Tableau d'Auguste Renoir (1876). Huile sur toile, 131 × 175 cm. Musée d'Orsay, Paris.
D'après le témoignage de Georges Rivière, ami et
modèle occasionnel de Renoir, le tableau fut peint « entièrement sur
place », en 1876, dans une guinguette de Montmartre. Celle-ci tirait son
nom d'un des derniers moulins subsistant sur la Butte où, le dimanche
après-midi, les habitants du quartier et de nombreux peintres se
retrouvaient pour danser. Après que Renoir eut décidé de représenter ce
divertissement populaire, à chaque occasion propice, les amis du peintre
l'aidaient à transporter sa toile depuis son atelier de la rue Cortot.
Minutieusement élaborée à partir de nombreuses études préparatoires et
de deux esquisses d'ensemble, cette composition complexe met en scène de
multiples personnages en mouvement. Parmi ceux-ci, il est possible de
reconnaître l'écrivain Georges Rivière, les peintres Franc-Lamy et
Goeneutte attablés au premier plan, avec les modèles Jeanne et Estelle
autour de verres de grenadine. Parmi les danseurs du second plan, les
peintres Cordey, Gervex, et Pedro Vidal occupé à danser avec Margot,
ainsi que le journaliste Paul Lhote et Pierre-Eugène Lestringuez, un ami
de jeunesse de Renoir.
Pour la première fois, dans cette composition
ambitieuse, Renoir transpose la technique spontanée qu'il a expérimentée
depuis 1874 dans des œuvres de format plus modeste. Se livrant ici à
grande échelle à l'étude des reflets lumineux et des ombres colorées, il
cherche à traduire les effets d'une lumière complexe, tamisée par le
feuillage des acacias, en éclaboussant de taches rondes les canotiers
des danseurs, le front de la danseuse de gauche, la veste noire du
personnage assis de dos au premier plan : filtré par la végétation, le
soleil, détermine des zones d'intensités lumineuse variées, en
particulier sur les visages et les vêtements. Ces effets sont rendus par
des touches juxtaposées, nettement visibles, qui unifient l'ensemble
dans une vaste vibration colorée.
Lors de sa présentation à la troisième exposition du
groupe impressionniste, en 1877, les critiques réfractaires ne
manquèrent pas de tourner cette toile en dérision : celui du Moniteur universel
se demanda comment des danseurs pouvaient évoluer sur « un sol pareil à
ces nuages violacés qui obscurcissent le ciel un soir d'orage ». Mais
le tableau, salué par Émile Zola, fut aussi l'objet de plusieurs
critiques élogieuses, comme celle de Gustave Geffroy, qui devait écrire
en 1883 : « Le Moulin de la Galette est l'un de ces complets résumés
d'observation vitale et d'ambiance lumineuse : griserie de la danse, du
bruit, du soleil, de la poussière d'une fête en plein air - excitation
des visages, laisser-aller des poses -, un rythme où tournent et
s'immobilisent les robes roses, bleu clair, bleu sombre, noires - un
mouvement de la passion, une ombre qui gagne, un feu qui court, le
plaisir et la fatigue -, toutes les pauvres héroïnes de romances aux
fins visages, aux mains expressives, aux attitudes légères envolées, ou
lasses, qui expriment l'espoir, l'ivresse, l'abandon, le farouche
ennui. »
L'exposition du tableau en 1883 et 1892, dans des expositions Renoir
chez Durand-Ruel, confirma son succès, et, lors de son arrivée au musée
du Luxembourg en 1896, avec l'ensemble des toiles léguées à l'État par
le peintre Gustave Caillebotte, il se vit unanimement qualifier de
« chef-d'œuvre ».
Tout au long de sa collaboration avec Régine Chopinot, Jean-Paul
Gaultier aime nourrir cette insolence, rire de l'académisme. Robes
corsets, créations pied-bot, tongs : Gaultier s'amuse de la danse,
indispose les artistes en leur imposant une nouvelle gestuelle. Certes,
le créateur se joue des codes de la danse, mais c'est avant tout le
tutu qui fait l'objet de toutes ses fantaisies : "l'histoire de
Jean-Paul Gaultier avec le tutu va au-delà de la danse. Il l'intègre
dans sa première collection en 1977 et aurait aimé qu'il se porte au
quotidien," rappelle Olivier Saillard. "Avec Régine Chopinot, il le
réinterprète, le coupe dans la masse, le recompose dans des formes
radicales, géométrisées. Il transforme même le tutu en jabot, le fait
porter sous un costume", continue-t-il. Sous l'aiguille de Jean-Paul
Gaultier, le tutu devient indifféremment un attribut d'homme ou de
femme. La danse, la mode, les sexes : tout s'enchevêtre pour donner
naissance à un nouvel univers où la mode et la danse ne font qu'un.