jeudi 28 juin 2018

"Rencontres d'été" : un duo électro acoustique ! L'Accroche Note fait une "fixation" sur l'électronique !


Le duo soprano-clarinette formé par Françoise Kubler et Armand Angster, accompagné par l’électronique, est mis à l’honneur lors du troisième concert, annonçant la sortie de leur nouveau CD En Echo (oeuvres de Donatoni, Naon, Mantovani, Manoury).
Jeudi 28 Juin

Luigi Nono La Fabbrica Illuminata pour soprano et sons fixés (1964)
Mais qu'est-ce qu'elle fabrique, cette voix désincarnée, seule, spectrale sur fond de bande enregistrée? La soprano, toute virtuelle, exécute mélodies et chant, sur bordure de voix de révolte, de manifestations ouvrières. Une oeuvre impalpable qui s'écoute, recueillis devant l'absence des exécutants, dans la semi obscurité du temple du Bouclier ! Une expérience , à écouter, les yeux fermés: slogans, bruits de foule entrecoupés des interventions vocales de Françoise Kubler, désincarnée . Comme des litanies incantatoires, célébrant un état de siège, ou de guerre électro acoustique.Digne d'un bande son de film. Fusée, feu d'artifice, bruits de vestiaires, d'usine, ambiance pesante, laborieuse, en friche industrielle, mémoire patrimoniale du travail, du martyr.
La voix émisse par les enceintes est bienveillante, céleste, apaisante, en écho résonant. Déesse Echo, absente, spectre qui hante les sonorités de matériaux, mélange de voix de femmes, archives et création pour créer une atmosphère de désertion, habitée par des esprits ancestraux. Patrimoine vivant, émouvant, touchant des sons du labeur: une oeuvre enregistrée, immortalisant par l'effet de reproduction mécanique et technique.

Luis Naon Ultimos Movimientos pour soprano, clarinette et électronique 2013)
Des fils dans les oreilles pour être reliés pour créer une pièce sobre, colorée, où la voix et l'instrument sont doublés, "en écho" par l'électronique! Jolies phrases, timbrées en rebond, en ricochets, en ronds dans l'eau, comme des rémanences sonores qui s'appellent, se retirent ou se retiennent. Brièveté des sons, en écho qui se chevauchent, en langue espagnole. Sons amplifiés, bordés par l'écho, en couches sonores denses.Prolongement en artefact des sons originels. Ca brouille les pistes, magnifie l'atmosphère par des volumes curieux.Des espaces singuliers naissent. Pendant que "la causerie" continue, raconte: des souffles, des respirations communes  font circuler et vibrer les sons, en irriguant l'ambiance acoustique. Quelques révélations secrètes ou évidentes, magnifiées par la clarinette qui semble dialoguer, commenter, répondre ou infirmer propos et sons vocaux.La poésie de Fogwill en est la trame: la trace du poète sur terre! La voix est profonde, retenue ou distillée dans une musicalité ténue, un phrasé rythmique en résonance avec la clarinette.Françoise Kubler, de noir vêtue est toute de fragilité, de force et d'enracinement dans cette robe en fourreau, stylée très seyante!


Jean-François Charles Nattie’s Air pour soprano, clarinette basse et électronique (2018) – création
Trois personnages pour un opéra en construction:souffles et respirations en prologue sur fond de vent artificiel, rocailleux comme un percolateur à pleine vapeur. Anglais, français à la clef, les basses de la clarinette pour matière sonore, pour un duo lisse, étrange, à triple facette. En temps réel et en présence du compositeur qui frôle les timbales avec une chaîne ouvragée. La banalité des propos, très "bon sens près de chez vous", contraste avec la complexité ambiante de la composition musicale. Ça décale et distancie à l'envi. Deux soliloques, deux monologues qui semblent s'ignorer, en conflit plus que dialogue ou discussion! La chanteuse joue, minaude, expressive et raffinée à sa bonne habitude. Une oeuvre qui fait mouche et séduit par ses variations et surprises multiples.


François Bousch Dualité Miroirs pour soprano, clarinette et sons fixés (2012)
Des murmures comme des confidences ou des secrets, une énumération de mots, empilement, inventaire, des sons de grillons, champêtres dans un espace naturel imaginaire... Des exclamations, invocations, déclamations chantées pour dresser le décor de ce duo: éclats de sons, de clochettes, de percussions de doigts, hachures rythmées, quelques inspirations très sensuelles de la chanteuse, du "sur mesure" pour les interprètes: cela leur va si bien ! Comme un gant. Miroir qui réfléchit, reflète les sons, infidèlement... Les deux présences vocales se font concurrence, la chambre d'écho, en signes sonores, appels récurrents sont de toute ampleur et beauté. Des plages de sons fixés pour se poser et tout reprend pour mieux se terminer.


