jeudi 22 décembre 2011

Alex Katz "Face the music": la danseuse comme obsession figurative

La Galerie Thaddaeus Ropac vient d'exposer Face the Music, la nouvelle série d’oeuvres d’Alex Katz (né en 1927). L’artiste américain présente une nouvelle série de toiles, études à l’huile, cartons et dessins, sur le thème de la danse. Figure du pop art américain, dès le début des années 1950, il préfigure ce mouvement avec des images inspirées des panneaux publicitaires, en reprenant le principe de sérialité à travers des portraits libérés de toute forme de psychologie. Il s’éloigne rapidement du pop art et impose son propre style, en marge de l’actualité contemporaine, il connaît alors une reconnaissance mondiale. Dans les années 1980, avec son Cool Painting, il devient une référence pour toute une génération de jeunes peintres contemporains.

Birth of the Cool est le titre d'une exposition qui a lieu à Zurich et à Hambourg en 1997, elle a pour sujet la nouvelle vague musicale de l'après-guerre américain incarnée par Stan Getz et Miles Davis. Dans les années 1960, Alex Katz collabore avec la compagnie de Paul Taylor pour qui il crée des décors et réalise les portraits des danseurs. En 2010, il revient sur ce thème et réalise des portraits des protagonistes de la scène chorégraphique new yorkaise contemporaine. Alex Katz choisit un plan américain très classique sur fond noir duquel les figures lumineuses des danseuses se détachent, graciles et gracieuses.
À travers ses tableaux figuratifs, Alex Katz a toujours utilisé un langage presque naïf. Ses modèles –principalement des femmes- sont peints sur des fonds unis comme des icônes de magazines. Sa peinture est lisse et des aplats uniformes, les volumes sont subtilement indiqués ; ses personnages sont sans aspérités.
La peinture d’Alex Katz ne dit rien, il ne recherche l’effet de style ni dans la forme ni dans le fond. Quant à cette obsession pour la représentation de la femme, elle n’a rien de l’érotisme qu’ont pu développer dans leurs images ses contemporains tels Tom Wesselmann dont l’esthétique peut parfois rappeler celle de Katz ou encore Yves Klein que l’on connaît pour ses voluptueuses anthropométries. Le thème de l’artiste et de son modèle traverse l’histoire de l’art et trouve une réponse toute en pudeur dans les portraits féminins d’Alex Katz.
Le travail de Katz s’équilibre entre les genres du portrait et du paysage. Depuis les années 1960, il a peint des vues de New York (Soho essentiellement qui est son environnement immédiat), les paysages du Maine, où il passe plusieurs mois chaque année, ainsi que des portraits des membres de sa famille, des artistes, des écrivains et des nouveaux protagonistes de la société new yorkaise. Son travail a été exposé dans le monde entier, il a bénéficié de nombreuses expositions personnelles et de rétrospectives, ses œuvres appartiennent à de nombreuses collections privées et publiques dont le Museum of Modern Art de New York, le Metropolitan Museum of Art à Tokyo, la Tate Modern à Londres, le Centre Georges Pompidou à Paris, la Nationalgalerie de Berlin et le musée Reina Sofia à Madrid.
Le jour du vernissage à 20h30, le chorégraphe français Hervé Robbe réalisait une performance dansée avec Johanna Lemarchand sur un thème musical créé par Romain Kronenberg.
L'exposition fut accompagnée d’une publication comportant les textes de Mark Rappolt, rédacteur en chef du magazine Art Review et Charles Reinhart, directeur de l'American Dance Festival.

"Carnaval" de Lorenzo Mattotti:couleurs et mouvements

Après un bref aperçu  sur l'histoire du carnaval au Brésil, signé Marilia Trindade Barboza et Marcelo Reis, plongez dans les illustrations lumineuses de Mattotti...
Couleurs, tracés affutés, scènes de danses endiablées le long des plages, ici rien n'est stéréotypes, mais tout est poésie et mouvances des corps costumés.Façon très théâtrale, des croquis de costumes en noir et blanc viennent étayer le propos de l'illustrateur, peintre et fabuleux croqueur de figures étonnantes. Cela rutile, virevolte à l'envi et l'on effeuille les pages comme on dévêtirait le plus beau des personnages de ce livre.

