lundi 31 janvier 2022

"Karim à notre insu": le cas rime avec in situ: ici, là et maintenant ! Et en bonne "compagnie" ....

 


Dans le film comme dans la vie quotidienne à La Garande, Karim a trouvé sa place d’égal à égal avec ses nouveaux compagnons. Toutes et tous s’expriment dans le film, face caméra. Avec leurs mots, ils disent la vie sans mode d’emploi. Ils ne veulent rien démontrer, mais ils nous prouvent une chose essentielle : la puissance de la non-discrimination.

C'est un  miracle d'intégration que ce personnage de Karim, acteur et autiste que Rita Tatai doit au film "Karim, à notre insu", film documentaire signé par Françoise Schöller, une autre Strasbourgeoise.
Longtemps journaliste « Europe » à France Télévision, un temps présidente du Club de la Presse, Françoise a cofondé la Société 2 Caps Production fin 2014 pour devenir auteure-réalisatrice freelance au printemps 2020. Elle voulait « ne plus seulement raconter une histoire », mais « faire des choses qui aient du sens », « être dans le journalisme d’action ».


 

Elle a rencontré Rita et son fils après avoir lu "Moi Karim, je suis photographe", un ouvrage paru aux éditions strasbourgeoises Un bout de chemin, dirigées par Angelita Martins.Un texte de Rita y accompagne un choix de photos prises par Karim au gré de ses promenades dans la ville. S’y raconte leur vie menée ensemble, le verdict « handicapé mental » très tôt tombé, le diagnostic d’autisme posé à l’âge de 23 ans et la décision de sortir Karim des systèmes institutionnels tout simplement parce qu’il n’en pouvait plus.

Le film est à l'image des ambitions des protagonistes: incroyable témoignage burlesque et joyeux d'une communauté qui accueille sans préjugé un des leurs, mais "différent" et improbable, au comportement hors norme et soit disant ingérable. Tout commence à Strasbourg ou Rita Tatai dans son atelier de couture et costumes de scène se confie en voix off alors qu'elle pique et coud tissus, matières, bordures et lisières, ourlets et parures: toutes les métaphores des liens, sociaux, affectifs et humains d'une communauté. Mais elle y est seule comme cette mère jamais fataliste ni résignée qui cherche à faire grandir Karim et y parvient en dehors des institutions bienveillantes qui auraient pu "prendre en charge" son enfant Mais on n'oublie qu'un être humain n'est ni fardeau, ni poids, ni charge mais facteur de "transport", d'euphorie au sens étymologique. Saint Christophe, patron des voyageurs, des routiers serait ravi de voir que Karim embarque pour un beau voyage lors d'une ruse et d'un détournement extra-ordinaire. Il part à l'aventure, mis en confiance par un lien humain de franche camaraderie et s'y colle à ce déracinement de Strasbourg: audace, gageure, inconscience Un peu de tout cela pour l'équipe de tournage qui lui trouve une place, sa place dans un tournage professionnel où les consignes sont strictes et respectées.Les choses sont claires, stimulantes et bénéfiques: pas de compassion inutile ni de condescendance La réalité pour Karim qui est joyeux dans sa caravane privée, dans un environnement communautaire où l'on partage risque, quotidien, fiction et cinéma bien sur§ Mais qui joue et quoi, et à quoi? La fiction est aussi domaine de Karim qui ici peut exprimer son imagination et être témoin de comportement extravagants de ses amis comédiens La fantaisie lui sied à merveille, celle des autres, "grands enfants" et adultes responsables.Il n'est le jouet de personne et ses capacités sont boostées, son quotidien modifié au profit même de l'abandon de certaines de ses habitudes: coca-cola et sucreries n'ont plus de raison d'être au profit de la relation humaine, de l'action, non de la rumination Bien des psychiatres s'interrogent sur "l'être ensemble", celui des danseurs , de leur "cum-panis", compagnie, groupe, horde ou meute où tout se joue.  Les comédiens acteurs de cette magnifique rencontre au coeur de la Normandie, au creux d'une demeure authentique et chaleureuse jouent le jeu d'une équipe, comme dans leur profession et l'accueil, l'écoute, le respect autant que la bonne "autorité" sont de rigueur Naturelle et pleine de santé, de verve, d'humanité. Ce document filmé avec discrétion, humour, tact et audace est unique et atteste d'une "expérience" bénéfique qui "prouverait" qu'ensemble, bâtir et réaliser des projets est source de solidarité, solidité et rapports de confiance, distribués, consentis, mûris et bénéfiques pour tous...A notre insu, peut-être mais mûrement improvisé selon les lois du hasard, de la rencontre et de la sympathie. 

Le futur film fictionnel réalisé par Paul Gaillard, comédien -voir Biface actuellement au TNS- sera bientôt visible sur facebook: on y verra Karim, comédien à part entière, sur un pied d'égalité, jouant son rôle: un acteur , une étoile sont nés?

Un film écrit et réalisé par Françoise Schöller, en collaboration avec Solene Doerflinger.
Avec la participation magistrale de Karim Tatai - Karim TATAI photographe, de Rita Tataï et de la formidable bande la Garande.
Image : Solene Doerflinger & Christophe Busché
Son : Martin Sadoux - Grégoire Deslandes
Montage : Martin Mauvais
Musique originale : Pierre David
Prod : Blandine Besnard - Max Leneveu
Affiche : Nathalie Raminoson
KEREN Production en coproduction avec France 3 Alsace - Fanny Klipfel - Anne de Chalendar
Avec le soutien de la Rég

samedi 29 janvier 2022

"Arabia Félix: Yémen, un gout d'éternité" de Robert Cahen: Sanaa au plus haut des yeux !

 


ARABIA FELIX - Yémen, un goût d'éternité
Documentaire de Robert Cahen
 
« C’est une ville où le temps s’est arrêté. Elle a quelque chose de biblique… » Figure de l’art vidéo doublée d’un infatigable globe-trotter, Robert Cahen n’est pas du genre impressionnable, mais sa découverte de Sanaa, la capitale du Yémen, en 2005, a été un choc. Ses hautes maisons en briques crues qui s’élèvent sur plusieurs étages défient les siècles avec leurs façades décorées de frises géométriques aux portes et fenêtres surlignées en blanc de chaux.
Après "Sanaa, passages en noir" en 2007  vidéo qui  a été filmée à Sanaa, capitale du Yemen, où des femmes voilées de noir, passent dans une ruelle étroite, Robert Cahen revisite le Yémen. Le côté fugace mais répétitif de l’image retravaillée donnait à la vidéo un caractère hypnotique que renforçait le choix de la musique : un extrait de La Passion selon St Jean de Jean Sébastien Bach. Au-delà du travail sur
la notion de passage, l’artiste mettait déjà en scène un échange inattendu entre deux cultures.
 
