dimanche 6 octobre 2024

"Mirlitons" François Chaignaud | Aymeric Hainaux. Flammes and C°...

 


Au lendemain d’une défaite à venir. Les corps sont repliés, effondrés, inconscients — frappés peut-être par une colère divine. Mais progressivement ils se réaniment, s’amplifient, s’abandonnent à la vie une fois encore.Entre Aymeric Hainaux et François Chaignaud, l’espace d’un dernier rite se dessine. Le beatboxing du premier libère les claquettes amplifiées du second. C’est la lutte de la bouche et des pieds, et leur fusion en une créature musicale hybride. À travers cette transe païenne ultime, errance statique, tableau vrombissant, transparaît l’envers, le mirliton, un sifflet enfantin comme un souvenir perdu, un poème sans prétention.

Il traine un homme comme un cadavre ramolli dans un linceul de velours rouge qu'il jambe par la suite.... Ce dernier entame une respiration percutante qui ne le quittera plus: tambour en expiration sempiternelle. La vie demeure intacte. Pieta étouffante en portée tourbillonnante avec un hameau de cliquetis fait de pins enchevêtrés. Tout un programme de percussion intime venue du souffle, du coffre, des côtes et cage thoracique du compère de François Chaignaud. Micro tendu exaltant vent et expirations. Les deux hommes juchés sur un carré d'estrade minimal. Chaignaud en épouvantail de cuir , un bâton sculpté à sabot de bouc sur les épaules.Maléfique effigie, animal qui sème de ses sabots noirs des claquettes et des frappes au sol de flamenco. Traçant des cercles de craie magique quasi d'inspiration de ronds de jambe classiques. Une présentation solennelle des deux bâtons magiques comme porte drapeau d'une danse rituelle bordée de clochettes en grappes sonnantes et trébuchantes. Les sons des percussions thoraciques et des pas au sol amplifiés par un mur d'enceintes en fond de scène. Transes rythmiques avoisinant l'hypnose pour les spectateurs réunis en cercle autour de cette joute fantasque. Tremblements, tétanie, possession de ces sauvages, fous de danse, cheveux débridés touffus dans une montée en puissance du son assourdissant. Ils crèvent et brulent les planches de leur flammes and c° résonnant et indisciplinaires: irrévérencieux en diable. Nus pieds pour l'un, pointes flamenco pour l'autre dans un exercice virtuose de tours et martellement. Tels des sabots de bouc émissaire, ensorcelé, rituel de bergers qui sautent et sursautent. La perte, l'épuisement des corps comme credo ensorcelant. Une petite pause salutaire pour un changement d'oripeaux, de peaux de cuir et c'est reparti pour une session. De la voix surgit. Les sabots transformés en chaussons douillets blancs pour feutrer le son, glisser. Un turban de serviette de bain pour essuyer la sueur perlant des pores de cette peau du monde, peu d'animal aux abois. Chaignaud en Noureiv transpirant, moulé dans un legging blanc, Galvan-isé par les spasmes et zapateados de la rage flamenca. Outrepassée par une verve d'enfer, une tonicité, des muscles bandés par l'effort et la lutte avec le sol, avec l'autre. En un combat singulier devant nous , nous alpaguant. Un cache-coeur, caraco pailleté de pins résonants de toute beauté plastique. L'endurance, la résistance rivées au corps.Tel une ballerine qui se déglingue, Chaignaud exulte, rayonne, toréro de haute voltige face à son "batteur" corporel, son adversaire- compère idéal de joute. Danse sur pointes de chaussures flkamenco comme sur des lames de couteau à la Javier Perez, pour "sur le fil".Chaussures à la Iris van Herpen




Une chute, pieds en l'air, un pas de deux, adage où ils s'étripent joyeusement, se cherchent la bagarre, la zizanie. Pulsations toujours, étouffées parfois, figure scupturale de piéta: que de bonnes vibrations partagées que ce duo-duel infernal sorti des flammes d'un paradis en perdition joyeuse et païenne. Derrière le mur d'enceinte, ils disparaissent ces deux diablotins  monstrueux comme absorbés, dévorés par la matière sonore. Demeure un léger sifflement d'oiseau prometteur de rédemption. Lucifer et son double consumés.

 

conception et interprétation | François Chaignaud, Aymeric Hainaux
collaboration artistique | Sarah Chaumette
lumières | Marinette Buchy
régie générale | Marinette Buchy, Anthony Merlaud
son | Aude Besnard, Patrick Faubert, Jean-Louis Waflart
costumes | Sari Brunel

 A l'Arsenal le 4 Octobre dans le cadre du festival MUSICA


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