samedi 24 septembre 2016

Pierre Henry: voyage! Un "jeune" homme toujours survolté.Inspiré, beau "haut parleur" des poly sons.


Oui, Pierre Henry , toujours jeune, et sans faire semblant, ni jouer à celui qui triche: il perd ou il gagne à toujours inventer, créer, remanier son oeuvre: la magnifier sans jamais "la mettre au gout du jour": elle est d'actualité.
Alors, au Point d'Eau à Ostwald au sein d'un équipement et d'un dispositif tout et flambant neuf, voici deux œuvres exécutées par son discipline et compagnon de route, Thierry Balasse, en son absence regrettée.Le maestro de la musique électroacoustique est pourtant bien là quelque part parmi ce parterre de haut parleurs sur la scène, comme autant de petits soldats près à démarrer leur marche. Ensemlble, en choeur, ode à la joie du créateur et de son âme d'enfant, pas sage.
"Chroniques terriennes" en création mondiale pour cette première partie du concert: une heure durant, c'est une balade bucolique et urbaine, un voyage, les yeux fermés dans des univers foisonnants de sons, de bruits, enregistrés et mixés, déferlant, pour évoquer des univers changeants.
Chants de cigales, roucoulements de colombes ou tourterelles, grenouilles ou crapauds, pluie, averses.....: voici un bestiaire sonore, carnaval des animaux façon Pierre Henry où les couches de musique se juxtaposent, s'empilent, se masquent . Made in Pierre Henry, cette opus, cadeau pour Musica qui a su accueillir à plusieurs reprises ce bidouilleur de sons, muni de colle et de ciseaux pour créer des bandes sonores ininterrompues. Fleuve.Jamais de "bande à part" mais un côté survolté, provocateur pour ce toujours jeune homme orfèvre de l'acoustique inouïe. Les paysages s’enchaînent, la navigation peut continuer pour le public sans naufrage, ni tempête: retour au port d'attache après un périple imaginaire: les haut-parleurs nous observent, nous regardent et distillent sons et frissons, vibrations et tension. Leur présence couvre et enveloppe l'espace, du plateau, aux cintres: plus de 80 instruments sonores, immobiles, sans corps ni âme vivent et font la musique comme autant de peintures, de sculptures résonantes dans la maison de sons et de peintures chimériques
Entracte après ce flot réjouissant de surprises, pour échanger entre auditeurs, les effets de ces empilements musicaux, ces architectures tectoniques, ces divagations sonores labyrinthiques. Au sein du très bel espace du aula du Point d'Eau: une salle à réinvestir!


"Dracula" d'après la Tétralogie de Wagner fera suite à cet opus tout neuf
Une pièce de 2002 qui joue sur les superpositions de bribes d'opéra et d'enregistrements de sons divers et variés, évoquant le tumulte, le danger, les accidents, le quotidien. Mais aussi les personnages qui hantent l'esprit wagnérien: sorcières et démons, remixés, malaxés pour créer une distanciation respectueuse face au démiurge compositeur de fantasmes visionnaires.
Vent, brouillard, nuages, fumées virtuelles pour évoquer Dracula, ses orgies, son tempérament insatiable, sa soif d'ingurgiter les breuvages de vie, de sang et de fureur.Inspiré du film de Fisher "Dracula" et du Nosferatu le vampire" de Murnau, la musique défile comme au cinéma et distille plans, séquences, plongées et contre-plongées dans l'univers onirique de ces deux cinéastes de référence.Films sonores comme les pièces de Pierre Henry. Lui fabrique des images à se construire dans l'imagination que génère la richesse évocatrice des sons. L'auditeur travaille sans cesse à sa propre mise en scène et se fait son cinéma, sur l'écran noir de nos nuits blanches au festival!
Bel ouvrage, sensible, plus "intime" et intérieur, plus ténu, riche en rebondissements multiples Tonnerre, orage et désespoir, mutations et métamorphose hybrides des sons .les cris, les rires, les chants des walkyries, des amazones, des fantômes et esprits malins pour séduire et conduire aux enfers en toute connaissance.
Coupés, ralentis, triturés, les extraits de musique wagnériennes offrent à Pierre Henry, l'occasion de déstructurer, d'émietter, découper une oeuvre fluide et fleuve A l'envi, à foison et dans le plus total des irespects indisciplinaires.