Philippe Manoury Illud Etiam pour soprano, clarinette et électronique (2013)
Toujours avec distance et humour, les deux protagonistes présentent l'oeuvre suivante celle de  Philippe Manoury :" Illud Etiam pour soprano, clarinette, et sons fixés". Avec oreillettes pour capter les pulsations imposées par un chef invisible, rigide !  Rigueur et humour des interprètes, de mise !
Encore une belle dédicace au couple de la part d'un auteur contemporain, pour leur très riche répertoire! Les voici mi anges, mi démons dans une légende de sorcellerie, des ailes dans le dos, de la rage et de la musicalité dans le souffle, le corps et la voix.Postures et attitudes recherchées pour évoquer les formes sculpturales des sorcières, anges et démons.Le pilier des Anges assailli par des sonorités démoniaques.
Puissance de la musique au poing, richesse sonore de la bande qui borde les sons créés en direct par les interprètes. Tintinnabulements, cloches, glas, fonctionnent comme des pampilles de cristal, tremblant au vent.Un bel écrin sonore pour voix et clarinette, complices de toujours. Une atmosphère étrange se dégage, avec sons égrenés et scintillants. Juste perturbés par l'atmosphère musicale, l'environnement de tôles froissées, de chœur de voix célestes. Cris et voix puissante, vibrante, carillons, bourdon en fond sonore pour un opus très réussi.
Au final, en "bis" une improvisation de Françoise Kubler, Armand Angster et Jean François Charles, enjouée, ravissante, papier froissé en main et timbale caressée: c'est drôle, inspiré, intuitif, bien relevé, sauvage, indompté, intempestif et indiscipliné.
Une mélodie orientale s'y glisse pour mieux briser les canons de la rigidité.

Quel talent d'interprètes, de programmateurs et d'initiateurS de rencontres fertiles que ce "duo" ?couple d'artistes résonant en "écho" pour le bonheur d'un public séduit, nombreux, attentif et fidèle !
Françoise Kubler, soprano / Armand Angster, clarinette / Frédéric Apffel, ingénieur du son



pour mémoire
http://genevieve-charras.blogspot.com/2018/03/musiques-eclatees-un-programme.html

mercredi 27 juin 2018

"Rencontres d'été" : "concert de musique hongroise": on croise la félicité !

Pour cette seconde soirée , place au pianiste Wilhem Latchoumia pour un concert de musique hongroise. 
Mercredi 27 Juin

György Ligeti Etudes n°8 et 1 pour piano : Fem et Désordre (1985-2001)

Une danse répétitive, enjouée, pleine de sursauts allègres, de rebonds, sur les appuis, de lancées dans l'espace. On songe aux chorégraphies très inspirées de A.T. De Keersmaeker ! Puis en contraste reposant, retour au calme, tendre ambiance, à pas feutré, sur la pointe des pieds. Des doigts du pianiste ! Reprise des virevoltes, insistantes, plus affirmées, invasives, redondantes à l'envi. Dans les graves avec plus de force et de détermination obsessionnelle. De plus, sonorités plus aiguës en gouttelettes et en enfilade pour border un crescendo final saisissant, médusant, pétrifiant d'efficacité tonale.

György Kurtag Three old Inscriptions opus 25 pour soprano et piano (1986)
Dans sa longue robe bleu nuit, à fourreau, bordée sur les épaules de volutes ondulantes, Françoise Kubler prend le plateau. Sprechgesang en allemand, ourlé de petites notes de piano détachées, discrètes en prologue.
Secousses et langueurs, contre-piqués du piano, le ton est suave, étiré, la voix mugit, en longueurs tenues.Puis la voix et le piano vont crescendo: elle raconte, il joue en grande complicité. Elle crie, s'esclaffe, rugit avec élégance, grâce et fermeté convaincante. En colère, en rébellion.Les frappés vindicatifs du piano lui tiennent tête.Elle répond en roucoulements lascifs d'une voix très prononcée, ânonnée, articulée, litanie harmonieuse, dite comme un secret sur le mode confidentiel, à demi-ton, en demie-teinte.


György Ligeti Etudes n° 3 et 2 pour piano : Touches bloquées et Cordes à vide(1985-2001)
A nouveau des touches légères, sautées, sempiternelle course, entêtée contre le vent. Musique versatile, aérienne, et terrestre à la fois.Tel un feu follet débridé, qui se répète, revient, hésite, repart, s'arrête, se tait.
Un lâché de corps dansant sous les doigts du pianiste. Puis dans une lente avancée, sobre évoluant dans l'espace, le calme, les ondulations se déploient en marée timide de sons. Bain de jouvence, malmenée, et interrompu parfois, sur la défensive, la résistance, puis l'abandon, le relâchement s'imposent.

Béla Bartok Contrastes pour clarinette, violon et piano (1938)
Tout commence par l'intrusion du violon, gratté, pincé, puis la clarinette, insistante qui prend ses marques A trois, en avancées régulières, une marche nuptiale et solennelle se profile. La clarinette est claire et joyeuse, en cascade. Le son tourne et remue, enfle, se gonfle, se tord, se meut en vibrations, éclats vifs, éclaboussures puis nappage enrobant. Une recette d'une cuisine musicale inspirée, retentissante,narrative à sa façon d'inspirer des images, des ambiances, inédites.Chacun se singularise en personnage, en solo virtuose et acrobatique, en sorte de vocalise fulgurante pour la clarinette.
Une ambiance mystérieuse s'installe, suspens, douceur à l'appui, en osmose et symbiose, en accords quasi mélodiques des instruments. Beau trio perturbé par instant par une clarinette aux accents folkloriques; des reprises très dansantes, des farandoles vives, redoute et sarabande du diable pour mieux s'emballer, tricoter dans un train d'enfer. Course folle, éperdue des trois instruments, en compétition légitime, sauts, piqués, petits effleurements de clarinette, plainte du violon....La virée est joyeuse en échappée belle, emportée, retentissante, rapide, en cavalcade surexcitée !Course folle, éperdue des trois instruments.
Des paysages défilent, le violon s'impose en majesté dans un superbe solo virtuose. Les deux autres le rattrapent et rivalisent de présence sonore. Lutte et combat légitime, envol survolté, vif, irrévocable, ascension déferlante comme grammaire et phrasé syntaxique ! .Ça crève l'espace en une fin radicale.

