Redécouvert il y a quelques années seulement, Julius Eastman (1940-1990) avait disparu au début des années 1980, jeté à la rue, son œuvre dispersée ou perdue, avant d’être emporté par le virus du Sida.
Il est l’auteur d’une musique brute et organique, familière du happening et des musiques populaires, dont la scansion répétitive est aussi politique, souvent accompagnée de titres dénonçant le carcan social imposé aux noirs et aux homosexuels aux États-Unis. Militant et témoin historique de l’émergence des mouvements antiracistes et de libération sexuelle des années 1960, il compose Gay Guerilla en 1979, dix ans après les émeutes de Stonewall à New York.
Dans le studio du Centre Pompidou Metz c'est à un ouragan sonore de quatre pianos disposées en trèfle à quatre feuilles que le public, réuni autour, va palpiter.
Grâce à l'oeuvre de Julius Eastman, Evil Nigger (1979) |où la férocité de la musique explose, tonus, énergie et paroles fulgurantes au son des 1/2/3/4 d'un des pianistes qui semble orchestrer cette fulgurance. Gay Guerilla (1979) succède, doux et serin, opus en contrepoint Mais c'est surtout Crazy Nigger (1978)qui va étonner, surprendre, déplacer et décontenancer l'auditoire. Des appuis des doigts sur une seule note, déclinés à l'envi, seuls ou en canon et ricochet, ou à l'unisson des huit mains véloces. Des marches en avant, à reculons, comme une lutte contre la montre, un passage obligé sur un tapis roulant à contresens. Réverbérations, couches sonores, superpositions des sons ou décalage, pianos "ouverts" béants de sonorités percussives obsessionnelles.Musique parfois fluide, évanescente, aérienne en écho. L'ampleur et l'amplitude du volume saturant l'espace ou l'ouvrant vers des contrées inédites d'écoute. La pulpe des doigts des quatre pianistes à rude épreuve! Course folle, enivrante pleine de ressorts, de rebonds, de tectonique d'écriture variable imposée ou imaginée par le compositeur et les interprètes participatifs. Tel un furieux carillon de campanile déchainé, une force tempétueuse s'abat sur l'auditoire médusé, tétanisé ou emporté. Les appuis des doigts sollicités à l'extrême. La perméabilité sonore émeut, bouleverse, dérange, déstabilise pour le meilleur des émotions musicales. Les vibrations dans le corps, les yeux rivés sur le jeu virtuose des pianistes compères, complices, au diapason fraternel. Des frappes régulières viennent calmer le tsunami bordant un grand désordre, chaotique, rageur comme des coups de béliers enfonçant une porte blindée. Des moments inédits d'une grande intensité!
Au studio du Centre Pompidou Metz le 6 Octobre dans le cadre du festival MUSICA METZ
piano | Mélaine Dalibert, Stephane Ginsburgh, Nicolas Horvath, Wilhem Latchoumia
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