Canaille, "salle gosse" de la musique d'aujourd'hui, Pierre Henry , Pierrot, notre "fou",joue et gagne, se risque à des audaces et sans cesse semble entendre "étonnez moi" ce que Diaghilev murmurait à l'oreille de Jean Cocteau: ainsi naissait "Parade" en 1917 Un siècle plus tard avec Henry, nous ne sommes pas au bout de nos surprises.
Hauts, les beaux parleurs, les bruits, cris et chuchotements fantomatiques d'une musique visuelle, sensuelle qui touche, caresse ou horripile: sensations garanties au pays du vampire légendaire: Dracula et Wagner, pas morts et nous "même pas peur"!

vendredi 23 septembre 2016

"2001 , L'Odysée de l'espace" à Musica: monumental!


En aparté, j"avais 11 ans en 1968 et je décidais de faire l'école buissonnière, hors de mon lycée Jules Ferry, place Clichy à Paris: pour aller voir au fameux Gaumont Palace, un ovni, un monstre, un film nommé "2001 , l'Odysée de l'espace".
Y survivrais-je? Apparemment oui, puisque nous avons largement dépasser la date de péremption: 2016: l’Odyssée du désastre ou du vintage?
Des singes, des guenons, des chevaliers ou guerriers, la fin ou le début du monde?
Ce film culte de Stanley Kubrick, au décor somptueux de technologie, de design précurseur -du Pierre Paulin d’aven-garde)  résonne comme une oeuvre de référence avec ses morceaux de bravoure, dont la musique.
Alors au tour de l'Orchestre Philarmonique de Strasbourg de s'atteler à la "lourde" tache: orchestrer en direct, les parties musicales de références des scènes cultes: on se souvient de "Ainsi parlait Zarathustra" de Richard Strauss et on y associe l'introduction et les premières images du film.
Mais on oublie ou l'on ignore que Ligeti figure au casting avec "Requiem" et "Lux Aeterna", alors qu'au final on retrouve très rassuré, "Le beau Danube bleu" de Johann Strauss fils!
Du direct donc pour l'orchestre qui suit, poursuit ou écoute en regardant les images surréalistes qui déferlent sur l'écran, tendu au dessus de nos têtes dans l'auditorium du Palais de la Musique et des Congrès de Strasbourg.

Ouverture en grandes pompes pour le festival, honoré de la présence de la Ministre de la Culture; Salle archi comble, peuplée de jeunes et de fidèles qui vont se laisser décoiffer et surprendre plus de deux heures durant. Alors, plein de rides ce film emblématique d'une génération, d'un pan d'histoire et humaine et cinématographique? Là n'est pas la question: on se concentrer sur le rapport image et son sur la signification d'une "musique de film", emprunts à des œuvres préexistantes et non cousues mains pour l'occasion.
C'est peut-être cela qui gêne aux entournures, qui entrave la navigation spatiale, libre de ce film à haute teneur en suspens, tension et aussi apesanteur et flottements salvateurs.Monument pesant quelque peu inamovible....
Et Adrian Bravapa de diriger à corps tendu, l'orchestre, galvanisé par des morceaux de bravoure de référence.
Curieuse entrée en matière que cet opus cinématographique pour le festival: oeuvre qui fédère, rassemble, consensuelle: entre modernité et tradition, aspect "populaire" et savant, "2OO1, l'Odysée de l'espace" sera-t-il celui de l'espèce, des espèces ou des genres musicaux nouveaux, émergeants, chefs de file de la programmation du Festival?
Certes, non, mais n'oublions pas d'où nous venons: surement pas de nulle part;et du haut de mes 60 ans je chéris ce qui m'a fait grandir: la musique, partout et nulle part ailleurs!

Musica: soirée électro-choc!


"Jeunes talents, musique acousmatique"
Acoustique? Vous avez-dit "musique acoustique? Alors devant vous dans la salle de la Bourse, réaménagée à l'occasion du festival, de curieux instruments vous regardent: sorte d'oculus, de globes oculaires, haut-parleurs, sorte de pavillon de phonographe: un attirail hétéroclite de toute beauté plastique et quasi cinétique, très vintage.Sculptures sonores qui vont réverbérer le son, en direct façonné et manipulé par les jeunes créateurs du studio d'électroacoustique de la HEAR et du Conservatoire de Strasbourg.
Sous la direction pédagogique du spécialiste en la matière: Tom Mays: un studio-concert de jeunes pousses très prometteuses.
Trois œuvres vont donc dérouler sons et résonances: des pièces courtes, coup de poing pour introduire cette étrange volet de la musique d'aujourd'hui, fille de Pierre Henry.

"Dreaming Expanses" d'Antonio Tules, distille curieusement des bribes de sons variés qui évoquent vrombissements, déglutition, chaos, râles et autres sons de facture très organique: on y digère à sasiété des bruits et couleurs inédits à vous renvoyer dans des univers visionnaires singuliers. Paysages, matières au rendez-vous de cet opus très habile et plein de surprises sonores vibrantes, ronflantes, rondes et charnues.

