Acclamé par la critique, cette longue chanson est avant tout un morceau de bravoure athlétique et musical, un déferlement d’énergie vitale pour la relecture d’un requiem : en 2005, la metteuse en scène Miet Warlop avait conçu Sportband / Afgetrainde Klanken comme un hommage à son frère décédé. Vingt ans plus tard, elle relit la pièce à l’aune d’une œuvre qui s’est entre-temps imposée sur la scène internationale, et lui donne une teinte nouvelle. ONE SONG est aussi inclassable que ne l’est son autrice, qui aime mettre à bas les conventions, avec humour et finesse. À commencer, ici, par la différence entre le sport, la musique et le théâtre. Encouragé·es par leurs fans enthousiastes, et accompagné·es par un pom-pom-boy dévoué à la cause du spectacle, cinq musicien·nes sautent, courent, marchent sur une poutre, font des étirements… à moins que ce ne soit cinq athlètes au violon, à la contrebasse, à la batterie ? Dans cet étrange meeting sportif qui mêle le rire au chagrin de la perte, chaque note nécessite un effort. Une performance, dans tous les sens du terme.
Sur une tribune, une speakerine s’égosille dans un mégaphone: arbitre tri-jambiste de handy-sport son discours inaudible se transforme en fou rire alors qu'elle présente les cinq joueurs de la soirée. Une majorette à plumes se dandine alors que sur des gradins, cinq supporters vont peu à peu se mettre en mouvement. Le tableau est brossé, l'échauffement des athlètes peut commencer, offensif, forcené. Petite course de fond aller-retour sur fond de métronome. Une violoniste grimpe sur la poutre et n'aura de cesse de jouer sur une jambe, en arabesque équilibriste. Le violoncelliste adopte la position couchée, à l'horizontale. Un plancher roulant pour le coureur de fond, un trampoline et des espaliers pour le quatrième larron. Alors qu'un drapeau flotte au vent, les hostilités démarrent: cinq places de percussions pour un batteur de choc et ses vibrations tectoniques, comme leur gymnastique tonique: le tout compulsif et hystérique à souhait pour éveiller les consciences, travailler sur la perte, la performance sportive, l'achèvement des héros d'un jour sur la piste aux étoiles. Le rythme s'accélère, démoniaque, hypnotique et nos oreilles "qui n'ont pas de paupières" songent aux bouchons . Un peu de Bach au violoncelle pour calmer les passions et adoucir les moeurs et ça repart. Ceux qui encouragent s'agittent frénétiquement, brandissant leurs slogans sur banderoles. TGV, très grande vitesse pour cette performance épuisante: un voyage virtuel où la course contre la montre dépasse et franchit les bornes de l'entendement. Un peu de ping pong sans filet, balles au bond et c'est une pause salvatrice, gestes au ralenti qui ponctue le show. Une majorette s'épuise à faire le pom pom boy et installer un jeu de scrabble géant. Calme apparent qui cache la future tempête... Des bruits d’effondrement, de salves se font entendre comme une métaphore de destruction massive des corps en surpuissance. Accalmie de courte durée dans cette météo de cataclysme et tsunami prévisible. Nos anti-héros épongent le sol humidifié par une pluie survenue de nulle part avec leur t shirt, désacralisant le gadget et le produit dérivé de compétition. Les numéros affichés sur les corps en faisant de gentilles bêtes de somme à regarder, observer. Les basses tâches pour tous: très "zen". Horde sauvage, cette tribu, collectif doux dingue évolue dans le stress et la virtuosité, la résistance et l'endurance. Hilarant et agaçant . La percussionniste s'effondre et souffre à vue. Dans du talc ou colophane répandue au sol. Sur les tribunes les spectateurs en transe, en empathie totale avec les athlètes s'adonnent au rituel du frappement des mains pour encourager ce petit peuplé enragé. Elle court, elle court, la dépense et l'on achève bien vite les chevaux dans ce stade intérieur, gymnase ou salle d"évolution pour "martyrs". Tout est blanc, très clinique, clean et assourdissant de décibels et rythmes binaires. Le violoncelle a grimpé sur la poutre, la surdose de percussions explose et maltraite les tympans. Tout s'effondre alors, seul le tapis roulant travaille encore à charrier des fantômes. Le drapeau flotte, pavillon de détresse de mauvaise augure. Essoufflé le major d'homme se rend et capitule. Débâcle et débandade pour tous.Seule l'arbitre est rescapée sur cette arche de Noé désertée, sinistrée. L'hymne international au poing fait se redresser la troupe galvanisée par les ovations du public... Les JO fédérateurs et politiques rappellent à l'ordre les joueurs et supporters. La Cène finale à douze apôtres couronne Terpsichore en baskets avec brio. C'est la lutte finale.
Présenté avec POLE-SUD, CDCN au Maillon jusqu'au 16 Novembre
Certes il est possible de tout décrire en détail et il y a de quoi faire . Comme j’ai déjà vu ce spectacle à Paris j’en ai une idée encore plus précise : so what ? Il y a à voir et à entendre fort, mais en dehors de la performance qu’est-ce que cela me raconte ? Une histoire de deuil ? Où? Une émotion ? Décidément tout cela ne touche que les yeux et les oreilles. C’est pour moi le grand défaut de beaucoup de spectacles d’aujourd’hui. Vain.
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