Une guitare, une voix et deux interprètes fascinantes par leur présence, jeu et proximité. De l'écho pour les émissions vocales, doublage et doublure des mots émis distinctement. Tout se fait ascension émotionnelle et vibrante, en réverbérations multiples, en ricochet pulsatiles. Ample et planante atmosphère rehaussée par le jeu de mains, l'expression du visage de la chanteuse. Un solo de guitare, une voix aux accents graves et diffus, voix monacale d'un officiant, à genoux ou assis: petite et grande cérémonie rituelle qui plonge dans un univers sacré de désir, de sensualité, d'interdits d'interdire les sensations originelles. La main levée d'un tendre prédicateur de bon augure dans le corps et l'attitude de de Lyra Pramuk en poupe. Comme une litanie, une prière païenne au sein d'une cathédrale de sons et de souffles. L'amplification tournante, enivrante des sonorités comme flux et reflux en reprises et répétitions. Volume et timbres à l'affut et en symbiose avec une dramaturgie narrative des sons qui bouleverse. Un fabuleux voyage sidéral.
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Éliane Radigue, Occam Ocean (2015)
Disciple de Pierre Schaeffer et assistante de Pierre Henry, Éliane
Radigue a développé une œuvre originale où confluent la musique
concrète, le minimalisme américain et le bouddhisme.
Occam Ocean
est un projet exceptionnel, fruit de deux ans de travail entre
l'artiste et les musicien·nes de l’Onceim. Ce cycle composant une œuvre,
dit-elle « par nature inachevée parce qu’inachevable », initie,
aujourd’hui une nouvelle série de pièces dédiées pour la première fois à
un grand ensemble.
Le choix et l’utilisation exclusive de sons continus, dit drones,
situent l’esthétique d’Eliane Radigue à la croisée des courants
minimaliste, électronique et spectral. La dimension spirituelle de ses
pièces donne à sa musique un caractère méditatif.
Au final et toujours face aux arcades gothiques illuminées du choeur, deux guitares caressent leurs cordes avec un archet: lentement, doucement, religieusement. Délectation de ces instants fugaces, ténus et plein de suspens. Sons intimes qui s'allongent et seront un rituel païen qui soude l'auditoire et en fait un public actif et très présent.L'orchestre irrade et se fait acteur et passeur d'une ambiance onirique jamais passive ni assoupissante. Au contraire, stimulante d'images, d’icônes et de sensations multiples de frissons sonores. Retour au calme, avec les archets glissant sur les cordes des guitares...
Onceim
direction | Frédéric Blondy—
Sarah Davachi I orgue
Lyra Pramuk & Jules Reidy | performance
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