mardi 20 août 2024

Montpellier Danse 2024: traces et signes d'auteurs, d'autrices singuliers

 Un festival de danse laisse des empreintes, des traces, lance des signes et fait ricochet dans "le lac" qu'il ne faudra jamais assécher à l'encontre de ce que disait Jean Cocteau.

Alors deux mois après sa clôture magistrale que reste-t-il de ces représentations, manifestation de cet art qui ne cesse de grandir, évoluer, prendre toutes sortes de formes?

Des images, du son, des bruissements, des sensations et émotions à fleur de peau.Des ambiances selon les lieux à redécouvrir à chaque nouvelle invitation d'artistes.


Ivresse

Avec Armin Hokmi et son "Shiraz"au Hangar Theatre ce sont six danseurs qui tanguent sans cesse au rythme d'une musique lancinante, hypnotique: bercement des corps aux mouvements infimes, tenues dans des costumes pastel, baskets. Les regards des danseurs figés sur le sol comme une méditation cosmique, minimale, envoutante qui peu à peu dérive. Chaloupes dans l'espace nu, blanc. La tension monte une heure durant, les corps se frôlent petit à petit en duos. Révérences, jeux de mains, de bras, de hanches...Une danse lumineuse, contagieuse qui agite nos esprits capturés, captivés par ces mouvements altiers, nobles, marqués de culture du bassin méditerranéen. Harmin Hokmi fabrique une gestuelle originale, empreinte de biens des styles mais toujours solide et inscrite dans des emprunts loyaux aux autres cultures....


Dance-club

Michèle Myrrray surprend avec "Dancefloor" au Théâtre de l'Agora. En "compagnie" des danseurs du CCN Ballet de Lorraine (direction petter jacobsson), au crépuscule du soir, alors que les danseurs peu à peu investissent les différents niveaux du théâtre de plein air. Ils apparaissent du haut des cursives, les lumières naturelles changeantes encore à cette heure miraculeuse. Le plateau blanc est nu: sobriété exige. Comme des électrons libres, ils dansent, isolés, gestes libres, solitaires. Pauses classiques, tous virtuoses et enthousiastes. Des duos complices très pasoliniens les unissent: beauté et singularité, sauvagerie intime et complicité. Les ambiances lumineuses éclairent et magnifient le tout. Comme des salves lancées dans l'espace, ils dévorent l'espace où ils sont à l'unisson d'une chorégraphie singulière. Entre chorus et isolement, entre langage classique et inventivité contemporaine.


Idée: très bonne!

"Idée": une surprise pour tous que ce solo signé Abdel Mounim Elallami: dans une diagonale de lumière au studio Cunningham de l'Agora ce danseur chorégraphe soliste signe une performance de trente minutes: gracieux, baroque et maniéré, humble et discret, il tient l'espace et maitrise directions et intentions avec fragilité autant que détermination. "Tu n'es pas une fille" en filigrane pour cet homme qui se questionne sur l'identité autant genrée que gestuelle. L'éducation, la culture nous façonne à l'encontre de nos désirs profonds et ce solo exprime toute cette liberté d'expression contenue dans la danse: celle qui sauve et affranchit des contraintes sociétales.Une couronne d'argent, hérissée comme design scénographique en dit long sue la genèse de ce solo, très abouti.


Tombe, la danse.

"We learned a lot at our own funeral" de Daina Ashbee déconcerte à l'envi au studio Bagouet de l'Agora. Les spectateurs encadrent la scène et s'y trouvent comme à l'intérieur entre frontalité et horizontalité.Une forme mouvante investit cet espace singulier, solide et présente. Elle ôte les lés du tapis de sol, déchirés.Bruits et sons envahissent l'espace et l'atmosphère est singulier. Voix et sons à l'unisson pour un univers sonore très élaboré. Au sol, immobile puis virtuose d'une danse animale, se meut une créature étrange. La peau à vif, les pauses hip-hop sidérantes comme un défi à cette humilité.Elle-il-investit le sol quadrillé, le sable omniprésent laisse les traces des empreintes de pieds bruissant. Une autre créature, nue, en maitresse absolue, couchée au sol rampe puis se dirige vers le public éclairé, à vue. Sable au centre. Elles dansent de très près, frôlent les corps des assistants de cette curieuse cérémonie. Gêne, abandon total des uns et des autres dans cette communion partagée. Du jamais ressenti sur la question de l'ensevelissement, de l'enterrement.Elles participent à la sensation synergique du public rassemblé autour d'elles. Deuil et force du groupe qui le berce et l'encadre, cette pièce est unique et bouleverse. Ces corps inversés au sol, dénudés dans l'écoute extrême de ce qui se passe sur le plateau. Énergie et subtilité des gestes infimes. Les échanges sont évidents, naturels sans contrôle mais extrêmement maitrise pour ne choquer personne. Au final Daina Ashbee reptile aguéri, dans une reptation lovée, laisse traces et signes dans le sable de son pays d'origine. Souffle d'un rituel mémorable, funérailles sensibles et surréalistes des corps ensevelis qui ne cessent de faire résurgence.Momo Shimada en contorsionniste virtuose aux multiples facettes envoutantes.

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