jeudi 21 mai 2015

"La veillée des Grands Gourmands": pour éradiquer la misère!


Grandeur et misère de ce petit monde rassemblé autour d'un petit camion de street food, autour d'une roulotte de bohémiens
Une gypsie comédie du bonheur pour mieux chanter la misère
Pour la conjurer, l'évacuer, en faire une belle histoire, celle de Monsieur Misère en combat avec la camarde pour une histoire de poire william!
Dans la république du bonheur, les discours vont bon train, les chansons se succèdent, radieuses, réjouissantes et pleines de bon sens
Compositions originales interprétées à la guitare, live, comme ce chant commun et collectif du début de la pièce: dans un camion de victuailles, ambulant, comme un théâtre de guignol.
Nos escogriffes en tout genre, baladins, troubadours de la vie musicale, stationnent ici, le temps d'un bivouac pour libérer leurs soucis, leur fantaisie, leur humanité, leur générosité
A l'image du metteur en scène François Chattot, maître de cérémonie, directeur de dette petite foire du trône où chacun y va de sa gouaille.
La vie de Chattot, à la bonne franquette, vie de bohème!



La compagnie "Service public" c'est du baume, du placebo qui fait du bien qui maintient debout, vainqueur de la misère qui règne sur ce monde ostentatoire de consommation: un forum ouvert où l'on se joue des conventions.Un théâtre ouvert, fraternel, enjoué qui invite au partage.
C'est une prestation médicale non remboursée!
C'est quelques beaux textes révolutionnaires, c'est une barricade de 1848 où Jean Baptiste Clément aurait sa place, comme Victor Hugo avec son "hymne"
C'est aussi une mascarade à la Daumier de nos parlementaires, de nos députés, de nos polis petits chiens (disait de Gaulle) qui régissent ce monde grotesque et absurde du chaos social
C'est un portrait chaleureux d'une tribu solidaire qui prépare à manger pour tous et le distribue dans la chaleur de gestes fraternel
C'est la "valse de Munch" qui crie et voudrait que les oreilles aient des paupières comme les yeux pour les fermer devant la cruauté du monde!
Manque de chance, la misère se répand selon la légende en faisant fi de toute grâce.
"La veillée des grands gourmands" c'est celle des cœurs, des rires, des regards bienveillants, de la verve du verbe chatoyant et gai.C'est le bivouac, la halte, la pause derrière le comptoir du marchand ambulant, semeur de bonnes paroles, colporteur de bienfaits nourriciers.
Une cure de jouvence qui dénonce, désigne et montre du doigt ca qui cloche et va le conjurer pour rêver d'un monde meilleur, d'une bonne soupe, pas populaire, mais respectueuse des bons produits que l'on épluche en famille
A table, François les filles et les garçons!
La mélodie du bonheur
Convivialité qui se prêtre au dispositif de camion itinérant, garré sur scène comme il l'a été au festival du théâtre de rue de Chalons sur Marne
Dans l'Agora, on s'exprime et l'on partage, on déclame et philosophe à la volée, à la volette!,
Et quand la douanière de la bande esquisse un pas de danse, c'est pour semer des pétales de roses rouges, celle de la révolution, de la république en marche ou en marge de notre société
Gourmands de mots et de textes, gloutons de beauté, ils incarnent le théâtre, la scène
Ceux sans qui le monde ne serait pas lumineux: lumières er lucioles que chacun ici porte comme un flambeau , un bon plat de risotto à partager!
9a mijote tout au long du spectacle et l'on déguste la chair des mots et des mets, comme autant d'entremets salvateurs et nourrissant
Le gout des autres et de soi, la chanson de gestes édifiante et fondatrice de l'humain
Beaucoup de tendresse et de poésie ici au "service public" du théâtre de rue, du voyage
Ici "conditionné dans la boite noire de conserve mais qui n'en perd pas un gramme de convivialité!
A u TNS salle Gruber jusqu'au 24 Mai

mercredi 20 mai 2015

"La veillée des grands gourmands": street food dans la boite noire!


Sur le plateau, un camion. Que dégusteront les Grands Gourmands ? Au menu…
Des textes, bien sûr, pour parler de se qui réjouit ou révolte, du monde d’aujourd’hui.
De la musique également, chansons, avec ou sans orchestre (guitare, accordéon, violon, percussion).
Et le festin ne saurait être complet sans la découverte du « plat du chef » cuisiné pendant le spectacle et que les comédiens feront déguster à des spectateurs…
Comme le dit François Chattot : « c’est bel et bien un camion d’alimentation générale pour le corps et l’esprit ».