Salle comble dans la galerie d'art Apollonia pour une avant première du film documentaire du vidéaste plasticien Robert Cahen, bien connu et plébiscité pour son travail autant musical que visuel du monde par le truchement des espaces visuels vidéographiques.
Ici, oh surprise, un travail sobre et mesuré des espaces pour un voyage dans le Yémen encore "en paix" des années de ses escapades toujours périlleuses dans des contrées "exotiques", étranges, étrangères.Des images d'un pays qu'il va apprivoiser, qui va l'accueillir au regard de la discrétion et de la franchise de son attitude, de sa posture respectueuse vis à vis de ses habitants. Des scènes de vie traditionnelle, de la campagne chatoyante où les personnes sillonnent le territoire pour leur survie ou leur simple déplacements vitaux. Des instants "volés" ou "dérobés" en toute sérénité de scènes de marché, d'artisans au travail, ces "irons man" des petites rues étroites, de ces dealeurs de Qat, les feuilles miraculeuses que l'on mâche sans fin...Des visages surtout ou de beaux arrêts sur images fondus révèlent la confiance et l'abandon que lui confient chacune des rencontres fugaces et volatiles des instants capturés, captivants de ce "documentaire" inédit.Des femmes qui ondulent, toutes en noir dans les ruelles, des enfants traqués par la caméra qui courent dans les ruelles, des hommes immortalisés par l'image animée de toujours très belles et bonnes intentions et attentions de Robert Cahen. Beaucoup de tendresse et de respect, d'empathie avec un peuple bigarré aux visages à la peau lisse et noire, aux regards patients et ouverts à la rencontre avec notre artiste humain, très humain dont la douce voix vient parfois commenter les images. La musique, de Wagner,les bruits et sons du quotidien en direct étoffent le tout avec bienveillance et justesse. Robert Cahen signe ici un document rare et précieux sur les années "ensoleillées" du Yémen où semble déjà planer la menace de guerre.On ne badine pas avec cette réalité là et la poésie et la beauté de ces images brutes, les scènes de vie quotidiennes-ces chevreaux portés par des hommes dont c'est  la tâche journalière-font un témoin incontournable de la vie au regard d'un artiste compatissant et communiant avec une population adoptée par la magie de son comportement aux antipodes d'un reportage à la" ushuaia" se déracinant les ailes !
 
Avant-première en présence de l'artiste le vendredi 28/01 à 19h à l'Espace Apollonia au 23 rue Boecklin 67000 Strasbourg

mardi 25 janvier 2022

"Solo Voice+": un CD de Françoise Kubler: et on démarre par une présentation publique en doubles croches pointées de toute beauté!


 
L’ensemble Accroche Note nous a invites à la sortie officielle de l'album de Françoise Kubler, "Solo Voice +".
Cette nouvelle parution discographique est entièrement consacrée à la voix et à la fondatrice de l’Ensemble Accroche Note. Françoise Kubler y met en lumière le répertoire contemporain et y présente la voix sous différentes approches, techniques et écritures stylistiques. Elle propose un voyage dédié à des compositeurs phare de son répertoire, amis de longues dates ainsi qu’à des jeunes compositeurs.
Oeuvres de : De Pablo, Donatoni, Dusapin, Rhim, Leroux, Mâche, Seo, Bedrossian
Deux extraits seront chantés par Françoise Kubler (soprano) en présence des compositeurs François-Bernard Mâche et Jiwon Seo.
 
C'est dans la salle Blanche de la Librairie Kléber que se retrouvent les protagonistes de ce projet, et avec pour privilège la présence de François Bernard Mâche de surcroit!
Un parcours entre la chanteuse et quelques compositeurs phares, compagnons de sa carrière vouée à la musique contemporaine depuis plus de 40 ans: sans faille ni "décrochage"avec passion, attention et mesure, raison et emportement, enthousiasme et hyper professionnalisme. La part de transmission de son répertoire comme action pédagogique, au coeur de son attitude, de sa posture face à l'histoire qui se tisse entre interprète et créateur-compositeur. C'est avec FB Mâche que l'aventure démarre avec ces difficultés "hors norme" des compositions qu'il va lui dédier d'emblée.Ce soir là, Françoise Kubler nous offrait sur le petit podium, des instants de grâce: ceux de deux des "Chants sacrés à capella de FB Mâche.Quasi liturgique et religieux dans des "langues rares" dites "mortes": hittite, étrusque, gaulois!
Leur organisation rythmique, l'imaginaire qui les animent et inspirent la cantatrice en font des pièces rares et passionnantes."Maponos" est une "musique de sorcières" qui rivalisent dans une situation théâtrale difficile à interpréter mais si fertile en émotions, virtuosité et talent d'artiste lyrique.C'est en compagnie d'un tambourin, sorte de lune, frappée avec singularité que Françoise Kubler touche, émeut et brandit cette lune magique et magnétique à bout de bras: solo chanté et dansé avec une intensité et puissance rare. De noir vêtue, platée sur ses talons hauts, la voilà qui nous embarque dans une "danse de sorcière" à la façon de la danse d'expression de Mary Wigman, à l'époque accompagnée elle aussi de percussions corporelles et sonores.....
 
danse de la sorcière de mary wigman

Tambourin à "intégrer dans le corps", corps-raccord, corps-accord avec l'instrument.
Puis en présence de la compositrice Jiwon Seo qui nous parle de ses créations, entre autre "Eon 3 m, oq", le dialogue s'éclaire: du "fil à retordre" pour les deux complices qui cherchent l’inouï dans la composition et interprétation électroacoustique.Cette appétence pour les sons réverbérés, trafiqués, façonnés qui dialoguent avec la voix, leur est commune et elles avancent de concert dans la recherche de musicalité incongrue, inédite. Chose assumée avec ce solo que Françoise Kubler nous offre en exclusivité de sons écrasés et d'inspires fondent un lexique riche et étendu. Voix et interférences simultanées sont extra-ordinaires et fusionnent dans l'espace sonore et dramaturgique. Ce poème dédié et écrit pour la chanteuse est une perle rare et émouvante où les sons inédits frappent et interrogent notre appréhension des sons encore et toujours en écho et ricochets constants.
 
Puis la discussion reprend animée par le critique musical Hervé Lévy, fin connaisseur et animateur débonnaire.
Encore beaucoup à dire sur toute l'attention et le respect que Françoise Kubler nourrit autour de Donatoni, aujourd'hui compositeur oublié mais dont l'écriture élégante, lyrique et italienne séduit : une écriture vocale au souffle prépondérant, à la métrique redoutable, mécanique à la Bach. Autrefois adulé puis disparu du paysage sonore, ce compositeur retrouve ici une place légitime dans le parcours personnel de la chanteuse qui lui rend ainsi Hommage!"Incontournable" pour le répertoire de la Musique Contemporaine. Justice rendue!
On repart sur des propos de la musique de Pascal Dusapin, complice de l'auteur Olivier Cadiot, autour de l'oeuvre "Il-lL-Ko".Un parlé-chanté qui surfe entre texte et musique, du chant lyrique virtuose , sorte de sprechgesang revisité. 
Et l'on se quitte un double CD en mains, plein de curiosité aiguisée par cette rencontre chaleureuse et édifiante: une artiste hors norme pour un répertoire en conformité avec sa personnalité hors du commun et son immense talent partagé au regard de la musique d'aujourd'hui: dont on n'oublie pas les racines, les rhizomes et autres liens magnétiques 
Un CD qui fera date à coup sûr !
 
le mardi 25 Janvier librairie Kléber
 
Puis la discussion reprend animée par le critique musical Hervé Lévy, fin connaisseur et animateur débonnaire.
 

lundi 24 janvier 2022

"Graces": Sylvia Gribaudi en "pleines formes" !