Allez découvrir cet ouvrage étonnant, regard sur un autre carnaval que celui des prospectus touristiques!Carnaval ! Lorenzo Mattotti semble littéralement avoir été fait pour cet exercice. Au Brésil, à Rio de Janeiro, le dessinateur s’est immergé en plein cœur du Carnaval, lors de cette période magique où rivalisent les écoles de samba (un mot qui signifie littéralement, on ne saurait mieux dire, “faire plaisir, enchanter”, dans l’un des dialectes africains amenés au Brésil par les anciens esclaves). Il en a ramené un festival d’images éblouissantes rassemblées dans cet album, avec cette “touche” et ce talent unique qui le rend capable de saisir le miracle de la couleur en mouvement. Des textes divers signés de spécialistes du sujet – sans oublier un glossaire très complet – viennent apporter un contrepoint tour à tour anecdotique ou érudit aux images de Mattotti. Une fois de plus, un enchantement.

"Si la danse est une pensée" de Dominique Noguez et "La sagesse du danseur" de Dominique Dupuy: deux ouvrages de danseurs philosophes: Avance!

Dominique Dupuy philosophe sur "la profession" de danseur, "l'artiste chorégraphique" par simple définition de statut juridique!!! "Kesako" qu'un homme qui fait de la danse sa vie, qui vit comme il danse, en pensant, en cheminant, en dansant, tout le temps! "A par ça, qu'est-ce que vous faites"?? C'est désopilant, humoristique et grave à souhait. Alors, parcourrez ces lignes si subtiles. Autobiographie, leçon de vie, aveux émouvants, tout y est pour donner à connaitre cet homme qui vient à la danse par "défaut de paroles", par pudeur, par modestie.
"Double jeu", ""La dansée", autant de chapitre sur l'histoire de ce danseur, sur sa pensée: "la dansée" est un mot qu'il invente, pour évoquer l'élan de la danse, sa beauté, la grâce aussi.Son aventure, son expérience auprès de Françoise Dupuy est révélée de façon sympathique et singulière. Sa compagne et partenaire de toujours: "même quand vous vous trouvez dos à dos, on a l'impression que vous vous regardez!".
Puis il évoque "l'armure, la peau", "des pieds et des mains"  sans en faire tout un plat!!! Il est "piéton de l'air" dans le "Apprendre à marcher" de Ionesco! Et c'est "Le vieillissage", l'acte du corps emblématique de la montée de l'impuissance qui serait le plus beau chapitre de cet éloge de la danse."L'âge, cela s'attrape dès la naissance"!
Epilogue avec "Voyageur sans bagages" la danse est œuvre qui s'efface, légère, éphémère, futile: comment la préserver, la conserver sans la consigner dans le formol d'une histoire qui ne l'atteint pas???
"Ainsi, il n'y a pas de bagage, il n'y a pas de voyageur. Il y a le voyage."

Pour Dominique Noguez, le saint patron du danseur est Saint Guy, danse répétitive, imitative, reproductible...
Belle pensée sur la solitude du danseur qui pourtant et fait pour être contagieux et passer la danse de lui à l'autre."Mobilité, musique, dextérité", les trois mamelles de la danse pour cet écrivain philosophe, sont indispensables pour incarner la danse, la rendre visible.Pour lui, la danse est lecture, pas écriture.L'écriture avance, chemine, anticipe, bouge! Elle est pensée du corps par le corps,lisibilité d'une lecture heureuse.
Et "d'une façon ou d'une autre, l'amateur de danse est branché sur les corps. D'une façon ou d'une autre, il bande". Un beau petit livre pour méditer tranquille en allant de l'avant!