György Ligeti Etudes n° 5 et 6 pour piano : Arc-en-ciel et Automne à Varsovie (1985-2001)
Appliqué, studieux, le pianiste s'adonne à l'étude, à l'exercice, simple en apparence, de plus en plus puissant en résonance de sonorités en couche. Contrastes et modulations subtiles se répondent pour créer une ambiance radieuse et sereine. Notes semées, éparpillées, disséminées dans l'éther, discrètes, à peine perceptibles.
L'atmosphère devient plus inquiétante et menaçante. Affirmée dans le ton, le timbre et l'intensité du touché: délié, finesses du doigté du pianiste qui courre sur les touches. Du détaché, versatile, vibratile dans des ascensions assurées de la musique, fertile en variations, phrasés et syntaxe galopante. Les graves y sont puissants, veloutés à la belle amplitude de sons, forte,, envahissants.L'interprétation athlétique de Wilhem Latchoumia est impressionnante: il habite ce répertoire avec sobriété, discrétion, mais aussi panache distingué d'une aisance remarquable.

György Kurtag Hommage à R. Sch. pour clarinette, alto et piano (1990)
Un trio où chacun fait irruption pour mieux trouver sa place: la clarinette d'Armand Angster semble mener et ouvrir le jeu, invite à la réplique, donne le ton.
Fêlure, rupture, brisure de rythmes et de volume sonore qui s'amplifie. Des blancs et silences en interludes ou entremets en font un menu dégustation pour mélomane, à petite dose, diversifié, gastronomique! Déclinaisons de saveurs, de fragrances sonores, courtes, brèves , dans des successions d'apparitions sonores, fines, longues tenues de chacun, portée et soutenues par le piano qui maintient la ligne. Discordances dans la mêlée, aussi qui se termine par un plongeon du clarinettiste dans la béance des entrailles du piano, préparé.


Peter Eötvös Natascha Trio pour soprano, clarinette, violon et piano (2006)
"Cocorico", cris de la chanteuse, très animale, sensuelle, en onomatopées virtuoses, en chuintantes, en piquées, poussés, voix hachée, en particule sur un ton dédaigneux, prétentieux, avec allure et détermination, ambition. Le récit, enveloppé par les autres compères qui s’immiscent dans cette joyeuse cacophonie savante de poulailler en folie, séduit et frappe juste. C'est drôle et sérieux, réjouissant et jouissif: volière fantasque, jet de voix qui fuse et dépote, éclabousse, insistante , maline et perspicace !L'humour sourd des contrastes grave-aigu, du ton solennel ou familier de cette basse cour stylée.
Un "bis" de la pièce après ovation du public, nombreux et chaleureux, permet une lecture encore plus riche où Françoise Kubler se livre et délivre son talent de comédienne, de danseuse des appuis qui la maintiennent en solidité fragile.
 Ses fréquences, ses virevoltes de girouette affolée, ces réponses à des questions sonores évidentes, sont un régal, à voir, estimer et écouter. L'évidence absurde de la narration singulière touche au but: folie timbrée, volubile, saugrenue, versatile, percussion vocala au poing, virtuose, elle ose et brûle les planches du Temple du Bouclier avec fougue et respect: se tend, se plie se courbe sans céder pour notre plus grand plaisir

Un concert "hongrois" riche séduisant, dansant, rebondissant !
Françoise Kubler, soprano / Armand Angster, clarinette / Thomas Gautier, violon / Laurent Camatte, alto  Wilhem Latchoumia, piano

mardi 26 juin 2018

" Rencontres d' Été" : l'Accroche Note en mode estival !


L’idée de proposer des programmes mixtes (XVIII, XIX et XXème siècle) n’est pas si courante et permet de confronter les grandes œuvres du répertoire avec des musiques plus récentes souvent réservées à des festivals spécialisés.
Depuis 2001, Accroche Note permet au public de découvrir ou redécouvrir de grandes œuvres baroques, classiques ou romantiques. Cette année seront jouées des oeuvres de Johannes Brahms ou encore Sergueï Rachmaninov.
Les Rencontres d’Eté de Musique de Chambre sont aussi l’occasion de présenter des œuvres contemporaines du répertoire ou des créations. Ainsi en 2018 sont programmés Philippe Hersant, György Kurtag, François-Bernard Mâche, Jean-François Charles (création)… Lors de cette dix-huitième édition, l’Ensemble Accroche Note accueille le premier soir les musiciens de Plage musicale en Bangor 
Mardi 26 Juin