 



Silvia Gribaudi
Silvia Gribaudi Performing Arts Italie 4 interprètes création 2019

Graces

Elle a la mine espiègle et un corps pulpeux. Elle aime en jouer avec facétie pour défier les tabous, déjouer les codes et les clichés. Cette tournure malicieuse est à l’œuvre dans Graces. Un spectacle allègrement nourri de « positive attitude » signé Silvia Gribaudi.
Dans Graces, Silvia Gribaudi est accompagnée de trois complices masculins. Ensemble, ils déclinent avec humour une autre conception de la beauté à partir des postures corporelles, des danses, actions et situations iconoclastes qu’ils explorent. Leurs sources d’inspiration portent aussi bien sur le ballet que la sculpture antique, le cirque ou la revue : tous arborent un idéal du corps que la performeuse italienne convoque pour mieux s’en affranchir. Son apparente naïveté masque une facétieuse intelligence. Et cette pièce qui incline à la rondeur des formes, célèbre, non sans aplomb, la sensualité de la chair en miroir aux canons de l’époque néoclassique. Comme en témoigne l’une des sculptures d’Antonio Canova, Les trois Grâces (ou Charités) qui ont inspiré le titre du spectacle. Le jeu des références et des décalages se poursuit avec jubilation jusqu’au climax. Au cours d’un élan de générosité sans bornes, le groupe entier termine enfin sa course sur un plateau trempé d’eau, enchaînant glissades, séquences de voguing, Haka, Kung fu ou poses de Power Rangers. Cette réjouissante performance qui marie pertinence et impertinence exulte enfin dans une explosion de bonheur. 

A Pole Sud le  21 er 22 Janvier dans le cadre" l'année commence avec elles"

dimanche 23 janvier 2022

"Biface": corps foux dans espaces déshabités....

 


Le metteur en scène Bruno Meyssat et son équipe se sont intéressés au choc qu’a été la rencontre entre Aztèques et Espagnols il y a 500 ans, à l’arrivée des conquistadores. Choc visuel, culturel, religieux, rencontres faites de fascinations, de curiosité, d’aversion. L’équipe s’est plongée dans les témoignages relatant de part et d’autre cet événement, non pour en restituer les faits dans le cadre d’une pièce documentaire, mais pour tenter d’en approcher, aujourd’hui, les sensations, les questionnements, l’essence de ce qu’est une découverte mutuelle d’une telle ampleur − presque surnaturelle. Qu’exprime finalement de nous cette mise en présence soudaine de deux manières d’être au monde ?

D’emblée c'est le visuel qui captive et le silence opaque qui intrigue.Un homme dessine sur une surface vierge ,sol délimité, un croquis aztèque à l'aide d'une cafetière qui pleur du blanc et de la farine: puis il efface tout et tout change...Alors que cinq personnages frappent du pied et font en ribambelle le tour du plateau: danse chamanique ou redoute rituelle?Sanction pour rythme dans ce silence où seule une voix off et un texte inscrit qui défile sur le mur font acte de narration. Mais ce sont les corps qui vont l'emporter, langage universel dont on apprécie la précision des gestes, les poses et attitudes,  les postures qui se révèlent dignes d'un film "muet". Une ribambelle d'accessoires jonchent le sol, pièces à conviction d'un théâtre d'images et d'objet à la Tanguy, objets d'un rituel savant qui ne cesse d'animer ce spectacle multiforme, intriguant, hors norme...Théâtre du silence, du verve qui se fait rare sur les lèvres de ces personnages grotesques ou neutres: un homme dans une cage, officiant d'un texte off offre une vision très plasticienne des saynètes qui se succèdent au fondu noir Un cheval à grelots qui fait son manège au galop sur fond de très beaux chants ancestraux, des fidèles sur un banc qui se signent face à un officiant ....Le clou de ces évocations hors champs: la description de la mort annoncée de Philippe II conquérant qui agonise dans sa décomposition corporelle: c'est sidérant de cruauté, de trivialité: nu et cru, le texte fait office de narration précise et féroce, toujours très visuelle, truffée de détails, alors que sur scène c'est un sac poubelle qui relie le tout dans lequel s'engouffre Paul Gaillard, nu et cru!De grands et beaux silences animent la pièce, les comédiens bougent et dansent dans une chorégraphie-corps et graphie- surprenante. Mayalen Otondo en prêtresse chamanique mouvante et composant de sa gestuelle, une fresque vivante et plastique à la Rachid Ouramdane..Ils sont à vif et sans concession, divins, idoles ou martyrs, dévots ou princiers...Des sculptures de bois brut ou carbonisé, une chaise suspendue...Autant d'objets qui font sens dans ces visions surréalistes à la Beckett ou Ionesco, mise en scène curieuse, hypnotique pour qui veut bien s'y immerger, le temps de cette fable minutieuse sur l'histoire du Mexique: ses racines, son épopée, odyssée de faits et gestes barbares ou religieux..Un homme assis à une table, scotché pour de bon, rivé à sa table de sacrifice ou de travail: du Jane Fabre quasi !Le côté archaïque faisant foi. Un globe terrestre que l'on cueille du haut d'une échelle du ciel pour globalisation terrestre à l'aide d'une mappemonde lumineuse...Tout les objets s'animent et peuplent la scène, les comédiens au service d'une gestuelle précise et se lovant dans des costumes ou une nudité remarquables. Ce "Biface" étrange, conversation entre icônes et texte, voix et images est une réelle réussite qui fonctionne et plonge dans des abimes historiques inédites. Le propos et la mise en scène de Bruno Meyssat, comme une "conquête" et quête du beau ou du mal: le corps comme page blanche ou fer de lance d'une lecture de chair et de mouvement dansé, indescriptible. Inouïe et saisissante  reconstitution en artefact d'un pan de l'histoire du Mexique...

 

Bruno Meyssat, metteur en scène et fondateur de la compagnie Théâtres du Shaman en 1981, est ce qu’on appelle un « écrivain de plateau ». Après un long travail de documentation qu’il mène avec toute son équipe, ils plongent ensemble dans une recherche alliant le texte, le mouvement, le son, le pouvoir d’évocation des objets. Au TNS, il a présenté Observer en 2009 et 20 mSv en 2019.

Au TNS jusqu'au 3 Février

"the Lulu projekt": Lulu la berlue !

 

The Lulu Projekt

The Lulu Projekt

photo:Christophe Raynaud de Lage

– Il vaut mieux brûler franchement que s’éteindre à petit feu, non ?
– Alors je vais t’embrasser et ce sera comme foutre le feu à tout. Lulu aveugle, ça te dirait d’aller voir les étoiles de plus près ?
– Faut voir.
– T’y verras rien, mais tu t’inventeras ton aurore boréale, avec la voie lactée qui dans le vent…
– Attends, d’abord je laisse un mot. Si jamais on me cherche là-haut, qu’on sache où je suis.

De l’autre côté du mur, le monde de Lulu est terne et triste, souvent flou, noyé de pluie ou de larmes. Échec scolaire, déficit d’affection maternelle, bisbille avec la police, il se heurte au conformisme ambiant avant de rencontrer l’amour et l’infinité des possibles. Et voilà Lulu propulsé dans l’univers en expansion, flirtant avec les étoiles et défiant les lois de la gravité sur l’air d’I Wanna Be Me des Sex Pistols…

Dans cette métamorphose initiatique mise en scène par Cécile Arthus, le héros de Magali Mougel échappe aux normes sociales de sa communauté : « Ce qui m’intéresse, ce sont ces parcours qui sortent du cadre, qui visent la destruction du vieux monde. C’est symbolique : la destruction est une étape nécessaire vers la reconstruction. »

