jeudi 26 septembre 2024

"Resonanz": l'humour des notes ne dénote pas! Lookbock sonore désopilant.

 


L’imagination comme trouvaille, jaillissement, relation inattendue, mais aussi comme atelier d’imagerie intérieur et faculté à laisser libre cours aux représentations mentales. Voilà qui pourrait définir l’état d’esprit de ce concert de l’ensemble à cordes Resonanz.

Enno Poppe nous conduit dans une forêt de trèfles à quatre feuilles illustrée par quatre quatuors à cordes sur scène (Wald), tandis que François Sarhan compose, varie et rumine (Covaru) les effectifs potentiels de l’ensemble, du soliste au quintette. Joanna Bailie, toujours en quête de visions sonores, propose quant à elle une transposition musicale du temps d’exposition photographique (Residue).


François Sarhan
, Covaru (2024 - création mondiale) 

On reprendra bien un brin de François Sarhan! Notre espiègle vedette du festival MUSICA -on se souvient de son flipbook des années 2019-collector- et on feuillette sa dernière oeuvre du bout des oreilles qui n'ont pas de paupières.Il pleut des cordes ou des hallebardes de violons, violoncelles et contrebasse pour cet étrange formation de musique de chambre bien chambrée et cet "orchestre" inédit en demi-courbe comme un amphithéâtre résonnant. En robe des chants, cette musique impromptue, innocente autant qu'impertinente. Les sons fusent, s'évaporent en élixir de jouvence et part des anges. Perles de musique, petites touches discrètes des cordes pincées, unisson des archets qui frottent, glissent, tapotent les cordes. Glissandos et lamentos au menu de ces dégringolades sonores humoristiques. Plaintes ou gémissements langoureux, pleurs des cordes tendues qui ne cèdent pas ni ne plient. et décapantes à souhait. La surprise est de bon aloi et l'on se fraye un chemin de traverse dans ce foisonnement de sonorités spatiales. Du suspens aussi quand la contrebasse tente de remettre un peu d'ordre parmi cette tribu joyeuse. Murmures feutrés des répétitions, reprises en vagues successives. Des voix enflent, accélèrent le tempo, des percussions des mains en claquements irréguliers, des miaulements: le bestiaire de Sarhan  est une belle assemblée démocratique dans ce forum délicieux de l'humour, de la recherche de laboratoire fou trac et savant d'un Merlin l'enchanteur du son. Allez, on y retourne immédiatement!



Joanna Bailie
, Residue (2024 - création mondiale)
Promenons-nous dans les forets sans bois et les cordes pour scruter une clairière de sons toujours dispersés en forme de demi-cercle.Bien serrés, en accord -raccord pour un corps à corps avec la musique. Le chef, aux aguets de cette oeuvre douce, lente, hypnotique et soporifique aux virées spatiales oniriques de toute beauté. On se prend à rêver sur le fil tendu des notes et tenues des phrasés amples et délicieux.




Enno Poppe
, Wald (2010)

Les sons courent, se rattrapent, se doublent dans cette course poursuite en introduction, préambule musical. S'allient, s'associent pour que l'ensemble des cordes, 16 musiciens aguerris à la fantaisie s'installent dans une ambiance mouvementée. En montées-descentes successives, en ricochet comme des passations de sons que l'on attrape au vol pour les confier à son voisin qui en fait une interprétation. Jovial et ludique univers de glissades, incidents, chutes sonores en série. Des entrechoquements, hachures et rires en cascade pour cette réunion, assemblée  et sons des voix, des souffles. Scies et autres engins évoqués en filigrane. Des sons du quotidien de machines nous plongent dans le labeur de machines enrouées, grippées. Grincements, râpes pour mieux deviser de concert dans cette agora de cordes qui bavardent à loisir. Conversation, discours, harangue sympathique au public qui n'en est pas exclu. Les rouages de cette création bien huilés et fonctionnant dans des touches d'humour des notes et de détente d'écoute  Indisciplinée et audacieuse cette pièce fonctionne à plein et déliés et tente de surnager d'un délire salvateur. Virulence d'un tempérament vif, qui déferle en vagues successives en ascenseur pour un échafaud  sans guillotine dans une rapidité finale incongrue et surprenante. Un concert-cocktail de bienfaits anti académiques qui fait du bien.


Ensemble Resonanz
direction | Peter Rundel

A la Cité de la Musique et de la Danse dans le cadre du festival MUSICA

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