Philippe Hersant Im fremden Land pour clarinette, quatuor à cordes et piano (2003)
Une oeuvre magnifiant l'impact de la clarinette, déjà présence dès l'introduction, personnage à part entière, multiple et principale: les cordes la bordent, lancinantes, le piano intrusif s'en mêle et tous créent une ambiance discordante confondante. Un piano forte, et le leitmotiv récurent est lancé, balançant, doux et nostalgique, enveloppant.Deuxième mouvement, plus acrobatique, éclatant, en marche. La clarinette en exergue, petites touches dans le frémissement et foisonnement général. Comme au cirque, elle semble mener la danse, vive, colorée, virevoltante. Une ambiance enivrante , entraîne dans une danse ensorcelante et contagieuse.
Le piano retourne au calme, plus cérémonial, plus solennel. Le duo avec la clarinette s'amorce, sobre, laissant la place aux cordes en alternance. Les six instruments se retrouvent pour une belle veillée tranquille, la clarinette enjouée, rieuse, toujours très présente. Après cette belle accalmie, ces bercements, la cavalcade reprend, course vive, accélérations à l'appui, chevauchée légère dans de vastes paysages. Piano et clarinette en osmose, alternances de cris, d'appels, de plaintes, de ralliements répétitifs La reprise des cordes, gracieuses et discrètes, au final, recouvrent le tout. Une belle performance d'Armand Angster, laissant deviner la présence très forte de l'instrument, magnifié par une trame narrative dramaturgique étonnante !

Sergueï Rachmaninov Trois Romances pour soprano et piano (1894-1912)
Je l’ai aimé pour mon malheur / Ne sois pas triste ! / VocaliseJohannes Brahms Quintette en fa mineur opus 34 pour quatuor à cordes et piano (1864)
Françoise Kubler nous fait redécouvrir une oeuvre qui résonne dans nos mémoires, par une maitrise saisissante de la célèbre vocalise, toute en nuances, bordant le piano: douceur et vindicte dans de beaux graves: sensible et inspirée, la chanteuse avec délicatesse et douceur entame la mélodie dans de merveilleux aigus: on voyage sur la corde de sa voix qui s'élève dans le temple qui résonne: de multiples variations acrobatiques pour une voix avec de si beaux forte, languissants et retenus.

Suit l'oeuvre de  Johannes Brahms Quintette en fa mineur opus 34 pour quatuor à cordes et piano (1864) où l'on se délecte dans une écoute recueillie et pleine de mouvements entraînants, de contrastes et modulations qui mènent à la rêverie nostalgique d'un monde plutôt lumineux !

Une soirée sereine et estivale dans ce très bel espace du Bouclier, temple et cour intérieure vibrants de spiritualité naturelle.
Françoise Kubler, soprano / Armand Angster, clarinette / Nathanaëlle Marie et Saskia Lethiec, violons
Laurent Camatte, alto / Christophe Beau, violoncelle / Alexandre Gasparov, piano

Dance' foot !





samedi 23 juin 2018

"What's up n° 3" ....Du neuf ? Hanatsu Miroir, laboratoire intimiste du son visuel.


"Bienvenue dans notre laboratoire « What’s Up? » !
La création, axe central de ce cycle, est l’occasion pour nous de donner de nouveaux élans à nos recherches, de les partager avec les compositeurs, de les mettre en oeuvre avec nos interprètes, de mettre en avant de nouveaux enjeux esthétiques et créer un moment d’échange avec le public.
Ce troisième opus se veut éclectique dans ses sonorités : nous commencerons en douceur et en acoustique avec la musique de Kaija Saariaho, et nous nous délecterons de la musique fine et ciselée de Samuel Andreyev.
La soirée se poursuivra sous le signe de l’électronique. Lara Morciano nous fera découvrir une oeuvre pour percussions et transducteurs. Puis deux compositeurs nous accompagneront sur scène : Yérri Gaspar Hummel partagera sa pièce Transfigunation, un théâtre de son entre geste musical et poésie scénique tandis que nous explorerons avec Dionysios Papanicolaou des sonorités inspirées du son electro des années 2000.
Nous clôturerons la soirée par un Dj set de Yerri-Gaspar Hummel.
Inspiré par le tirage avec le yi-king plongez dans un DJ set féerique. Chaque disque est soigneusement numéroté et entre ainsi en résonance avec un monde sonore. De Stimmung du compositeur Karleinz Stockhausen à Presque rien n°1 du compositeur Luc Ferrari, les paysages s'entremêleront sur des rythmes traditionnels effrénés. Two Fingers, Flying Lotus ou encore Nicolas Jaar viendront agrémenter cette expérience sonore collective."

Belle déclaration d'intention: pari tenu lors de cette soirée à l'Espace K, entourée de complices, d'amis musiciens....
Programme :
Kaija Saariaho : "Oi kuu" pour clarinette et violoncelle, donne le ton: avec douceur et retenue, les percussions en écho pour mieux tisser une ambiance recuellie, apaisante. La scénographie très inventive et travaillée, permet de magnifier en focale, certains instants, de diriger les regards sur l'objet qui façonne et émet de son. C'est une des caractéristiques à souligner, ceci créé par Raphael Siefert.

Lara Morciano : Taygeta,pour percussions et transducteurs offre une ambiance inquiétante avec le jeu de scène très animal d'Olivier Maurel, félin, tactile à souhait sur son établi musical qui résonne de sons inédits: du bel ouvrage à regarder autant qu'à écouter!

Samuel Andreyev : Strasbourg Quartet, pour percussions , flûtes, clarinettes et violoncelle: la pièce très animée raconte une histoire: celle de personnages incarnés par les instruments, très chatoyants, joyeux et créateurs de paysages ou de situations imaginaires: forêt, clairière, espaces inédits que crée la musique. Ambiances sylvestres ou circassiennes, une vraie bouffée d'inventivité !