En ouverture et prologue, le ton et la forme théâtrale sont donnés: quatre personnages narrateurs se livrent à dévoiler le fond de la pièce, en autant de commentaires, remarques ou évidences: "tu as 18 ans", alors ce Lulu -Anthony Jeanne-aura du fil à retordre avec ces quatre là, figures emblématiques du devoir, de l'éducation et de l'incompréhension.En leitmotiv irrévocable, ces 18 ans seront ceux de la libération de ce joug social qui écrase et ligote notre antihéros: Lulu! Péripéties multiples sur le plateau qui se transforme peu à peu pour se métamorphoser en boucherie: scène phare, très visuelle où quatre officiants mettent en barquette de façon très mécanique des morceaux de barbaque de lapins, bestioles suspendues à une potence, comme guillotine ou trophée de massacres bestiaux ou humains Très belle vision surréaliste de marionnettes en même temps que triviale de l'établi de travail ou Lulu, l'apprenti niaiseux est voué à l'obéissance et au sacrifice Sacrifier sa vie, capituler, se rendre face à cette société formatée, violente et étouffante. Lulu, garçon boucher, en rythme se soumet et la cadence devient danse mécanique et travail à la chaine: ces chaines dont sont faites destin et prédestination d'un jeune homme qui n'aura de cesse que de tenter de se libérer en dansant furieusement sur des musiques formatées.Danser, danser, pour mieux habiter son corps furieux, exprimer sa hargne contre les adultes qui le musellent, sa mère -Blanche Giraud Beauregardt- hystérique mère castratrice-....La pièce décline tout du long, commentaires et dialogues et les comédiens se jouent de cette difficulté narrative avec brio. Etre dehors et dedans, à l'intérieur des personnages et derrière le miroir, n'est pas chose aisée.Le spectateur se questionnant lui-même sur son rapport à la réalité, à l'imaginaire de ces péripéties qui montent en crescendo la tension de la mise en scène et du texte, liés.Corps-texte, corps et graphie visuelle très soulignée et incarnée avec justesse et mesure par les cinq comédiens dans le sujet, à vif !  Magali Mougel a ici trouvé son Pygmalion en Cécile Arthus pour une mise en scène efficace et sobre qui jamais ne gomme ni n'éclipse la véracité des caractères des personnages.Stephanie  Chene pour la chorégraphie pertinente et musclée, Estelle Gautier et Claire Gringore pour une spatialisation renouvelée des espaces mentaux de chacun.

Et si on allait aussi voir du côté de la "Lulu" de Yves Saint Laurent, personnage se soulevant pour mieux exister et respirer?

Avec Anthony Jeanne, Blanche Adilon-Lonardoni, Blanche Giraud-Beauregardt, Philippe Lardaud, Laurent Robert

Scénographie Estelle Gautier
Corps et mouvement Stéphanie Chêne
Lumière Maëlle Payonne
Son Valérie Bajcsa
Costumes Séverine Thiébault


TAPS Scala du 25 au 28 Janvier

 

"An immigrant's story": quand les langues se délient, se mélangent...La danse l'emporte et les corps parlent. Et ça fait "signe" !


 

Wanjiru Kamuyu Cie WKcollective France duo création 2020 An immigrant’s story

Un corps porte-parole des stigmates migratoires, c’est ce que propose Wanjiru Kamuyu. Entre bribes de récit, chant et danse, son solo questionne sans fard la construction des identités et leur représentation mais aussi le statut et la place de chacun dans le fracas du monde.

Artiste cosmopolite, Wanjiru Kamuyu a vécu en Afrique, en Amérique du Nord et en Europe. Coté danse, elle est passée du classique, qu’elle a pratiqué au Kenya dans son enfance, au contemporain découvert aux USA mais également au butô. Ce nomadisme, ces déplacements avec les transformations qu’ils induisent, la mixité des cultures traversées ont forgé son parcours et l’ont portée à questionner fortement certains sujets d’actualité. La notion d’immigration en particulier, avec ses catégories opposées, celle des privilégiés et celle des défavorisés, mais aussi les flux migratoires et leurs causes probables. Quitter, perdre et se réinventer, ailleurs… Comment s’y retrouver ? De quoi sommes-nous faits ? Quels regards, quelles images définissent l’étranger, en particulier le migrant ? Qui est-il pour lui-même comme pour l’autre ? Vibrant et dérangeant, son solo se fait le récit acéré d’une histoire de l’humanité nourrie par son expérience et des témoignages de migrants. Faisant corps avec son propos, Wanjiru Kamuyu s’échappe du cadre, manie parole et gestes, humour et tragédie, et questionne notre rapport à l’autre avec autant de conviction que de sincérité.

Sur le plateau entouré de chaises renversées, alignées qui donnent l'impression de frontières, de délimitation ou de herses -pièges à oiseaux- une femme apparait dans un éclairage flamboyant.Soliste évoquant de sa voix et de ses gestes comme dans une incantation, un paysage corporel fait de jeux de mains, de doigts très véloces. Sa large envergure déployée; plexus solaire offert, chaleur et bonté rivées au corps. Elle ondoie dans son costume orange vif, sur place, puis sillonnant l'espace dans d'étranges tremblements fébriles.Secousses, balancements en offrande...Elle échange sa "première peau" pour une seconde longue robe découpée de lambeaux et s'adonne à franchir l'espace en sauts et manèges évocant le vocabulaire classique jadis acquis. L'épuisement semble la gagner, la désolation, la pesanteur de quelque chose: l'exil, l'altérité perdue lors de la migration qu'elle a "subi" loin de ses origines, arrachée à sa langue, à son terroir africain.Hésitations, mouvement de recul, abandon. Alors qu'auprès d'elle une autre femme traduit en langue des signes ses paroles et double sans la trahir, de sa danse gestuelle, les propos sur le déracinement. 

Des signatures qui converegent

Danseuse, assurément, cette "interprète" , Nelly Celerine traduit à sa manière et devient sa partenaire officielle. La complicité se raffermit, s'impose quand Wanjiru Kamuyu traversa une rangée de spectateurs dans la salle, lui cédant le plateau à part entière.La passation est belle et généreuse, complice, en osmose: langage des signes se métamorphosant en danse évidence qui transmet du sens et de l'image.Jamais la chorégraphie n'a rejoint à ce point la langue des signes et c'est un petit miracle que de voir s'incarner une telle alchimie!Duo de femmes soutenue par la musique qui elle aussi de plus neutre revêt la rythmique africaine ou celle des cordes d'un violon. Tragédie de l'exil, du sacrifice du déracinement. Une voix off raconte l'histoire de la "femme de fer" à la voix chaude et rassurante, évoque la fanfaronnade qui se tisse à propos des "africaines" et des clichés liés à son image en Occident Mais, rebelles, nos deux interprètes se jouent des on-dits et dansent de plus belle, à l'africaine! Dans un duo jovial et joyeux, laissant exprimer leur identité profonde sans se museler pour plaire ou paraitre aux yeux de notre société. Les corps se libèrent, racontent leur histoire d'origine dans des gestes rythmés, sautillants, empreints de sourires et de solidarité. Dans de beaux relâchés, dans une dérision et un humour non dissimulé.Combattre, se soulever à l'envi face à l'exil qui fait souffrir et reculer.Une vision très personnelle et politique de la condition de la femme africaine sur nos territoires européens, victime des flux migratoires qui catapultent "ailleurs" les corps et âmes sans se soucier du "déplacement" cultuel et culturel des êtres de chair et de danse.Un hommage au migrant de toute origine sur le chemin du transfert, du déséquilibre, du renoncement.  

A Pole Sud les 25 et 26 Janvier

"Les oiseaux": un congrès à plumes, une assemblée, perchoir cosmopolite de l'utopie politique!

 



Fatigués par la morosité du quotidien et la médiocrité de leurs semblables, Fidèlami et Bonespoir partent en quête du royaume des oiseaux où ils espèrent vivre d’art et d’amour. Ils rencontrent le roi Huppe qui règne avec nonchalance sur le monde bigarré des volatiles. Apprenant que le ciel n’appartient pas aux oiseaux, Fidèlami les exhorte à prendre le pouvoir. Leur faisant miroiter un nouvel âge d’or, il les convainc de bâtir une cité-forteresse dans les nuages, afin d’intercepter les fumées des sacrifices grâce auxquels les hommes nourrissent les dieux. Contraints par la famine, ceux-ci devront s’incliner devant les oiseaux ! Mais gare aux promesses de lendemains qui chantent : le réveil pourrait être brutal.