"Les cheveux ondulés me rappellent la mer de mon pays" de Sergio Nunez Meneses est en fait la dernière phrase audible de cette pièce: murmurée, susurrée au début, peuplée de voix lointaines qui appellent la muse Echo, celle qui disparaît, se désincarne pour n'émettre que du son. Les instruments acoustiques, face à nous, nous interpellent comme des corps dont la vie de chair est absence, mais les résonances, les vibrations bien présentes.Désincarnée, l'oeuvre fait office de flots éparpillés qui chantent, psalmodient, éclatent en de multiples voix: celle d'un discours, celle d'une conversation, des cris et chuchotements, très bande son off cinématographique.
Du bel ouvrage, des "Cris de Paris" contemporains pour une ambiance intimiste ou révoltée.L'eau , l'aquatique, le fluide comme matière d'inspiration où l'on s'immerge à souhait dans un bain de jouvence salvateur.


"Registres" de Loic Leroux, dans la même veine délivre sons et pulsations, spatiales, très oniriques, larges et étirées dans l'atmosphère. Amplitude, réserve, concentration et délivrance des sons, en font un voyage très respiré, très inspiré, au souffle amplifié, magnifié par l'acousmonium.
Déluge, chaos tectonique, source de déflagration et voilà l'univers sonore créé, grave et convaincant.

Au tour du "maître" de s'exposer à l’ouïe pour des sons inouïs: "Presque rien pour Karlax" de Tom Mays
Paysages d'aujourd'hui, sons d'autoroutes en délire, de passages furtifs de sonorités singulières: bruits du quotidien pour amplifier des ambiances reconnaissables, identifiables .Trame sonore riche des sons de Luc Ferrari, remodelés, triturés, manipulés comme de la pâte à modeler le son.
Plastique, visuel, sonore, ce récital, atelier fur une révélation de ce qui se trame et s’enchaîne dans les studios de fabrication, dans la recherche joyeuse et vivante des curiosités de cabinet qui naissent et prennent corps dans les entrailles d'objets singuliers qui diffusent la magie, alchimie du son acoustique en diable.
Il y a du visionnaire dans ce paysage de science friction, fiction du son,si beau à contempler aussi!




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"L’acousmonium est un orchestre de haut-parleurs dispersés dans l’espace et dirigé par un interprète qui projette une œuvre sonore ou musicale dans l’espace de la salle, via une console de diffusion. Il permet de contrôler le positionnement, les mouvements et le comportement du son dans l’espace. Le spectateur est donc immergé dans un univers sonore.
L’acousmonium présenté ici est celui créé en 1974 par le GRM, le Groupe de Recherches Musicales. Cette présentation permet de découvrir l’outil, les particularités de l’écoute et de connaître des musiques acousmatiques qui déploient les sons spatialement.
Des étudiants de Tom Mays diffusent leurs œuvres en création, inspirées par la voix, la ville et l’espace, sur l’acousmonium du GRM.
Compositeur et interprète, Tom Mays a travaillé pour les plus grands instituts et structures de recherche en électroacoustique, de l’Ircam à Radio France en passant par La Muse en Circuit. Jusqu’en 2015, il transmet sa maîtrise de l’informatique appliquée à la musique aux étudiants du Conservatoire National Supérieur de Musique et de Danse de Paris et, depuis 2013, à ceux de l’Académie supérieure de musique de Strasbourg.
Ce Californien n’en est pas moins resté un grand enfant, envisageant la musique électronique et ses nouveaux instruments comme le Karlax – une sorte de clarinette numérique qui permet de retrouver le geste de l’interprète et de modifier le son en temps réel – avec une passion communicative. Pour preuve la nouvelle version de Presque Rien pour Karlax. On est d’autant plus impatient de découvrir les œuvres créées par ses élèves sur l’acousmonium du GRM, un dispositif constitué d’une console et de haut-parleurs diffusant et projetant les sons dans l’espace.
Avec Fractal Expanses, Antonio Tules invite à faire l’expérience d’espaces cloisonnés qui vont s’ouvrir progressivement : une ville délabrée, caractérisée par des impacts résonants, une lande morte, traduite par des nappes houleuses, et une fourmilière transparente, suggérée par un pointillisme chaotique.
Sergio Núñez Meneses propose ensuite de montrer comment la voix peut se transformer en éléments sonores très différents jusqu’à perdre complètement ses caractéristiques originales mais sans disparaître de l’écoute.
Loïc Le Roux tente enfin « de rendre l’espace plus expressif en exploitant une grande palette de registres ».