Suit la pièce de Yérri-Gaspar Hummel : Transfigunation pour flûtes, percussions et electronic live
On saute à pied joints dans le fantasque, l'inventivité, le primesautier bien venu dans l'univers savant des technologies nouvelles liées à la création musicale. Laissez vous surprendre par un jeu de chaises (musicales), des ballons qui crissent en se gonflant, un jeu de yoyo qui percute, un jeu de scène drôle et discret. A voir et à entendre !
Du papier froissé, du souffle, du vent et des marées pour ces parcelles de ciel musical et sonore inédits Des paroles aussi, semées comme une fumée d'encens...

Au final, l'oeuvre de Dionysios Papanicolaou : Interurban d’Anarrès pour flûtes, percussions et electronic live offre un panorama truffé d'images vidéo de Marine Crozel, très graphiques en noir et blanc, géométries changeantes sur plusieurs écrans, répartis sur le plateau, tandis que s'invente un univers musical où en cavalcades, au galop, les instruments se chevauchent.
Et pour ceux qui en reprennent, au final, en bonus dans la salle d'exposition, Yérri-Gaspar Hummel : DJ set Gò !!!!

Flûtes : Ayako Okubo // Percussions : Olivier Maurel // Clarinettes : Thomas Monod // Violoncelle : Elsa Dorbath
Réalisation informatique musicale : Jose Miguel Fernandez, Dionysios Papanicolaou et Yerri Gaspar Hummel
Lumières : Raphaël Siefert

A l'Espace K le 22 Juin

jeudi 21 juin 2018

Toupies !





Le grand cirque sur l'eau !




mercredi 20 juin 2018

Peluches !




La Danse de Anthony Lister, murmure !




dimanche 17 juin 2018

L'Imaginaire : retour de résidence ! Royaumont à notre porte !


Lors de leur résidence à Royaumont en décembre 2017, ils ont passé une semaine avec les compositeurs Julien Malaussena et Mikel Urquiza, à expérimenter et construire ensemble les œuvres qu’ils leur ont commandées. Le résultat de cette résidence est dévoilé lors du concert, avec la création de ces deux nouvelles pièces! Les compositeurs ont également proposé les autres oeuvres du programme, ceci permettant de montrer plus en profondeur leur univers sonore et leurs inspirations. 

Jour de passation entre deux pianistes: l'un s'en va, Maxime Springer, l'autre arrive, Gilles Grimaître, et voici deux petits impromptus à quatre mains, pour mieux les "désunir", les relier, sur un ton vindicatif, affirmatif pour un passage de relais assumé et consenti. Puis quelques notes mélodiques pour associer les genres de ce beau trèfle à quatre feuilles!

photo r.becker



Après ce prologue, nous voici au cœur du concert avec l'oeuvre de Mikel Urquiza : "Contrapluma", piano solo (2016) 8’

Des sons stridents, rapides, claquants, détonants comme des salves, des pétarades sur fond de pluie battante ! En ascension fulgurante ou decrescendo, avec vitesse et rapidité déconcertante, avec une dextérité remarquable, le déversement incessant  des notes qui trépignent sur place, obsède. Martèlement, ponctuation humoristique, forte grandioses, bordés de déroulement de sons ininterrompus. Ça coure, s'égrène sans cesse en cascade dans une virtuosité, performance de lacérés, piqués, abruptes.En grondements assourdissants, tonitruants dans les graves fortissimo. Du jaillissement débordant, de la verve et fougue fulgurante !
Une pièce très convaincante et qui "assoit" le talent du nouveau pianiste !

Suit la pièce de Julien Malaussena :"A view on Michelle Agnes ritual" (création mondiale) 10 '


photo r.becker
Une oeuvre "potable" !

Tel un laboratoire sonore, sa capacité à mettre en relation  les sons, comme un rituel, une vie communautaire que le créateur souhaite inventer, lui qui ne l'a pas vécu, va éclore.
Le saxophone joue des gouttes de musique, plein de l'élément liquide: claquements simultanés, en écho, sons brefs qui gargouillent, éclatent, tournent. L'autre saxophone baigne dans une vasque et engendre une ambiance aquatique, glauque à souhait, potable en diable: ça grouille, gémit, se plaint, crie et les sons se noient joyeusement ! Étrangeté de sons de jungle, barrissements d'animaux, alarme ou alerte singulières, feu d'artifice divergent qui s'éparpille, éclabousse, se répand.Vibre et fredonne aussi ! Bouillon de sons caverneux dans des grottes karstiques, des paysages intérieurs naissent et s’effacent dans un huit clos saisissant. Geysers de lave incandescente, géologie en ébullition, cuisson savante de liquide dans un cratère brûlant. L’archaïsme est proche et tactile dans ce goutte à goutte, ce siphon sonore de plomberie sophistiquée, machinerie complexe d'une tuyauterie sonore riche de surprises  ! Ce cataclysme, très animé, dangereux, chaos dissonant, très changeant, en modulation et variations plus calmes est de toute beauté. Tornade, tsunami, tempête ou ouragan comme écrin d'inspiration. Au final, en decrescendo, l’égouttement des percussions sonores renvoie à l’accalmie réparatrice !