Musique foisonnante et lyrique, livret charmeur et poétique... Sous ses airs de fable animalière, Les Oiseaux est une adaptation post-romantique d’une comédie antique d’Aristophane. Composé par Walter Braunfels durant la Première Guerre mondiale et créé à Munich en 1920, ce somptueux opéra raconte avec tendresse et mélancolie les aspirations humaines puis l’échec des utopies. Il était grand temps que ce chef-d’oeuvre du XXᵉ siècle soit présenté en France

Le plateau semble un vaste open-space où des fonctionnaires seraient livrés à l'ennui, la routine: gradins et tables de travail gris, architecture qui  fonctionne comme un amphithéâtre, nid et niche des chanteurs, du chœur: tectonique qui va bientôt réveiller les acteurs de cette pathétique assemblée de l'ennui et du désarroi. Chacun endosse ici un rôle qui va le métamorphoser en "acteur", protagoniste d'un récit, d'une narration dont on découvre pas à pas qu'elle sera le scénario d'une fable, d'un conte contre l'idiotie, la bêtise et l'ignorance.C'est le rossignol-Marie Eve Munger- qui s'attelle après s'être confectionné avec application méticuleuse d'une travailleuse docile, une couronne de papier découpé, à mettre le feu aux poudres. Panique au poulailler dans cette cage grisâtre et sans barreau, dans cette agora de l'inutile , de l'activisme. Chaque personnage s'identifie à un oiseau, un animal à plumes, bestiaire raisonné des volatiles communs ou échassiers.  Le roitelet porte bien son nom de petit monarque ambitieux  dans ces villes invisibles dont il voudrait créer une hétérotopie à la Michel Foucault- L'hétérotopie est un concept forgé par Michel Foucault dans une conférence de 1967 intitulée « Des espaces autres ». Il y définit les hétérotopies comme une localisation physique de l'utopie. Ce sont des espaces concrets qui hébergent l'imaginaire, comme une cabane d'enfant ou un théâtre.On y est! Ce royaume des oiseaux est bien là, centre et enjeu de péripéties multiples, de jeux de rôles, de fantaisie aussi, déclinée par l'imaginaire des costumes de Doey Luthi, du décor de Andrew Lieberman qui tente de se métamorphoser; de lieu de travail à une nichée de papiers recyclés et débités en autant de belles franges aux arabesques rassurantes. La mise en scène de Ted Huffman éclaire le récit, le déplace dans un temps et espace quasi contemporain qui évoque ces gradins d'assemblée politiques où se jouent démocratie et discussion, rapport et tentative d'inventer un autre monde aux facettes plus vivantes et aventureuses. Les chanteurs sont franchement excellents et campent avec solidité des rôles fantasques et convaincants, livrés aux aléas d'un contexte truffé de rebondissements.Le choeur en émoi et action occupe les espaces à l'envi: bataille de boulettes de papier ramassés par un technicien de service de haute voltige: Prométhée en personne !La musique de Walter Braunfels à découvrir par son foisonnement lyrique et son déferlement de timbres et variations multiples. Les dieux y sont convoqués, menaçants, intrigants, et Zeus autant que Prométhée- font figure de gardiens et veilleurs dans cette "cage aux oiseaux" où chacun n'a cesse d'exprimer sa position . Lieu d'une danse aussi qui intervient et fait partie intégrante du récit: danse chorégraphiée par Pim Veulings, et servie entre autre par un excellent performeur:Toon Lobach, débordant de mobilité hallucinante: phrasé fluide, rage et désespoir au plus près du corps charnel et ondoyant, sidérant de souplesse et agilité qui focalise le regard sur ses prestations en solo. Il n'est pas le seul auprès de Vladimir Hugot, Jocelyn Tardieu, Gautier Trischler et Caroline Roques à nous faire passer "ces entremets dansés" comme une pause salutaire, le geste prenant le relais des performances vocales  de Tuomas Katajala, Cody Quattlebaum, Joseph Wagner et tous les autres oiseaux, Huppe, aigle, corbeau, flamand rose, grives, hirondelles....Un opéra que l'on emporte aussi sous son bras: un petit livre pour notre collection venant enrichir notre bibliothèque idéale: une idée de communication autant que d'information sur chaque oeuvre proposée par le directeur très érudit de l'Opéra du Rhin, Alain Perroux,écrivain et musicologue émérite, pédagogue éclairé et efficace qui considère le spectateur comme ayant soif de découvrir et d'aller plus loin!Opéra très "huppé", volage et où l'on ne se fait pas "plumer" !

 

 

Direction musicale Aziz Shokhakimov Direction Musicale : 19 et 22 janv. , 20 fév. Sora Elisabeth Lee Mise en scène Ted Huffman Décors Andrew Lieberman Costumes Doey Lüthi Lumières Bernd Purkrabek Chorégraphie Pim Veulings Chef de chœur Alessandro Zuppardo Chœur de l'Opéra national du Rhin, Orchestre philharmonique de Strasbourg

A l'Opéra du RHIN jusqu'au 22 Février 

 

"L'enfant et les sortilèges": l'envers du music-hall ! Ravel, Colette en coulisse.....

 


« Je n’aime personne ! Je suis très méchant ! » Pour ne pas avoir fait ses devoirs, un enfant est privé de goûter et puni jusqu’au soir. De rage, il renverse la théière, étouffe les braises dans la cheminée, déchire ses cahiers, lacère les tentures, détraque une horloge et martyrise un écureuil. Ivre de sa toute puissance sur ce monde dévasté, il cherche le repos dans un fauteuil, mais celui-ci se dérobe pour aller danser. Sous les yeux ébahis de l’enfant, ses victimes inanimées prennent vie : la théière discute boxe avec la tasse chinoise, le feu gronde et menace tandis que la princesse s’éveille de son conte. Les animaux du jardin – chats, rainettes, libellules, chauves-souris et écureuils – le tourmentent à leur tour, bien décidés à lui donner une bonne leçon et lui enseigner la compassion. À chacun des sortilèges sortis de l’imagination de Colette, Maurice Ravel a donné une couleur musicale et un style singulier. Jazz, valse, danse espagnole, sarabande néo-classique et envolées lyriques se succèdent dans un opéra-kaléidoscope qui se fait nomade grâce à un spectacle de chambre itinérant, présenté dans le Grand Est par les chanteurs de l’Opéra Studio et quatre instrumentistes.

