vendredi 3 octobre 2014

"Buffet froid" et ensemble intercontemporain à Musica

L'orgue, magistral de Saint Pierre Le Jeune a résonné comme jamais hier soir au festival Musica.
Contempler une heure durant ce magnifique buffet d'orgue: "arrêt buffet" et pas froid car la scénographie lumineuse du moment sculptait ses flutes et tuyaux et révélait ce gigantisme, ce côtier altier d'une sculpture pour éléments musicaux: entre vent et percussions, en forme de navire en surplomb, d'aplomb, lumineux!
C'est Vincent Dubois qui s'y attèle, le directeur du conservatoire de Strasbourg, éminent interprète: il se révèle ici magicien d'un monstre qu'il ,ne terrasse ni n'agresse: au contraire tout semble glisser sous ses doigts, celui que l'on ne voit pas mais que l'on devienne à danser devant le buffet!
"Prélude en fugue et si mineur" de Bach pour débuter ce festin: arabesques imitées et développées en une polyphonie dense qui fait montre de toute la maitrise et du raffinement d'écriture du compositeur!
Succèdent en cascade, "Eudes I et II " de Ligeti: scintillement des notes, surprises et rebondissement pour ce clavier, en "harmonies" et "coulée", déferlement de timbres, de couleurs nouvelles, doigté extrême pour l’interprète qui brouille ainsi les pistes de l'écriture! C'est vibrant, résonnant et ascensionnel, libérant la gravité en toutes sortes de gravitations annexes. On déambule, on se fraye un chemin de traverse au delà de l’exécution des notes....Jean Guillou nous offrait une "Toccata opus 9" de 1963,solidement organisée, pleines de faux incidents dramatiques qui gonflent et enflent, contribuant à une atmosphère singulière pour cette "sonata" d'aujourd'hui!
Au tour d'Olivier Messian avec "Les corps glorieux" de 1939: pas une ride à ces corps animés par sept mouvements évoquant la seconde guerre mondiale: "l'ange aux parfums", force et agilité", joie et clarté" y sont évoqués avec grace, épaisseur des textures et gravité de la forme.
Le buffet d'orgue vibre, vit, s'agite et résonne de tout son grand corps, pas malade!
Enfin pour clore ce bain de jouvence musical, l'oeuvre de Thierry Escaich, "Poèmes" de 2002.
Inspiré des "le pays perdu" d'Alain Suied:univers foisonnant et lumineux, empli de résonances d'ailleurs, d'autres temps. Un régal à la source de la composition contemporaine pour orgue, fondée sur l'improvisation.

Ensemble intercontemporain
A l'auditorium de France 3 c'est place à l'ensemble intercontemporain sous la direction de Mathias Pintscher que démarre un feu d'artifice de vents, cordes et percussions: le dispositif scénique est impressionnant dans le volume du plateau-cyclo et "Le réseau des reprises" de Dieter Ammann y trouvait,  un écrin à sa mesure.
Une création mondiale de l'ensemble pour le festival, s'il vous plait!
Et pari tenu et gagné pour créer une atmosphère survoltée, vibrante, mutante.La répétition en est l'axe fondamental, le moteur: variations à l'appui, déroulés non linéaires avec des sauts en arrière, en avant: une véritable chorégraphie de la partition pour instruments multiples: "la verticalité consonante se met en retrait au bénéfice d'un mouvement horizontal": que de la kinésiologie au programme: inventeur du saut à la verticale, Wim Van Dekeybus aurait beaucoup aimé la transposition corps-musique-espace-écriture!
"Noise" de Ondrej Adamek de 2009 affiche ses "masques", "marionnettes" et "mantra" pour évoquer un univers gestuel et théâtral remarquable. Le traité de la marionnette de Kleist semble veiller ur la composition et ses notes d'intention, très convaincantes. Y sourd un univers bigarré, joyeux, alerte, jovial: la vocalité des musiciens y est même convoquée pour incarner et donner souffle et vie aux sutras bouddhistes.
Un joyaux de couleurs venues d'ailleurs avec une fin toute en suspens, silence et brillance étonnante!
""bereshit" de Matthias Pinster lui-même terminait cette prestation prestigieuse et périlleuse de l'ensemble.Un "commencement" de la torah et non commandement pour évoquer un grand flux, un démarrage vers la continuité des sons qui se transforment en mutation pour engendrer un être hybride, multiforme, polymorphe: perle baroque, non identifiée, objet musical à dévorer des yeux aussi tant le jeu de scène, le phrasé physique des interprètes y est à se délecter!
Les corps des interprètes comme instruments eux aussi de la création musicale "en temps réel" et "in situ"!