Panayotis Kokoras : "Cycling", pour flûte (2009) 4’


photo r.becker


Un régal que ce soleil le vent : voir? regarder, Keiko Murakami oeuvrer avec tout son corps parcouru d'ondulations, les pieds tantôt ancrés au sol, ou soulevés sur demies pointes, genoux fléchis. Les doigts magiques de la déesse, flûtiste, faune virtuose, frôlent l'instrument qui prolonge son corps: elle vogue sous le souffle du vent, des vagues, charmeuse, enjôleuse, attirante et gracieuse créature musicienne, ensorceleuse comme ce ruban de musique qui la relie au spectateur. Energie en boucle, enroulés, beaux pliés des genoux, porteurs de l'architecture, charpente du son émanant de son corps instrument: le vent s'y glisse à travers les sonorités, légères, grondantes ou menaçantes.Elle habite l'oeuvre qui lui va comme un gant, enfile les sons, crée du volume et une atmosphère spatiale inégalée.

Le concert se poursuit avec la pièce de Julien Malaussena : "Face her/him", pour clarinette et sax (2016)



photo r.becker


Face à face, les deux interprètes s'affrontent dans un duo de sons languissants où le souffle s'étend à part entière: de belles variations à l'intérieur de longues tenues sonores, soutenues, maintenues avec beaucoup de force et d'énergie! Lentes, spatiales, étirées, discrètes. Des sirènes alanguies qui se répondent, se couvrent, entuilées, très linéaires, le phrasé tenu, la respiration lente.Vibrations et fréquences, charnelles, sensuelles, très inspirées. Une expérience sonore et physique individuelle pour l'auditeur captif, en méditation . Des percussions sur les becs des instruments, avec les doigts en phase. Secousses qui se trémoussent: l'atmosphère érotique se concrétise, très vibratile, quand les instruments se pénètrent l'un l'autre.Sexualité affirmée, images plus que suggestives des postures des instruments, érection des sons , massage sonore des tympans pour une vie subtile des perceptions liées à l'écoute musicale planante et salvatrice. De l’inouï pour l'oui, et ces oreilles "qui n'ont pas de paupières" et voient la musique oser des attitudes sensitives fort à propos. Des sons aiguisés, dérangeants, envoûtants, comme en état d'hypnose . Musicale et inspirée!Il faut voir Adam Sterkie, frêle et gracieux et Philippe Koerper, plus massif, pour y croire !

Puis au tour de Mikel Urquiza : "Opus latericium", pour quatuor (création mondiale) pour clore cette matinée musicale de haut vol!

Une pièce très rythmée, dansante, en cadence affirmée, en ritournelle en boucle enivrante, où les traits et combinaisons de sons font halluciner l'auditeur. Le piano saccadé, en toccades et frappés, en fugue, fuites et envolées  En alerte, sur le qui vive, chacun se succède, se mêle à l'autre en entrelacs savants, en osmose et symbiose étroite. Vitesse ascendante effroyable, au sommet et zénith du possible, envolées sonores incroyables...
Tempête d'un volume sonre puissant, redoutable, vrombissant, éclatant, submergeant.
 Chaos organisé en crescendo fulgurants, puis retour au calme: la pièce est puissante, très agencée, construite en "briques" murales qui se tiennent. En marche aussi, mobiles et allant de l'avant, demeure nomade qui se déplie à l'envi pour un déménagement effectif: de l'immobilier mobile qui se démonte pour mieux voyager et reconstruire. Très perturbée aussi par ces déplacements incessants, exil des sons, déracinement du banal, hors des sentiers battus. Une écriture, une composition très paysagiste, figuration libre qui glisse, coule, à la dérive, dans le flux, filet gracile de sons retenus.
Infime suspension au final qui progresse pour mieux s'éteindre.
Un concert rare et truffé de sensations, comme une cuisine inspirée, intuitive, charnue et à déguster sans modération!
Les interprètes, virtuoses et parfaits performeurs, au "service" des compositeurs, pétris d'imaginaire musical, fertile, et passeurs de sensations frôlant l’irréel plaisir apollinien de philosophes au "gai savoir" nietzschéen !  


Et en fin de concert, un apéro, qui permet de rencontrer et de parler avec les artistes. En collaboration avec l’association de quartier « Envie de Quartier »

Au Faubourg 12, le 17 Juin 


Plus d'info sur www.limaginaire.org

vendredi 15 juin 2018

"Picasso et la danse"


Bibliothèque-musée de l'Opéra
19 juin 2018 au 16 septembre 2018
La BnF et l’Opéra national de Paris explorent les différentes facettes du rapport de Picasso à la danse à travers une série d’oeuvres et de documents rarement exposés en France. Peintre majeur du XXe siècle, Picasso a produit une oeuvre d’une richesse extraordinaire. Bien avant son mariage avec la ballerine Olga, c’est la danse populaire qui suscite l’intérêt de l’artiste. Il croque ainsi le cirque comme le cabaret à travers de multiples dessins. Si son activité de dessinateur de costumes et de décors pour les Ballets russes dans les années 1910-1920 est bien connue, se rappellet-on qu’il a collaboré avec le chorégraphe Serge Lifar pour la reprise d’Icare en 1962 à l’Opéra de Paris ? L’exposition donnera aussi l’occasion de découvrir quelques aspects de la danse dans l’oeuvre de Picasso, des bacchantes et autres faunes dans les estampes d’inspiration mythologique des années1940-1950 aux danses érotisées de la fin des années 1960. Conçue à partir des collections de la BnF et de l’Opéra national de Paris, l’exposition bénéficie de prêts exceptionnels du Musée national Picasso-Paris.
Dans le cadre de « Picasso-Méditerranée : une initiative du Musée national Picasso-Paris ».

lundi 11 juin 2018

"A New Lanscape": un mémorial, joyeux, illuminé de jeunesse !


