jeudi 22 décembre 2011

"Carnaval" de Lorenzo Mattotti:couleurs et mouvements

Après un bref aperçu  sur l'histoire du carnaval au Brésil, signé Marilia Trindade Barboza et Marcelo Reis, plongez dans les illustrations lumineuses de Mattotti...
Couleurs, tracés affutés, scènes de danses endiablées le long des plages, ici rien n'est stéréotypes, mais tout est poésie et mouvances des corps costumés.Façon très théâtrale, des croquis de costumes en noir et blanc viennent étayer le propos de l'illustrateur, peintre et fabuleux croqueur de figures étonnantes. Cela rutile, virevolte à l'envi et l'on effeuille les pages comme on dévêtirait le plus beau des personnages de ce livre.

Allez découvrir cet ouvrage étonnant, regard sur un autre carnaval que celui des prospectus touristiques!Carnaval ! Lorenzo Mattotti semble littéralement avoir été fait pour cet exercice. Au Brésil, à Rio de Janeiro, le dessinateur s’est immergé en plein cœur du Carnaval, lors de cette période magique où rivalisent les écoles de samba (un mot qui signifie littéralement, on ne saurait mieux dire, “faire plaisir, enchanter”, dans l’un des dialectes africains amenés au Brésil par les anciens esclaves). Il en a ramené un festival d’images éblouissantes rassemblées dans cet album, avec cette “touche” et ce talent unique qui le rend capable de saisir le miracle de la couleur en mouvement. Des textes divers signés de spécialistes du sujet – sans oublier un glossaire très complet – viennent apporter un contrepoint tour à tour anecdotique ou érudit aux images de Mattotti. Une fois de plus, un enchantement.

"Si la danse est une pensée" de Dominique Noguez et "La sagesse du danseur" de Dominique Dupuy: deux ouvrages de danseurs philosophes: Avance!

Dominique Dupuy philosophe sur "la profession" de danseur, "l'artiste chorégraphique" par simple définition de statut juridique!!! "Kesako" qu'un homme qui fait de la danse sa vie, qui vit comme il danse, en pensant, en cheminant, en dansant, tout le temps! "A par ça, qu'est-ce que vous faites"?? C'est désopilant, humoristique et grave à souhait. Alors, parcourrez ces lignes si subtiles. Autobiographie, leçon de vie, aveux émouvants, tout y est pour donner à connaitre cet homme qui vient à la danse par "défaut de paroles", par pudeur, par modestie.
"Double jeu", ""La dansée", autant de chapitre sur l'histoire de ce danseur, sur sa pensée: "la dansée" est un mot qu'il invente, pour évoquer l'élan de la danse, sa beauté, la grâce aussi.Son aventure, son expérience auprès de Françoise Dupuy est révélée de façon sympathique et singulière. Sa compagne et partenaire de toujours: "même quand vous vous trouvez dos à dos, on a l'impression que vous vous regardez!".
Puis il évoque "l'armure, la peau", "des pieds et des mains"  sans en faire tout un plat!!! Il est "piéton de l'air" dans le "Apprendre à marcher" de Ionesco! Et c'est "Le vieillissage", l'acte du corps emblématique de la montée de l'impuissance qui serait le plus beau chapitre de cet éloge de la danse."L'âge, cela s'attrape dès la naissance"!
Epilogue avec "Voyageur sans bagages" la danse est œuvre qui s'efface, légère, éphémère, futile: comment la préserver, la conserver sans la consigner dans le formol d'une histoire qui ne l'atteint pas???
"Ainsi, il n'y a pas de bagage, il n'y a pas de voyageur. Il y a le voyage."

Pour Dominique Noguez, le saint patron du danseur est Saint Guy, danse répétitive, imitative, reproductible...
Belle pensée sur la solitude du danseur qui pourtant et fait pour être contagieux et passer la danse de lui à l'autre."Mobilité, musique, dextérité", les trois mamelles de la danse pour cet écrivain philosophe, sont indispensables pour incarner la danse, la rendre visible.Pour lui, la danse est lecture, pas écriture.L'écriture avance, chemine, anticipe, bouge! Elle est pensée du corps par le corps,lisibilité d'une lecture heureuse.
Et "d'une façon ou d'une autre, l'amateur de danse est branché sur les corps. D'une façon ou d'une autre, il bande". Un beau petit livre pour méditer tranquille en allant de l'avant!

Robert Longo avec "Men in the cities" et Edouard Levé avec "Reconstitutions" : quand les plasticiens dansent!




Robert Longo, artiste américain iconoclaste se met en scène, en mouvement et se photographie dans son ouvrage "Men in the cities" (introduit par Cindy Sherman).Sauts, cabrioles, attitudes inédites dans des décors urbains, font de l'iconographie un véritable glossaire de gestes, postures inouïes.

Edouard Levé, lui, né en 1965, n'est pas à proprement parler un photographe. II utilise la photographie pour fixer des archétypes et mettre en évidence la réalité parfois absurde, parfois comique, qui sous-tend ces images a priori dénuées de sens. Dans les vues qu'il a prises dans "Reconstitutions", ce sont les stéréotypes de l'univers quotidien qui sont capturés: mises en scènes, dans lesquelles il demande à des modèles de rejouer des situations inspirées d'images préexistantes.Panoramas, objet, morceaux d'architecture et qui constituent comme un catalogue du quelconque. Seuls les personnages, omniprésents, revêtent l'ordinaire d'un humour grinçant.
Cette série, a donné lieu à la publication de ce petit livret, à considérer non comme un catalogue, mais comme un livre d'artiste.

Radical parfois, troublant souvent, brillant toujours, Edouard Levé en exposant ses “reconstitutions”, processus qui a permis à l’artiste de se distancier des scènes qu’il photographait, tout en laissant au spectateur le choix de son regard... révèle les attitudes sociales du "corps humain" au travail. Edouard Levé, photographe, ecrivain, n’est plus, mais son influence et son regard marqueront pour longtemps la scène artistique en France. Il  remet en scène, en studio et avec des acteurs, des images antérieurement publiées dans la presse. Visages impassibles, poses immobiles et corps interchangeables pour une simulation d'actes suspendus dans le temps.