Mutée
de Séoul dans un village côtier, la jeune commissaire Young-nam doit
apprendre à s’insérer dans un petit monde qui ne tarde pas à révéler son
insatiable violence. En effet, son attention est attirée par une fille
tout juste adolescente, Dohee, qui est régulièrement battue par sa
grand-mère et son père, deux personnalités vociférantes qui ont élu la
gamine au rang de souffre-douleur. La solitude de Young-nam se révèle
bientôt remplie par la seule consolation des litres d’alcool (du soju)
qu’elle verse dans des bouteilles d’eau minérale, qui laisse le
spectateur penser dans un premier temps qu’elle a un fort besoin de
s’hydrater.
Tuteurs. Dohee
vient une nuit chercher refuge chez la commissaire, le dos couvert de
traces de coups. Passant outre les considérations légales, la policière
décide alors d’héberger la victime pour la protéger de ces tuteurs fous
furieux. Mais la grand-mère est bientôt retrouvée morte dans un accident
de la route, et l’agressivité largement alcoolisée du père redouble
d’intensité.
Ce premier film de la réalisatrice July Jung, avec un
casting de premiers rôles féminins et présenté à Cannes dans la
sélection Un certain regard, décrit, avec un grand sens du détail et un
savoir-faire très sûr dans la montée des émotions, le complexe jeu
d’emprise entre des personnages déboussolés. Le sort des femmes dans une
société dominée par des hommes rustres se prolonge par la description
du traitement réservé, en Corée du Sud, aux travailleurs étrangers
dépossédés de leurs droits. L’immigration illégale pour le compte de
compagnies maritimes est un phénomène social important, notamment en
provenance des Philippines, d’Indonésie et du Pakistan.
Grimaçants.
Enfermé dans un mouchoir de poche territorial où tout le monde se
connaît, s’observe et se juge avec malveillance, le récit
est constamment captivant, porté par un jeu de contraste entre des
personnages dissimulant leur douleur derrière le masque de
l’impassibilité et d’autres constamment explosifs, rouges et grimaçants.
Bien que toujours d’une grande douceur et élégance, le film est chargé à
mort de tous les maux qu’il entend agglomérer selon une certaine
aptitude des productions coréennes à l’exagération.
Le même scénario dans un contexte américain, on tirerait probablement la sonnette d’alarme et pourtant
A Girl at My Door,
même dans ses derniers coups de théâtre frappadingues (la flic
lesbienne, accusée d’avoir abusé de sa protégée et d’autres
transgressions encore en rab) tient le choc.
Le rôle de Young-nam est tenu par la star sud-coréenne Doona Bae, qu’on a pu voir dans
Air Doll, du Japonais Hirokazu Kore-Eda, et dans
Cloud Atlas,
des frères Washowski. Le père monstrueux est interprété avec une
incroyable virulence angoissante par l’excellent Song Sae-byeok, vu dans
Mother, de Bong Joon-ho. Le film est produit par Lee Chang-dong, qui n’a plus rien tourné depuis
Poetry en 2010, déjà une histoire d’abus sexuel et de relations humaines bien tordues.