jeudi 2 octobre 2014

Musica: temps réel et "registre des lumières": édifiant, instructif!

Le concert "La musique en temps réel" fait suite à un important colloque sur le thème eponime.
Philippe Manoury introduisait le programme en exposant l'histoire des nouvelles technologies dans la musique: intrusion de l'électronique où bien vite le compositeur se sent à l'étroit dans les tempos fixes, enrtegistrés et plkaqués sur le vivant.
La technologie numérique et informatique va rende la liberté và "ces maitres du temps" et laisser souplesse, ouverture et création "live" de concert avec l'instrument et la technique.
Au menu "Tesla ou l'effet d'étrangeté" de 2013 signé Julia Blondeau, une pièce en création mondiale, nouvelle version, traite d'espaces à inventer à construire en direct: le violon alto du virtuose Christophe Desjardins en est l'acteur et répond en live aux propositions simultanées de l'électronique. On y brise les cadres, les repères et une singulière atmosphère s'y glisse: spatiale, vaste, large spectre de sons étirés, dérobés à l'interprétation en direct.
"La partita" de Manoury, inspirait la violoniste Hae-Sun Kang, parfaitement guidée par son archet et les échos démultipliés des impacts informatiques.Suivie, précédée par la machine? Engendré par les gestes des interprètes cette "musique en temps réel séduit par son pouvoir d'attirer l'imaginaire, les espaces sonores inédits, les couches et strates géologique d'une musique tectonique en construction.

Enfin, "Métallics" de 1995 de Yan Maresz trouvait une place légitime ici: solo ou duo de trompette par Johann Nardeau y brille de virtuosité, d’ingéniosité: trompette bouchée, aux sons feutrés en "sourdine": plaisirs démultipliés d'une audition, d'une écoute bouleversée par tous les champs d'investigations possible de cette nouvelle musique!
L'IRCAM au centre de ces recherches bien évidemment!


« L’apport des technologies en temps réel au sein de la création musicale contemporaine constitue certainement l’événement le plus important depuis l’avènement des musiques électroniques dans les années 50. D’abord analogiques, les musiques se sont informatisées et les ordinateurs se sont révélés bien plus que de simples nouveaux instruments : des outils conceptuels. Grâce à la vitesse de leurs calculs, ils sont désormais en prise directe avec le temps musical produit par les musiciens au moment du concert. Cela implique de nouveaux paradigmes qui bouleversent et redéfinissent les procédés de composition et de création musicale.
À quoi ressemblent ces nouveaux outils de création ? Sur quoi portent les recherches actuelles et vers quels buts tendent-elles ? Peut-on sérieusement envisager une écriture musicale pour la musique électronique ?  Comment transmettre et assurer une pérennité à un répertoire dans un monde technologique sans cesse en renouvellement ? Quels sont les véritables enjeux esthétiques de cet alliage entre musique et technologies ?
À ces questions, ce colloque – le premier du genre – qui regroupera des acteurs majeurs de la recherche et de la création musicale, tentera d’apporter des réponses. Il cherchera, du moins, à les poser avec pertinence. »

"Registre des lumières"
Suivait la rencontre avec l'ensemble "musikFabrik" SWR Volkalensemble Stuttgart, dirigé par Marcus Creed.
Musiques de Liza Lim avec "Axis mundi" pour basson et de Enno Poppe avec "Haare" pour violon:deux pièces pour solistes qui magnifient interprète et instrument en étroite osmose, en symbiose aléatoire et à la fois très construite avec instrument et informatique!