"Nouveau spectacle de la compagnie Travelling & Co, A New Landscape, chorégraphié par Hervé Robbe assisté de Catherine Legrand, est une plongée dans une mémoire de la danse qui se conjugue au futur.

« Memories (ou l’oubli) » est un projet collaboratif manifeste sur trois ans, un voyage à rebours mais aussi à rebond, une traversée d’une mémoire chorégraphique qui se décline sous la forme d’une publication, d’un objet audiovisuel et, ici, d’un nouveau spectacle. A New Landscape est pour Hervé Robbe : « Une danse qui ne tourne pas le dos à son passé, qui émane telle une anamorphose d’une chambre d’échos et de réminiscences et laisse surgir un autre rituel collectif.» En ne perdant pas la mémoire, notamment celle du corps, il accepte aussi l’oubli. Cette création chorégraphique pour dix danseurs laisse libre cours à une interprétation subjective des sources pour offrir un espace à de nouveaux agencements ou déploiements et à une nouvelle génération. « Trente années de création, je me souviens et puis j’oublie par nécessité à être et devenir...», ajoute le chorégraphe."

Sur scène, une heure durant, c'est la mémoire joyeuse du répertoire d'Hervé Robbe qui se trame et se tisse devant nos yeux!
Pas de nostalgie pour construire ce "panthéon", cet archivage serein d'une mémoire corporelle qui se transmet, se passe et contribue à bâtir un patrimoine de la danse d'aujourd'hui! Les jeunes danseurs, poreux, pétris du style du chorégraphe s'adonnent à laisser vivre et voir sa signature, toute d'un phrasé caractéristique: petits bougés savants, ruptures de rythmes, le tout sous couvert de choix musicaux pointus, variés en adéquation avec un style "baroque" en diable!
Le tout bordé par la présence radieuse de Catherine Legrand, elle aussi transmettant ce petit quelque chose de Bagouet, possédant une gestuelle toute singulière et personnelle. Elle hante le plateau, alors que les jeunes interprètes se fondent dans l'espace très construit, suite de citations des pièces de Robbe, sur "le terrain vague" d'une mémoire rafraîchie, mélancolie salvatrice et bienfaisante.
La pièce se déroule , douce et pleine de quiétude et de suspens; tout de noir vêtus, simplement, c'est la jeunesse qui prend le flambeau, témoin, passeuse elle aussi de cette archéologie du futur!
Alors que sur l'écran, en fond de scène, des images du tout jeune chorégraphe, nous font des clins d’œil d'empathie pour mieux nous glisser nous aussi dans l'osmose de ce palimpseste, ces strates et couches tectoniques d'un pan de l'histoire de la danse, tout court !
Un "temple" neuf, construit, vivant, habité par un patrimoine vif et savant, dédié , non à la conservation en bocal ou conservatoire, mais bien à vivre sur les planches, sur le plateau pour vivifier, raviver un répertoire traversé d'aventures et de partage.

Au Théâtre National de la Danse jusqu'au 9 Juin


"Le Songe": pincez moi, je rêve !




"Avec Le Songe, Jean-Christophe Maillot s’empare de la comédie de William Shakespeare pour en faire un ballet d’une folle originalité. Le tout porté par une troupe au diapason qui éclabousse de son talent cette nuit d’été.
À la tête des Ballets de Monte-Carlo depuis 1993, Jean-Christophe Maillot a su inventer une compagnie de son temps : relecture de classiques, invitation de jeunes chorégraphes... Forte d’une vingtaine de nationalités, cette compagnie rayonne désormais dans le monde entier. « Nous avons toujours eu une double vocation : créer et diffuser », résume son chorégraphe-directeur. En 2005 Jean-Christophe Maillot imagine Le Songe, variation chorégraphique d’après la pièce de Shakespeare. Il met en danse trois univers – ceux des Athéniens, des fées et des artisans –, dans un délicieux précipité de tribulations amoureuses. Les séquences se succèdent à un rythme effréné mettant en valeur des danseurs expressifs qui se révèlent d’étonnants acteurs. Le fantastique dialogue avec le burlesque dans un incessant pas de deux peuplé de lutins et autres créatures. Porté par les musiques de Felix Mendelssohn, Daniel Teruggi et Bertrand Maillot, ce Songe est un rêve éveillé."

