dimanche 17 juin 2018

L'Imaginaire : retour de résidence ! Royaumont à notre porte !


Lors de leur résidence à Royaumont en décembre 2017, ils ont passé une semaine avec les compositeurs Julien Malaussena et Mikel Urquiza, à expérimenter et construire ensemble les œuvres qu’ils leur ont commandées. Le résultat de cette résidence est dévoilé lors du concert, avec la création de ces deux nouvelles pièces! Les compositeurs ont également proposé les autres oeuvres du programme, ceci permettant de montrer plus en profondeur leur univers sonore et leurs inspirations. 

Jour de passation entre deux pianistes: l'un s'en va, Maxime Springer, l'autre arrive, Gilles Grimaître, et voici deux petits impromptus à quatre mains, pour mieux les "désunir", les relier, sur un ton vindicatif, affirmatif pour un passage de relais assumé et consenti. Puis quelques notes mélodiques pour associer les genres de ce beau trèfle à quatre feuilles!

photo r.becker



Après ce prologue, nous voici au cœur du concert avec l'oeuvre de Mikel Urquiza : "Contrapluma", piano solo (2016) 8’

Des sons stridents, rapides, claquants, détonants comme des salves, des pétarades sur fond de pluie battante ! En ascension fulgurante ou decrescendo, avec vitesse et rapidité déconcertante, avec une dextérité remarquable, le déversement incessant  des notes qui trépignent sur place, obsède. Martèlement, ponctuation humoristique, forte grandioses, bordés de déroulement de sons ininterrompus. Ça coure, s'égrène sans cesse en cascade dans une virtuosité, performance de lacérés, piqués, abruptes.En grondements assourdissants, tonitruants dans les graves fortissimo. Du jaillissement débordant, de la verve et fougue fulgurante !
Une pièce très convaincante et qui "assoit" le talent du nouveau pianiste !

Suit la pièce de Julien Malaussena :"A view on Michelle Agnes ritual" (création mondiale) 10 '


photo r.becker
Une oeuvre "potable" !

Tel un laboratoire sonore, sa capacité à mettre en relation  les sons, comme un rituel, une vie communautaire que le créateur souhaite inventer, lui qui ne l'a pas vécu, va éclore.
Le saxophone joue des gouttes de musique, plein de l'élément liquide: claquements simultanés, en écho, sons brefs qui gargouillent, éclatent, tournent. L'autre saxophone baigne dans une vasque et engendre une ambiance aquatique, glauque à souhait, potable en diable: ça grouille, gémit, se plaint, crie et les sons se noient joyeusement ! Étrangeté de sons de jungle, barrissements d'animaux, alarme ou alerte singulières, feu d'artifice divergent qui s'éparpille, éclabousse, se répand.Vibre et fredonne aussi ! Bouillon de sons caverneux dans des grottes karstiques, des paysages intérieurs naissent et s’effacent dans un huit clos saisissant. Geysers de lave incandescente, géologie en ébullition, cuisson savante de liquide dans un cratère brûlant. L’archaïsme est proche et tactile dans ce goutte à goutte, ce siphon sonore de plomberie sophistiquée, machinerie complexe d'une tuyauterie sonore riche de surprises  ! Ce cataclysme, très animé, dangereux, chaos dissonant, très changeant, en modulation et variations plus calmes est de toute beauté. Tornade, tsunami, tempête ou ouragan comme écrin d'inspiration. Au final, en decrescendo, l’égouttement des percussions sonores renvoie à l’accalmie réparatrice !