"Registre des lumières" de Raphael Cendo" 2013 est un monument, un voyage dans le temps, du debut de l'univers à nos jours: la création y est évoquée en flots de tonalités, en masse de couleurs: tsunami de sonorités, justesse des interventions des percussions très originales: ici tout est aussi spectacle, bouleversements, retournements, fractures et mouvement!
On est emporté dans le flux et reflux, inondé, submergé mais sain et sauf, indemnes,sauvé de ce déferlement quasi biblique d'émotions liées à l'émission des sons!Chœurs de chanteurs à l'appui pour une atmosphère unique de cataclysme révolutionnaire!
Toujours aux commandes, l'Ircam et ses "ingénieux ingénieurs" aux talents multiples de refonte du son!

"Noli me tangere": Clara Cornil, "décisive"!

Noli me tangere de Clara cornil

"Porter cette intériorité au milieu du monde" . Tel est le leitmotiv, le sillon creusé par la chorégraphe dans ses dernières pièces. Clara Cornil explore le corps-matière et invite le spectateur à se poser en lui-même. En solo, accompagnée de son fidèle complice Pierre Fruchard à la guitare, elle nous raconte la naissance d’un enfant, d’un parent, d’un être à soi… Par l’écoute qui se déploie du plateau, la finesse dans laquelle les corps travaillent, la place donnée au silence, à la vacuité, à l’interdépendance lente, la simultanéité naturelle, la fugacité ralentie, chacun est invité à ressentir, à plonger en profondeur dans son propre intérieur.
Le solo présenté à Avignon dans le cadre des compagnies sélectionnées par la région champagne ardennes à la caserne des pompiers, est sobre, dépuoillé, prenant.
Le corps de la danseuse est silencieux, vibrant, très présent: chair de ma chair, enfantée, parturiente, voici la femme qui danse devant nous le désir de maternité, le désir de transmette la vie, le mouvement qui flotte, ondulatoire, fascinant de justesse. C'est émouvant, simple, clair et limpide comme l'eau, le liquide où baigne  l'enfant, l'écrin de la matrice qui contient en germe tous les mouvements, tout le possible du développement de l'être.
Et l'on voyage ainsi au coeur de la création, ré-créative aussi, grave dans la pesanteur et l'apesanteur.

Chorégraphe, danseuse, interprète auprès de Bruno Meyssat, Régine Chopinot, Olivia Grandville, Thierry Thieu Niang, Phillip Gehmacher, Clara Cornil traverse ses expériences avec une curiosité aiguisée pour le corps, objet de transformations, médiateur d’écriture, figure, sujet, événement.
 En 2004, elle fonde en Champagne-Ardenne sa propre compagnie « les Décisifs ». Elle construit une écriture en dialogue avec d'autres disciplines artistiques en invitant des collaborateurs au sein de ses créations notamment Catherine Delaunay, Lê Quan Ninh musicien, David Subal et Johann Maheut, chorégraphes, plasticiens, Anne Journo, artiste chorégraphique, Sylvie Garot et Jean Gabriel Valot, créateurs lumière, Mylène Lauzon, poète. Diplômée du Diplôme d’Etat en danse contemporaine et de l'Institut Français de Yoga, Clara Cornil poursuit sa recherche en suivant une formation liant méditation et écoute cellulaire active. Nourris de sa démarche artistique, ses chemins lui permettent de transmettre et de guider au plus prés de la personne et de chaque groupe l’émergence de la créativité en chacun.
 
La pièce en construction: en résidence à Pôle Sud en Mars 2015
Yuj
Depuis ses premières pièces Clara Cornil développe ce qu’elle nomme une «écriture en couches». S‘inspirant des organisations telles que le palimpseste, la sédimentation, la superposition, son écriture creuse les relations de glissements et de superpositions entre les partitions musicales et chorégraphiques. Pour ce projet deux processus de superpositions se croiseront
- les superpositions des partitions spatiales, musicales et chorégraphiques. Pour ce projet elle travaille avec  l’Ensemble]h[iatus, ensemble international de musique contemporaine de la violoncelliste Martine Altenburger et du percussionniste Lê Quan
Ninh.
 
Travaux publics : vendredi 20 mars à 19h à Pôle Sud