"Pincez-moi, je rêve" serait bien le résumé de toutes ces impressions, à la vision du spectacle phare de Jean Christophe Maillot!
Voir et revoir une oeuvre, classée au patrimoine, au "panthéon" de la compagnie, reste un régal jouissif, sur lequel on a déjà tant écrit, mais qui à chaque fois suggère l'enthousiasme, l'empathie, la connivence. Comment de pas être de mèche, en complicité avec cette petite tribu maline et ensorceleuse, ces personnages truculents dont Shakespeare ne renierait en rien, truculence, joie, folie et univers en marge? Dans les décors d'Ernest Pignon Ernest, ils évoluent au rythme de la narration, solide impact de groupe, soudés sur deux demi-lunes, sculptures mobiles et miroitantes. Univers morcelé, demi praticable qui se joue de l'espace, comme une faille ouverte ou refermée. La scénographie lumière, évoquant le trouble, le flou, le vague et l' imperceptible rêve pour les parties vouées au "songe" est de toute beauté !Quant aux costumes jubilatoires, signés Philippe Guillotel, il va de soi, qu'ils sont inventifs, surprenants, seyants et indescriptibles !
Le "mimodrame" fameux des artisans, habite la danse, la gestuelle, les mimiques narratives avec bonheur. Sans caricature de caractère, ni trop plein de maniérisme, les personnages, fous à lier et truculents, opèrent un tableau chatoyant et pictural très réussi. Le "songe" lui, baigne dans le lyrisme, la précision de l'écriture chorégraphique et la douceur des ambiances, vaporeuses dans les fumigènes, brouillard ensorcelant de circonstance.
La compagnie excelle dans ce répertoire, unique creuset de légendes et travaillant avec audace à représenter le monde, celui du théâtre et des arts de spectacle avec justesse, innovation et respect du divertissement.
Une bouffée d'oxygène à consommer sans modération !
Au Théâtre National de la Danse jusqu'au 15 Juin .


vendredi 1 juin 2018

"Paresse" : épater deux fois la galerie sans fatigue : un solo déroutant !


Mise en scène Maxime Kerzanet d'après Lafargue
Un jeune homme seul erre dans son lit et ses questions, et se demande entre autres comment il pourrait employer son temps librement plutôt que d’en être esclave.
« Paressons en toutes choses, hormis en aimant et en buvant, hormis en paressant. » Lessing.
Maxime Kerzanet donne l’occasion de s’interroger sur la question du travail, et pour cela de se vautrer dans le douillet de la cave, à la quête d’une paresse collective. Cette paresse délibère sur le temps, l’ivresse, l’amour.
Cette pièce libère des attentes de l’action et provoque chez le spectateur une ribambelle d’images et d’exploits régénérateurs.


Une cave, quasiment vide, vingt spectateurs, face à face, et au milieu un décor de fortune: table, lit matelas au sol, défait, tapis étalé...Sobriété, mais efficacité de ce dispositif qui frôle le spectateur, agit avec toute la proximité du lieu. L'acteur est là, si proche et entame d'emblée une réflexion sur le processus de création: que va-t-il bien faire pour évoquer le "droit à la paresse" ? Ce seront deux différents personnages, l'un savant et docte metteur en scène, l'autre joyeux "simplet" dont les paroles déferlent d'une voix fabriquée, comique, rauque, proche d'une "singularité de handicap mental"; c'est très réussi et jamais caricatural ! L'un offre à l'autre en cadeau, une dentition de pelure d'orange qui lui tient lieu de prothèse miracle et draculesque, l'autre se rit du rêve et de la réalité, évoquant Schopenhauer, Hegel, convoquant Marx: philosopher, c'est aussi beaucoup de travail pour cet "esclave" du labeur, ce "martyr" de la tâche, ce supplicié du boulot ! Ce sont les poètes qui chantent la paresse, se donnent ce droit, cette liberté de faire le Christ, cagoule et ombre chinoise au poing, en découpe au plafond, en silhouette étirée , belle scénographie d'ombres et de lumière.Il chante cette balade en hommage à l'état d'errance de l'esprit: on prend son temps, on s'étire au pied du lit sur sa paillasse, on rêve avec ces deux lascars et le comédien use d'un don d’ubiquité saisissant ! "Paressons", écrivait Lessing : en robe de chambre, tee shirt avec faucille et marteau , il y a "du pain sur la planche" pour ce travailleur des planches théâtrales!


Une chanson de Gérard Manset, sur les vies monotones, un petit solo en gamme pentatonique et le tour est joué, le voyage de ce troubadour , anti- héros du labeur opère et nous embarque dans la poésie de l'instant partagé, là, tout près de lui. Le "travail" du poète est rude et fatiguant, on compatit avec sa charge et ses tâches exténuantes. Avec un "gros ventre" factice Paulus Lafargus devient trivial et accessible au plus grand nombre, quitte ses habits de philosophe et rend hommage à Armand Gatti: "il n'y a de révolution que celle du soleil". Quelles blagues bien placées, encore quelques notes de guitare, un chant romantique en chambre d'écho, et déjà, la pièce se referme, la cave se vide et les reliefs du décor se figent. Un livre recouvert de terre, muet comme une tombe sur son petit tabouret, demeure en témoin de ce qui vient de se passer: une communion, petite cérémonie rituelle pour public averti, charmé .Maxime Kerzanet, comédien qui se dédouble à l'envi avec talent, nous livre ses multiples facettes et celle d'un auteur qui lui a inspiré une diatribe librement interprétée, adaptée à cette "galerie" souterraine à amuser, épater deux fois : un beau travail de fourmi, de taupe pour underground inspiré, sensible.Un pistolet viendra ébranler les esprits, sans flinguer l'ambiance ni provoquer de suicide improductif. Maiakovski rôde dans l'ombre et semble ressusciter.
D’après Le droit à la paresse de P. Lafargue et autres textes. Mise en scène et jeu de Maxime Kerzanet. En coproduction avec la compagnie Science 89 (Nantes)
Dans le cadre du Festival de Caves 2018, à Strasbourg les 1 et 2 Juin, 20H