Panayotis Kokoras : "Cycling", pour flûte (2009) 4’


photo r.becker


Un régal que ce soleil le vent : voir? regarder, Keiko Murakami oeuvrer avec tout son corps parcouru d'ondulations, les pieds tantôt ancrés au sol, ou soulevés sur demies pointes, genoux fléchis. Les doigts magiques de la déesse, flûtiste, faune virtuose, frôlent l'instrument qui prolonge son corps: elle vogue sous le souffle du vent, des vagues, charmeuse, enjôleuse, attirante et gracieuse créature musicienne, ensorceleuse comme ce ruban de musique qui la relie au spectateur. Energie en boucle, enroulés, beaux pliés des genoux, porteurs de l'architecture, charpente du son émanant de son corps instrument: le vent s'y glisse à travers les sonorités, légères, grondantes ou menaçantes.Elle habite l'oeuvre qui lui va comme un gant, enfile les sons, crée du volume et une atmosphère spatiale inégalée.

Le concert se poursuit avec la pièce de Julien Malaussena : "Face her/him", pour clarinette et sax (2016)



photo r.becker


Face à face, les deux interprètes s'affrontent dans un duo de sons languissants où le souffle s'étend à part entière: de belles variations à l'intérieur de longues tenues sonores, soutenues, maintenues avec beaucoup de force et d'énergie! Lentes, spatiales, étirées, discrètes. Des sirènes alanguies qui se répondent, se couvrent, entuilées, très linéaires, le phrasé tenu, la respiration lente.Vibrations et fréquences, charnelles, sensuelles, très inspirées. Une expérience sonore et physique individuelle pour l'auditeur captif, en méditation . Des percussions sur les becs des instruments, avec les doigts en phase. Secousses qui se trémoussent: l'atmosphère érotique se concrétise, très vibratile, quand les instruments se pénètrent l'un l'autre.Sexualité affirmée, images plus que suggestives des postures des instruments, érection des sons , massage sonore des tympans pour une vie subtile des perceptions liées à l'écoute musicale planante et salvatrice. De l’inouï pour l'oui, et ces oreilles "qui n'ont pas de paupières" et voient la musique oser des attitudes sensitives fort à propos. Des sons aiguisés, dérangeants, envoûtants, comme en état d'hypnose . Musicale et inspirée!Il faut voir Adam Sterkie, frêle et gracieux et Philippe Koerper, plus massif, pour y croire !

Puis au tour de Mikel Urquiza : "Opus latericium", pour quatuor (création mondiale) pour clore cette matinée musicale de haut vol!

Une pièce très rythmée, dansante, en cadence affirmée, en ritournelle en boucle enivrante, où les traits et combinaisons de sons font halluciner l'auditeur. Le piano saccadé, en toccades et frappés, en fugue, fuites et envolées  En alerte, sur le qui vive, chacun se succède, se mêle à l'autre en entrelacs savants, en osmose et symbiose étroite. Vitesse ascendante effroyable, au sommet et zénith du possible, envolées sonores incroyables...
Tempête d'un volume sonre puissant, redoutable, vrombissant, éclatant, submergeant.
 Chaos organisé en crescendo fulgurants, puis retour au calme: la pièce est puissante, très agencée, construite en "briques" murales qui se tiennent. En marche aussi, mobiles et allant de l'avant, demeure nomade qui se déplie à l'envi pour un déménagement effectif: de l'immobilier mobile qui se démonte pour mieux voyager et reconstruire. Très perturbée aussi par ces déplacements incessants, exil des sons, déracinement du banal, hors des sentiers battus. Une écriture, une composition très paysagiste, figuration libre qui glisse, coule, à la dérive, dans le flux, filet gracile de sons retenus.
Infime suspension au final qui progresse pour mieux s'éteindre.
Un concert rare et truffé de sensations, comme une cuisine inspirée, intuitive, charnue et à déguster sans modération!
Les interprètes, virtuoses et parfaits performeurs, au "service" des compositeurs, pétris d'imaginaire musical, fertile, et passeurs de sensations frôlant l’irréel plaisir apollinien de philosophes au "gai savoir" nietzschéen !  


Et en fin de concert, un apéro, qui permet de rencontrer et de parler avec les artistes. En collaboration avec l’association de quartier « Envie de Quartier »

Au Faubourg 12, le 17 Juin 


Plus d'info sur www.limaginaire.org

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