lundi 17 février 2014

La danse de Thierry Mortiaux:groteste et pantagruélique!


Un graveur et la danse décapante des corps non canoniques!
Il se régale à croquer les silhouettes de ceux qui dansent dans des situations invraisemblables, incongrues et pourtant si humaines!Les danses sociales, les gestes du quotidien y rayonnent de joie et de spontanéité, de dynamique aussi.

… Né en 1973 à Namur, romaniste et professeur de français jusqu’en Sibérie, Thierry Mortiaux, à 36 ans, développe un art gravé qui sent le souffre et dégage une puissance d’expression de noble race. Comme si Rabelais avait traversé les siècles pour lui tendre une main amie, Mortiaux grave, à l’eau-forte et à l’aquatinte, cet humour pantagruélique et gargantuesque qui émerveille dès lors qu’il vise haut en couleur…même dans le noir et blanc. Cette grivoiserie pleine de santé, que n’aurait pas renié notre cher Brassens, fait mouche entre gros seins, culs en l’aire et beuveries pour cochons de nuit. Entre gesticulations, nudités sans vergogne, grossesses bourgeoises et canapés salaces, Mortiaux flirte en esprit avec Toulouse-Lautrec, Grosz, Daumier ou Poupeville, rigolards et lucides, l’oeil affûté sur les dérives sociales. Cela tient sans doute de la farce, mais cela tient aussi, davantage, de la sieste plaisante dans un monde qui ne rit plus de rien, sinon du mauvais coup tendu au cousin. Il y a même un « Peintre » qui « voyeute » et peint à cul que veux-tu, et c’est croquignolet. Il y a la sûreté du trait, l’embrouillamini astucieux des rencontres, une faculté innée de jouer entre l’image et ses sous-entendus. On y rencontre Staline, Trotsky et Frida, un violoniste champion du grand écart, des coiffeurs et du bordel. Un art qui grince, trompe, défenestre et rigole énormément.
Dans "Carnibal" et les autres gravures "revue de l'officier" et "violon", ça danse énormément!

Danseurs au repos!



Reflets dans un oeil d'or: Christian Rizzo ouvre nos paupières.


Il est de retour à Pôle Sud pour y présenter un très beau solo de son danseur fétiche!
Né en 1965 à Cannes, Christian Rizzo fait ses débuts artistiques à Toulouse où il monte un groupe de rock et crée une marque de vêtements, avant de se former aux arts plastiques à la villa Arson à Nice et de bifurquer vers la danse de façon inattendue.
Avec Christian Rizzo et son "Sakinan Göze Cop Batar" (c'est l'œil que tu protèges qui sera perforé), c'est aux fondamentaux du chorégraphe-scénographe et plasticien que l'on revient avec bonheur.
Le dispositif est sobre et sur un plot de bois qui va se transformer sempiternellement, est juché un personnage, arpenteur de vie, sac au dos, marcheur apaisé au repos, figé qui nous attend pour démarrer sa route. Tout au long de cette pièce, délicate et fragile, il nous embarque avec lui sur les sentiers de l'espace, des objets qui animent sa pensée. Kerem Gelebek danse, tout simplement, gracieux dans une fluidité et une suspension aérienne.De l'audace, du risque dans cette balade, comme un auto portrait du chorégraphe qui se retrouve avec cet interprète des fétiches de Rizzo.
Poétique et calme, baigné de sérénité, cette pièce est sobre et très évocatrice des multiples chemins que l'on peut emprunter dans la vie Joyeux voyage que cette ode à l'errance et la divagation, aux chemins de Compostelle qui mèneraient où l'on veut, sans foi ni loi mais avec détermination et ravissement.
"Here" y devient "there":ici et ailleurs, sac à dos pour ce danseur nomade, juché sur sa maison de carton!
Quand le danseur change, oblique, se meut, va de compagnie en compagnie dans une salutaire errance....
Ouvrons l’œil et le bon pour suivre cet accomplissement solitaire et collectif à la foi dont nous sommes ici les témoins!

Et pour mémoire, son très beau travail de styliste-plasticien, scénographe avec Daniel Firman et Christian Lacroix: jolis rhizomes!

A Pôle Sud les 19 et 20Février.
www.pole-sud.fr