L'envers du décor, les coulisses, d’amblé nous transportent dans l'intimité de l'avant  spectacle, du trac ou des péripéties inhérentes à la préparation, la bonne marche du spectacle et la mise en place de tous...Ce petit monde se focalise vite sur les caprices d'un enfant, grand et large pull-over rouge, enfant rebelle et mauvais bougre...Tout s'agite autour de lui, s'affaire et il rompt  avec cette organisation horlogère qui tout à coup va réagir à ces obstacles intempestifs.Les personnages du livret multiplient leurs efforts pour endiguer cette rage soudaine: l'enfant-femme qui détruit et casse, brise et rompt la quiétude, la routine.La mère, figure phare de ce conte sacré et initiatique inaugure et clôt cette "fantaisie scénique", personnage central qui répond par sa pratique artistique, aux frustrations de l'enfant submergé par les objets troubles de sa jalousie possessive.Tout vole en éclats alors que se profilent moultes acteurs de l'imagination de cet"enfant" livré à lui-même.Belle prestation de Brenda Poupard , riche en nuances et gestuelles inspirées de la peur, de la colère de l'émoi de l'abandon.Habiter cette innocence blessée est subtile et très mesurée.L'ambiance autour de lui est pourtant magnétique, virevoltante, très chorégraphique: un duo de swing, des élucubrations rocambolesques, du quasi music hall venant célébrer les amours de Colette pour la musique et le théâtre! Un troupeau de peaux de moutons pour incarner la bergère !!!!Un duo de chats séduisant vient emporter ce bestiaire fabuleux qui se délivre quand l'envers du décor laisse voir un jardin étrange dans l'obscurité: on pourrait presque y entrevoir une vision catastrophe d'un champ de bataille, évocation du contexte de création de la pièce originelle. De ce fond trouble, sortent les animaux magiques ou maléfiques aux costumes très seyants: un écureil-escargot remportant le trophée de l'originalité, un matelas enroulé sur le dos! La rainette est étrange et royale et danse comme il faut quelques pas tandis que la musique "de chambre" éclaire ce petit monde fidèle à l'ambiance peu commune de cette fantaisie, féerie-ballet, opéra des Années Folles, composé de séquences, numéros, saynètes multiples qui brouillent les pistes et rebondissent fréquemment. Une version inédite et "légère", transportable comme la maison de l'escargot, sur le dos et auprès de tous les publics.Emilie Capliez donne ici une version quasi psychanalytique de l'oeuvre initiatique et fondement de la notion d'amour en partage, si délicate pour les enfants comme expérience humaine et existentielle. Les chanteurs honorant très justement et avec talent chaque nuance musicale chères à Ravel:magie de l'atmosphère, suspens et suspension atonale, swing, jazz, néoclassicisme, espagnolade....Oleg Volkov et ses compères de l'Opéra Studio de l'ONR toujours prouvant leurs talents de comédiens-chanteurs déjà bien rodés à la scène et plein de verve et d'enthousiasme....

mercredi 19 janvier 2022

"Bouger les lignes": cartes sur table sans GPS : pour mieux s'affranchir des frontières!

 


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BOUGER LES LIGNES - HISTOIRE DE CARTES
L’OISEAU MOUCHE & TROIS-6IX-TRENTE


Bouger les lignes – histoires de cartes fait sauter les balises de Google Maps pour retrouver le plaisir de l’étonnement et de la divagation grâce à la machinerie du théâtre. Véritable personnage, l’espace gorgé de couleurs, de plans, voiles et peintures imaginés par le plasticien Paul Cox, sert de terrain d’invention à quatre acteur·rice·s de la compagnie de l’Oiseau- Mouche. Ces comédien·ne·s rebattent les cartes, détricotent les échelles, repoussent les limites des légendes pour plonger dans l’envers du décor. Au milieu de cartes fictives et indéchiffrables, ils·elles proposent de redevenir ignorant·e·s, de lâcher la bride du savoir et d’ouvrir les vannes de l’expérience. S’ouvre alors une aire où errer et rêver, à nouveau, notre monde.

Leur "atout": jouer comme des "as", traquer le joker et miser sur le meilleur dans une course de handicap où l'on franchit les obstacles, les lignes. Ils sont quatre comme un trèfle à quatre feuilles qui cherchent une épicerie et surtout comment s'y rendre! Avec moultes indications verbales peu fiables, l'un d'entre eux y parvient et rentre au bercail avec - ô surprise" l'invention d'une cartographie, un plan expérimenté de la marche à suivre pour atteindre son but.Désormais et en très grand-trop grand format de Paul Cox-style une toile de Alechinsky, on peut s'initier aux mesures, aux directions..


Points, lignes,plan,comme pour Kandinsky, fondent leur réflexion sur le monde perceptible. Les perspectives se découvrent en auscultant la place des spectateurs, vus de la scène: sont-ils plus petits, que regardent-ils et pourquoi cette limite entre eux...Des différences sans doute des "presque" comme les autres dirait Alexandre Jollien.. On quantifie, on mesure, on calibre comme des architectes, on trace une cartographie, carte du tendre, carte de la promenade, de l'errance poétique.L'un se glisse dans le compas ou la toise pour mieux apprécier l'espace: boussoles aussi au menu pour se repérer! Le décor est sobre: estrades, escalier et une échelle prémonitoire...Ici, on parle des "apparences", de la perception. Surgit une carte routière d'une seconde virée à l'épicerie: on la dépliant, on voyage sur les routes balisées.On s'y repère pour se situer mais le déplacement est encore une autre affaire. Nos quatre héros se questionnent, agissent et concluent par expérience; une carte politique vient troubler leur connaissance. Au départ, c'est bien l'armée qui les concevait pour délimiter le territoire, la frontière. Alors, on s'en sert quand même et on évoque les limites, les murs, les frontières qui séparent les frères ennemis.Et si la carte des vents vient adoucir ces propos avec ses flèches aériennes et donner une touche poétique zéphyrienne ce sera l'espace qui sera conquis par Caroline en tenue d'astronaute désopilante. L'espace qui sourit aux nuages, qui enchante car il est vaste et à tous! Tel le "mouvement" qui habite toute la pièce avec justesse et mesure.Les salves de guerre ne gagneront pas et la paix est envisageable pour cette communauté hors du commun. Interprétée par des artistes aguerris à la scène, au jeu, au dialogue pertinent, aux réflexions et jeux de mots fort judicieux. Jeu de cartes, petite lignes de courbes tracées pour se repérer, petite géopolitique sanglante en ces temps où les singularités n'ont pas la priorité.

 Au TJP jusqu'au 21 JANVIER
 
 

BÉRANGÈRE VANTUSSO

Depuis 1978, la Compagnie de l’Oiseau-Mouche réunit une vingtaine d’interprètes professionnel·le·s permanent·e·s, en situation de handicap mental. Sensible aux valeurs d’ouverture et de diversité, elle se réinvente à chaque projet en confiant ses créations à différent·e·s artistes. Bouger les lignes - histoire de cartes est la 53ème création de l’Oiseau-Mouche. En 1999, Bérangère Vantusso co-fonde la compagnie trois-6ix-trente dont elle met en scène tous les spectacles. Elle y affirme une identité où se rencontrent théâtre et marionnette contemporain eà travers l’hyperréalisme. Depuis 2017, elle dirige le Studio- Théâtre de Vitry. Elle a notamment présenté au TJP L’Institut Benjamenta, Longueur d’ondes (avec Paul Cox), Le rêve d’Anna et Alors Carcasse.

 

mardi 18 janvier 2022

"Coeur instamment dénudé": Psyché, déclic de l'amour ! Lazare, Pygmalion de la jeune génération !

 


L’auteur et metteur en scène Lazare réinvente le mythe de Psyché − jeune mortelle dont Cupidon, fils de la déesse Vénus, s’éprend et rend amoureuse de lui en utilisant ses pouvoirs − pour explorer ce qu’est le désir. En quoi est-il profond, factice ou dicté ? Désir amoureux, désir d’appartenance, de reconnaissance, de possession, de croyance, d’émancipation… Entre le vieux monde des dieux, des mystères, et l’abstraction et les lois du nouveau monde, Psyché va devoir trouver sa propre voie, son chemin d’être humain. Une multitude de personnages habite cette fable contemporaine composée de rencontres, de conflits, de poèmes, de solidarités, de chansons, d’élans de vie au milieu du chaos.