François Chattot, présent la saison dernière dans Que faire ? (le retour) et Folie Courteline, revient en « metteur de bricolage en scène » comme il se définit lui-même pour nous inviter à entrer dans la cuisine du théâtre. Autour de lui, il a réuni comédiens, chanteurs, musiciens (souvent tout à la fois) pour créer un « cabaret satirique contemporain ». Sur le plateau, trône un camion, d’où s’échappe toute la magie des apparitions d’hier et d’aujourd’hui.
Que dégusteront les Grands Gourmands lors de cette veillée ? Au menu… Des textes, bien sûr, de Louis Aragon, Henri Michaud, Raoul Vaneigem… d’autres inspirés de L’Horreur économique ou La Promesse du pire de Viviane Forrester… le tout pour parler de ce qui réjouit ou révolte, du monde d’aujourd’hui.
Et le festin de cette veillée ne saurait être complet sans la découverte du « plat du chef » cuisiné durant la représentation. Ainsi, pendant le spectacle, les comédiens inviteront des spectateurs à une petite dégustation….


au TNS Espace Gruber jusqu'au 24 Mai à 20H

"Les Limbes": le manipulateur, manipulé !


Et voici Etienne Saglio, compagnie "Monstre(s)", sur la scène, plateau nu, tapis de sol noir: rien de parasite, rien de trop, la sobriété même.
Il est seul, de noir vêtu comme les manipulateurs marionnettistes qui se montrent à vue, sans se faire voir,ou pas vraiment: un manteau rouge au sol, affublé d'un visage greffé sur le tissu à l'endroit de la tête.
Commence alors le mouvement, la vie, après quelques gestes de gêne ou d'hésitation marqués sur son corps, dans ses poches, sur lui-même: il se tâte et finalement revêt cette "doublure" avec laquelle il se jouera d'une gémellité fratricide.
Commence un duo, duel ou combat avec ce double gênant qui va le conduire à un duel Eros contre Tanatos: véritable joute quasi criminelle entre lui et cette figure pas vraiment docile de la marionnette ou du mannequin, flexible, issue de tissu malléable
Ami ou ennemi, vampire ou monstre dévorant notre marionnettiste, submergé de baisers, agressé par une frénétique passion humaine et débordante de la part d'un être inanimé et pas vraiment animé de bonnes intentions!


Le combat cessera dans l'obscurité, le rouge contre le noir, au final conquête du manipulateur sur le manipulé après une lutte acharnée.
Kleist et son "Traité de la marionnette", vainqueur une fois de plus.
Et dans les airs, comme un air de Vivaldi et de Sabbat Mater pour rythmer abusivement le tout.
Un nuage de papier transparent comme du fil alimentaire esquisse une danse aérienne qui se joue de la pesanteur, guidée par notre dompteur d'évanescent, de transparence, d'indicible
Immatérialité des formes qui se tracent dans l'espace, rémanence ludique des mouvements impulsés par l'homme qui vont donner naissance à un hasardeux ballet translucide, comme la méduse de Paul Valéry: ce n'est pas une femme qui danse, mais un spectre, ectoplasme évanescent qui va contre son gré, se jouer des manipulations de son géniteur Gépetto!
Un théâtre d'ombres surdimentionnées succède à cette parade amoureuse, qui se glisse et se dérobe pour mieux laisser le désir et l'érotisme se mêler de ce jeu amoureux.
La caverne de Platon s'anime, une ombre se glisse sur les parois d'une tenture , comme un voile tendu entre rêve et réalité
Attention, danger, menace: qui va disparaître? Eurydice ou son amant Orphée, celui qui se retournera, cédant à la tentation amoureuse du dernier regard?
Un second voile transparent, animé par le souffle des machines cède le pas et réitère les formes en volutes, telles les drapés de Loie Fuller, première sculpture plastique animée par la lumière: en noir et blanc, gris et légèrement sépia, comme dans les premiers essais photographiques sur la fumée de Marey. Tout se dilue, se disperse au vent et danse une petite cérémonie, allégorie du temps qui passe, flotte et plane dans un bel onirisme.
La musique seule vient troubler toutes ces bonnes intentions dramatiques et plastiques: Vivaldi comme un torrent, des cascades de tonalité rabâchées, un flot amer de musique de jets d'eau et feux d’artifice royaux
Les "oreilles n'ont pas de paupières": dommage, car les yeux écarquillés on suivrait bien dans le silence le bruissement des matières, le son du leurre que tous ces fantômes, doublures ou être mi hommes, mi marionnette nous suggèrent de mystère, d’artefact ou de magie
Coupez la musique, Maestro et étonnez nous, enfin d'une présence multiple et belle, souple, féline, prestidigitatrice de l'ombre ou de l'incarnation désincarnée des rêves et autres fantasmes salvateurs.
Limbes muettes, linceuls ou suaires au vestiaire, au seuil de l'imaginaire, vous auriez tout à y gagner!

Au théâtre de Hautepierre, présenté par le TJP et Le Maillon, jusqu'au 22 Mai, 20H 30