Fanny de Chaillé France 4 interprètes création 2023
Une autre histoire du théâtre
Avec quatre jeunes comédiens rencontrés pour Le Chœur, présenté l’an passé, Fanny de Chaillé bâtit une histoire collective du théâtre, pensée par sa filiation historique mais aussi du point de vue de ses acteurs. Entre scènes et figures mythiques, se dessine une cartographie de l’art dramatique sautant avec agilité des avant-gardes aux hybridations les plus contemporaines. Le théâtre de la relation, auquel la directrice du Théâtre national de Bordeaux en Aquitaine se plait à donner corps, forme une épopée à hauteur d’enfants. La découverte y est aussi enthousiasmante pour eux, que la reconnaissance des clins d’œil appuyés pour les spectateurs les plus assidus. Des questions brutes (jouer, est-ce faire semblant ou devenir le personnage ?) voisinent avec des tirades interprétées dans un décalage saisissant. Elle offre une lecture limpide des enjeux de pouvoir, des rôles genrés et des angles morts qui témoignent si bien de deux mille ans d’histoire sur lesquels repose notre culture commune.
En marche, en danse, on s'exerce:c'est la question de fond posée d'emblée dès le départ de cette course contre la montre.Marche, démarche. Laquelle adopter pour conter l'Histoire du théâtre? 2000ans à condenser, étriquer, rétrécir, compacter.Gageure improbable mais dont un directeur d'acteur, tyrannique, stressé, terrorisant et manipulateur va être la première cible caricaturale.On reconnaitra Louis Jouvet (ou pas, peu importe) en caricature d'autoritarisme, de pouvoir et de harcèlement. La voix nasillarde, les épaules tendues, figées, le corps absent, la parole dictatoriale au point pour impressionner, anéantir, écraser l'acteur qui cherche à naitre en début de carrière pour chacun des postulants à ce dur métier. C'est Malo Martin qui s'y colle avec énergie.Cela convient ou pas, certain cherche la discipline, les directives, d'autres prônent la liberté d'initiative de l'interprète. Ainsi quatre comédiens s'attèlent à écrire "notre" histoire du théâtre. Celle qui raconte leur vie et leur chemin personnel vers cette ascension à la profession. Athlète du corps et du coeur en tout cas: cela fait l'unanimité. Parmi les grands de ce monde du spectacle, défilent avec bonheur une "femme respectable" Joséphine Anne Endicott, interprète de Pina Bausch, ici incarnée par Valentine Vittoz qui a bon et beau dos. Amusante, désopilante dans ce rôle qui nous fait voyager dans l'histoire du Tanz Theater avec détermination, engagement personnel et forte tête. Une Jeanne Moreau interviewée, légère, volubile, girouette docile , femme futile incarnée par Margot Viala, excellente imitatrice. On bascule de référence en référence en passant par les auteurs classiques, les metteurs en scène d'hier et d'aujourd'hui. Des interludes-entremets- de piano comme fondus au noir. Jeu d'acteur en poupe, corps en résonance perpétuelle et indispensable à un bon équilibre entre texte et imagination. Le collectif se questionne, se renvoie la balle, on s'étripe en combat où les femmes prennent le dessus, sens dessus-dessous.Ludique visite guidée dans le temps, brisant unité d'action et de lieu, honorant l'alexandrin divin et mélodique. Lac des "signes" qui parcourent les émotions, moteurs et motivations de chacun à exercer à sa façon son métier de comédien: par défaut, imitation ou évidence révélé en chacun d'entre les quatre.Confessions de ces "athlètes du coeur" plus que du corps, malgré tout soumis aux exercices quotidiens. Chapeau à Tom Verschuren pour sa démonstration de yoga égayant les soins et attentions au corps de l'acteur. Instrument incontournable de nos identités, performances et émetteur de pensées collectives salutaires.
Un petit panorama synthétique pour ce choeur dansant, bougeant avec tac, justesse et bonhomie. Fanny de Chaillé en directrice d'acteur et metteur en scène pleine d'attention et de rigueur face à une jeunesse avide et demandeuse.Loin des tyrans assénant toute vérité toute faite.
A Pole Sud les 15 / 16 0ctobre
Présenté dans le cadre de « Petite histoire, grande histoire »,
résidence artistique de Fanny de Chaillé à l’Université de Strasbourg.
Avec le soutien de la Fondation d’entreprise Hermès.
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