Et si "la valeur n'attend pas le nombre des années", voilà bien ce qu'on se raconte en sortant de la version raccourcie du dernier spectacle signé Lazare...Un cocktail de dynamisme et de jeunes talents qui savent faire de la mythologie un désir profond d'actualité, de présence, de véracité ....au théâtre! Un premier clin d'oeil à Molière et nous voilà embarqués au pays des dieux et demi-dieux, sur la planète de la jalousie, du pouvoir, de la séduction. Vénus, Psyché, Cupidon, convoqués ici sur des gradins mobiles et une scénographie d'acrobates en herbes! Ce qui convient fort bien à cette génération de comédiens, aguerris à savoir tout faire: danser, chanter, virevolter en acrobates et honorer leur jeunesse dans une belle maturité scénique.Ils sont formidables, pétris de sentiments contrastés, drôles ou pathétiques...Il faut voir Cupidon boosté par la timidité ou l'ignorance juvénile, Paul Fougère tout de blanc vêtu, Ella Benoit en Psyché, star et vedette, pilier de la pièce qui n'a de cesse de chanter toute la palette de son rôle très diversifié...Et Vénus, désopilante beauté menacée de concurrence déloyale, de jalousie ou cupidité maladive:Laurie Bellanca, divine femme pailletée et tous les autres endossant de multi rôles qu'ils habitent et vivent au gré des changements multiples et parfois dérangent dans la compréhension des intrigues....Mais qu'à cela ne tienne, ce "grand bazar" enchante et séduit, ravit les adeptes d'un nouveau "music all" où tous interchangent et multiplient leur statu, plantent des personnages loufoques, attendrissants et rocambolesques...Deux heures de joie, de virulence, de punch où la musique est omniprésente et réunit des talents pluridisciplinaires, chers à Lazare: un comédien y sait tout faire et tout donner de lui: une bonne école buissonnière où le chemin de l'âne n'est pas tout tracé, où les surprises et rebondissements kafkaïens ou beckettiens ne cessent de fausser les pistes d'une trame linéaire Un orchestre soutient le tout, enjoué, sincère et efficace pour donner le la à cette communauté bigarrée et sympathique malgré la cruauté des personnages légendaires évoqués. "Chœur" dénudé de tout falbala, dénué de légèreté pourtant au cœur d'une création jeune, vive et pleine d'allant! Les costumes inspirés des caractères de chacun et des époques évoquées, sont d'une belle fantaisie rutilante: on y arbore la fraise où la courte crinoline, les paillettes ou les dos nus avec grâce et volupté! "Instamment": Instamment est significatif de rapidité dans l'action. Il est nécessaire de se dépêcher et de réaliser de suite ce qui a été demandé ...Dénudé, "oraculaire" vision d'un monde virtuel auquel on se confronte-d'autant plus en période de confinement- où Lazare écrit cette épopée, odyssée des dieux parmi nous, trempés dans un quotidien qui les déstabilisent de leur piédestal: en ronde-bosse: on fait le tour de ces sculptures déchues de leur socle. Simulacre de l'art contemporain où tout ce qui aurait du être surélevé, se retrouve au sol...Alors la suite bientôt pour de nouvelles aventures décoiffantes....

Lazare est auteur, metteur en scène, improvisateur. Avec sa compagnie Vita Nova, il crée ses textes (Solitaires Intempestifs) : une trilogie composée de Passé – je ne sais où, qui revient (2009), Au pied du mur sans porte (2011) et Rabah Robert – Touche ailleurs que là où tu es né (2012). Il crée, en 2014, Petits Contes d’amour et d’obscurité. Le public du TNS a pu voir Sombre Rivière en 2017 et Je m’appelle Ismaël en 2019, ainsi que l’atelier public mené avec les élèves du Groupe 44 sur Passé – je ne sais où, qui revient, en 2018. Il est artiste associé au TNS et a notamment initié le programme Troupe Avenir.

 

Au TNS jusqu'au 22 JANVIER

vendredi 14 janvier 2022

Cham' à l'eau! Un singulier plongeon dans les eaux troubles du lavoir de Chamalières !

 



Départ: samedi 13 Aout à 15H 

Le lavoir au dessus du petit pont près du ruisseau : car il faut au bateau l'avoir!

Vellave ton linge en fa-mi ! Il y a le feu au lavoir!

Histoire d'O : on a jamais bu de l'eau à Chamalières : pour preuve les vignes et négociants en vin de l'époque! Et on n'a jamais vu boire quiconque de l'eau de la Loire!Mais au lavoir, il y avait de l'eau à moudre et le papotage y allait bon train! Eau de vie, eau de vid'ange pour laver son propre linge sale en famille. Et pour prendre son bain de jouvence.Performance sur le sujet, dansée, chantée (airs de la griserie, chansons de lavandières) Dans l'eau delà....Le lavoir-debout,de bout en bout, le lavoir à genoux, un vrai rituel liturgique de béné-diction!Battre le linge en déliant les langues..... Ca papote, ça complote, ça tricote; ça fait de la dentelle,, ça zig-zag, ça fait la navette et ça gazouille.On se jette à l'eau et on mouille sa chemise.Un air de piano qui vient de chez moi, la vicairie, annonce la suite païenne!Histoire de ratons laveurs....En lavande d'hier, c'est la re-dèche ! Ardèche et lavande en patrie-moine !


On va arroser ça! A l'eau, t'es où? Sur le chemin du bistr'eau, chez les ménestrels du  Médiéval, des vrais troubadours: on va gagner les bars parallèles au pays des bars-bars, du bar atteint de folie!Du lavoir à l'abreuvoir, il n'y a qu'un godet du bacha...au rince-gosier Pas comme l'arroseur, arrosé.Et pour se rincer le gosier de Grandgousier, on descend tous au Médiéval sur la terrasse pour ne pas faire comme les chameaux des rois mages de Chamalières, ne rien boire.Ils nous auront concocté un élixir de jouvence, une boisson style potion magique de leur cru. Puis, chapitre suivant, chez Simone: un gouter à l'eau de rose sur le thème du jardin médiéval: un petit "chamalières", secret de table, de la guimauve, du rhum à rien pour être baba, du mille feuilles au mille pertuis, du sacristain, de la religieuse.... Un peu d'eau bénite, de verveine pour finir ou de crème de marron: ça va castagner. On va en emblavez !


 



Et  une soirée spéciale chez Simone : "La sol si do ré":repas récital sur les nourritures terrestres (très beau et rigolo répertoire en opéra-bouffe) tramé et scénarisé à partir de l'histoire de Simone, celle qui prête son nom à l'établissement: qui est cette femme inconnue arrivée à mobylette qui un jour reçu une lettre de Beethoven et se mit au "piano" en cuisine?! Un récital en forme de recette de cuisine, d'ébriété vocale et d'astuces pour bien digérer son bout de gras, sa part du gâteau! "Elle était pâtissière dans la rue du croissant"......A la recherche de Simone-Elise, la femme au tablier noir, à la toque de cheffe de brigade champêtre!Fan de carotte et toquée du bocal....

Le 13 Aout  15H 2022...

Le samedi 13 août à 15h, le nouveau spectacle itinérant de Geneviève Charras«Cham’ à l’eau!»Charivareuse émérite, Geneviève Charras nous propose cette année de la suivre sur le fil d’une déambulation contée, chantée, dansée, à la découverte de l’eau de Chamalières-sur-Loire. Rendez-vous donc devant le lavoir où l’on bat son linge en déliant sa langue, où l’on complote et l’on papote avant de s’en aller se rincer le gosier du côté des bars «parallèles». Un p’tit air de piano et c’est parti! Là-bas, il y a le «bistr’eau» du Médiéval qui vous concocte sur sa terrasse un élixir de jouvence des plus fameux. Là-bas, il y a aussi le resto Chez Simone qui connaît l’art du goûter à l'eau de rose, avec son p’tit «Chamalières» bourré de jolis secrets... En prime,mais c’est pour plus tard dans la soirée, un grand retour au resto chez Simone où l’on dégustera un récital en forme de recette de cuisine, d'ébriété vocale et d'astuces inédites, pour bien digérer son bout de gras et sa part du gâteau ! Entrée libre.

jeudi 13 janvier 2022

Barre au sol: tous à terre ! Fiat Lutz Eric ! Des cours, circuits de tonus immunitaire !


