Espiègle s’il en est, l’on se souvient que Sylvain Riéjou annonçait la couleur lors de sa dernière venue : Mieux vaut partir d’un cliché que d’y arriver. Dans sa nouvelle pièce, Je badine avec l’amour (parce que tous les hommes sont si imparfaits et si affreux),
l’artiste associé de POLE-SUD jusqu’en 2026 n’a rien perdu de son
humour ravageur ni de son éclectisme culturel. La collision qu’il
orchestre entre Musset (On ne badine pas avec l’amour) et Patrick Swayze dans Dirty Dancing
n’est qu’un début. Le chorégraphe se lance dans une déclaration d’amour
à la danse et au sexy comédien qui n’est pas étranger à ses premiers
émois homosexuels, ni à sa perception de la séduction à travers les
stéréotypes hétéros des films grand public des années 1980. Pour la
première fois, il invite d’autres danseurs dans son autofiction, au son
de The Time of My Life. Entre scène du film rejouée, lip-sync et
passages iconiques – et ironiques – de chorégraphes contemporains
(Bagouet, Keersmaeker…), son quatuor dansé-parlé dessine une
cartographie du corps et du désir.
L'Amour, la danse, c'est pas sorcier!
Sylvain Riéjou joue et gagne,réjouit, enchante et tord le cou aux poncifs avec un sérieux de pince sans rire, une audace toujours mesurée mais assumée. Il détricote l'histoire de la danse en quatre histoires personnelles: le tracé, le chemin de trois interprètes et de lui-mème: auto biographie sans auto fiction. Son questionnement sur l'identité est source de jouissance autant que d'inquiétude, de trouble autant que d"évidence. Il joue ici le "chorégraphe" chef de bande qui livre ses commentaires et ses secrets de fabrication, avec ses interprètes sans rien cacher ni trop dévoiler. Avec humanité, savoir être ensemble et écoute fort humaine. Personnage bien entouré de Julien, celui qui a connu Roland Petit puis a fuit faire des expériences chez "exerce" pour le meilleur du développement de son inventivité. C'est drôle, jamais caricatural et si vrai! Toujours bercé par le cinéma et ses fameuses comédies musicales, Sylvain Riéjou joue sur un registre de mémoire collective: les musiques des duos ou trio classiques qu'il remodèle-lac des cygnes et autre tubes du ballet- se régalent de références détournées. Ainsi Offenbach et sa Barcarolle des Contes d'Hoffmann devient trio, morceau de bravoure classique, La Reine de la Nuit de Mozart fait sa flûte enchantée,se dédouble en deux harpies et le Prince Siegfried du Lac se lamente et souffre comme un beau diable. Fameuse idée de tout décaler pour mieux surprendre et "instruire" le spectateur. Et Sylvain devient le Roi d'Effets secondaires fort salutaires. Un placé beau comme remède à la mélancolie et la monotonie. Plein d'humour, son livret de ballet est romance et très bien scénarisé. Coups de théâtre, revirements d'humeur pour les interprètes qui s'emparent du plateau sous sa houlette. Car il sait ce qu'il veut même si le trouble le hante. Naïf et plein de charme, de poésie, d'humanité cet écrivain-narrateur est source d'empathie. La "sensualité" qu'il exige de ses interprètes et qu'il commente en direct est son credo et leitmotiv. L'Amour c'est cela aussi: Gainsbourg pour en faire un bel exemple à suivre. "Nathalie" de Gilbert Bécaud est un interlude savoureux, un entremets de gestuelle mimée entre langage des signes et chorégraphie burlesque. Chaque saynète est croustillante et bien relevée: on en reprendrait bien une petite part de rab tant cette nourriture fait du bien. Alors ce trèfle à quatre feuilles porte bonheur et conduit sur des chemins de traverse fort reconstituants: construisant les corps selon leurs désirs, leurs capacités et au delà si consentement ou nécessité. Dans le plus grand respect de l'autre et dans une proximité-complicité remarquable. Emilie Cornillot, sensuelle et aimable créature dansante, Jullien Gallée-Ferré dévoreur d'espace et de sensibilité, Clémence Galliard belle et rebelle partenaire.
Ca tourne rond chez Sylvain, en boucle, en ronde fraternelle et devenir soi en serait la plus chaleureuse recherche à travers le duo d'Amour, le trio, le solo: toute forme anti-conventionnelle à saisir quand il est encore temps!
A Pole Sud les 8 et 9 Octobre
POUR MEMOIRE
.....Écrit en 2023 à Avignon à la Parenthèse:
Sylvain Riéjou • "Je badine avec l’amour (car tous les hommes sont si imparfaits et si affreux) (travail en cours)"
Sylvain
Riéjou lève le voile sur sa toute prochaine création, un quatuor en
forme de plongée dans les références culturelles qui l’ont bercé,
adolescent, et qui ont construit son regard. Fan du film "Dirty Dancing"
cristallisant sa propre impossibilité d’alors à danser et à aimer, il
rejoue ici la rencontre et la parade amoureuse du film en parallèle avec
le lien chorégraphe / interprète. Un vrai-faux dialogue en adresse
directe qui, sous couvert de légèreté, explore en profondeur les
relations humaines.
C'est de l'humour nu et cru, une rencontre fertile et animée entre un homme qui se questionne sur son identité et son rapport au marivaudage. L'amour, toujours avec qui on ne badine pas: celui qui anime les grandes figures et références de la comédie musicale entre autre...Alors le dérisoire de situations mimées, reconstruites et revisitées par la danse d'aujourd'hui est désopilant, comique, burlesque et touchant.Accompagné de ses acolytes de toujours, Sylvain Riéjou enchante dans ce divertissements aux accents détachés, détournés où ses compères s'en donnent à coeur joie pour se raconter. Julien Gallée Férré, Clémence Gaillard et Emilie Cornillot en vieux routiers de la scène, présents au chapitre des trublions aux accents de danse-langage des signes ou virelangue à la Prévert, jeu de mots, de gestes, calembours chorégraphiques au menu de ce festin de la drôlerie et du détachement.
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