Pratique en profondeur d'une conscience corporelle basée sur les sensations de poids, d'enracinement au sol, d'étirements profonds.Un travail micro- kinesthésique respectant la constitution-morphologie de chacun dans un souffle et un chant d'actions salutaires
Sous forme de propositions originales liées à l'expérience singulière d'Eric Lutz du qi qong-danse cet atelier sur les fondamentaux de la barre à terre est expérimentation et acquisition des notions de relaxation dynamique en lien avec les préoccupations (priorités) du danseur : mouvement et circulation des énergies.   

 Un p'tit cou d'barre? Tous à terre !
Fiat Lutz avec fondu enchainé garanti, traveling lent et nuit américaine sur le film, écran noir de nos nuits blanches pour mieux se tenir debout!
On sort grandi, liquéfié et médusé par tant de métamorphoses opérées dans nos corps: alors en corps- raccords avec A-Corps....pas perdus !   

Vous serrez terrassé par l'efficacité des consignes murmurées par le maitre à danser: répandez vous au sol comme on répand un bon engrain composté, fondez et dissolvez vous sur le parquet flottant et accueillant du studio Kandinsky, comme on se meut dans le sable pour trouver sa place : laisser des empreintes singulières, y sentir la chaleur de sa propre matière corporelle en ébullition...Pieds flex et torsion des chevilles, bassin méditerranéen inscrit au répertoire des espaces micro-géographiques corporels....Une expérience unique basée sur la prise de conscience de chaque surprise-partie du corps en émoi, en bascule, en recherche d'équilibre-déséquilibre constant. Barre au sol si ré qui la mi la, pour vivre en osmose avec l'espace et l'air de rien qui relie nos sensations au monde environnant.Et se mouvoir sans cesse dans le flux et reflux de la fusion liquide et fluide de la circulation intérieure de notre propre énergie. On s'y pointe l'esprit ouvert à découvert sans frontière ni barrière et l'on déguste alors un cocktail immunitaire à faire fuir toute sorte de Covid émergeant !!!!! Au grand dam du pauvre micro-onde !

mardi 11 janvier 2022

"Y aller voir de plus près": Maguy Marin, cartographe, guerrière et témoin de notre temps .

 


"Y aller voir de plus près" de Maguy Marin: radioscopie du politique.

Elle franchit les frontières, dépasse les bornes et nous tend des pièges salutaires.A sa manière, toujours, en mixant les disciplines, les faisant se rencontrer, se bousculer gaiement au coeur de l'histoire, de la mythologie Étonnante  prise de plateau pour cette "conférence" révérencieuse sur un pan de l'histoire ancienne: celle des Grecs qui occupe et préoccupe son propos à travers différents médias.Du lecteur-conter, au musicien, des images enregistrées aux panneaux indicateurs Pour se frayer son chemin dans ce chaos visuel.La guerre du Péloponnèse est au cœur du sujet.Vue par Thucydide et corrigée par Maguy Marin qui transpose allègrement Sparte à Sarajevo ou Madrid Les guerres sont véhicules de réflexion sur l'être ensemble, les prises de pouvoir, la question de l'effacement, de l'oubli, du déni Pour y faire face et prendre "position" au bon "endroit", la voilà qui ausculte les textes et nous les livre en intégralité, le temps d'une écoute attentive de la part du public.Réconcilier, réparer aussi pour bâtir et avancer.De ce souffle épique, nait une forme réduite, efficace, opérationnelle.Le souffle des vaincus, l'allégresse du ton de la pièce combative, rehausse l’intérêt d'un spectacle inédit, militant pour de bon dans les sphères du politique, ce qui se passe dans les mailles des filets des conquérants autant qu'entre les mains des opposants.De l'ouvrage qui se regarde aussi sous de multiples points de vue aiguisés par une mise en espace respectant chacun dans son altérité.

A Pole Sud les 11 et 12 Janvier

"L'urgence d'agir" de David Mambouch : façonné par l'argile et le corps ! Cousu d'entrelacs !

 


Elle est de ces artistes qui creusent des sillons durables et profonds, qui bouleversent les existences. Depuis plus de 35 ans, Maguy Marin s'est imposée comme une chorégraphe majeure et incontournable de la scène mondiale. Fille d'immigrés espagnols, son œuvre est un coup de poing joyeux et rageur dans le visage de la barbarie. Son parcours et ses prises de positions politiques engagent à l'audace, au courage, au combat. En 1981, son spectacle phare, May B, bouleverse tout ce qu'on croyait de la danse. Une déflagration dont l'écho n'a pas fini de résonner.  Le parcours de la chorégraphe Maguy Marin, un vaste mouvement des corps et des cœurs, une aventure de notre époque, immortalisée et transmise à son tour par l'image de cinéma.

Le film est entre documentaire de création et reportage sur cette chorégraphe "ouvrière" de la danse, façonnée par le tissage et la couture sur mesure de cette vague des années 1980 où la danse contemporaine, nouvelle danse, pointe le bout de son nez. On n'oublie pas les fondements de la formation de Maguy Marin, la danse classique que sa compagnie pratique,fréquente toujours, l'école pluridisciplinaire "Mudra-Béjart" à Bruxelles. Toutes ces composantes exigeantes et bienveillantes au regard du corps unique de chacun, loin des critères canoniques de la danseuse longiligne et performante. C'est "May B", la cheville ouvrière du film, pièce emblématique et mythique, 37 ans d'existence à travers les corps des interprètes-de l'origine à ceux des danseurs de l'école brésilienne de Lia Rodrigues.."May B" ce sont ces visages filmés en gros plans qui reviennent comme un leitmotiv, une enluminure du film: visages grimés d'argile lors d'un long rituel de préparation pour enduire, recouvrir les traits, modifier les faciès et donner des expressions hallucinantes à chaque personnage Une bande d'illuminés plus qu'humains, méconnaissables mais si touchants dans leur aspect de vieux, de cabossés , de sidérés ou médusés par la force de leur danse. Visages craquelés comme une petite géographie, géologie des strates et palimpseste de la vie. Danse tribale, danse inventée, façonnée de métissages, empruntés à chaque corps qui tisse une chorégraphie tracée au cordeau, précise, musicale et hypnotisante. L'argile dans les mains, dans les doigts, pétrissant cette pâte à modeler corps et mouvement, Maguy Marin a toujours la main à la pâte, remettant l'ouvrage sur le métier à tisser, à danser la vie. Souvenirs et références, films et images d'archives, extraits d'interviews, tout est dans ce film à fleur de peau et l'intelligence, signé  David Mambouch: danseur, réalisateur  sur la sellette, toujours débordant de respect et d'interprétation, fidèle à la posture politique, poétique et sociale de la femme chorégraphe:blessée par la vie et ses embûches mais rebondissant toujours dans le collectif et le vivre ensemble.En rythme toujours comme cette séquence croustillante sur l'usage et le bien fondé de la "répétition", phase essentielle du travail, de la mémorisation, de l'appropriation de la gestuelle, des sensations et émotions.Une œuvre cinématographique généreuse, emplie de l'univers de Maguy Marin, de ses sourires ou inquiétudes, émerveillements ou agacements Se soulever toujours à la Didi Huberman....

Au Star le 10 JANVIER en collaboration avec Pôle Sud lors de la diffusion du spectacle "Y aller voir de plus près" les 11 et 12 février à Pole Sud