jeudi 29 septembre 2016

"Concert pour le temps présent": Pierre Henry, Thierry Balasse : acoustique, analogique, numérique et tutti quanti!


Quand Thierry Balasse propose un concert, c'est un événement, feu d'arfice ou musique en fanfare, scénographiée: un coup de poing, pavé dans la marre d'où émergent les plus audacieuses ondes et circonvolutions
"Fanfare et arc en ciel" de Pierre Henry pour l'entrée apéritive, "Fusion A.A.N" de sa propre veine et bien sur, "Messe pour le temps présent" oeuvre culte, béjartienne à l'envi, reprise récemment par le chorégraphe Hervé Robbe à la Biennale de la Danse de Lyon: une histoire avec le mouvement qui ne cesse de hanter cette oeuvre emblématique, de bruits et de fureur électrisante, galvanisante pour des générations de danseurs, hypnotisés par l'audace et l'évidence d'un psyché rock légendaire, un jerk enivrant et qui fait "avancer"toujours, reculer, jamais!
Et le festival Musica vaut bien une messe pour couronner son évocation de la musique électroacoustique qui préside à cette 34 ème édition. Et serait l'occasion de sacrer Jean Dominique Marco, roi de l'audace qui décoiffe public et amateurs de musique d'aujourd'hui, en tout genre!

Une scénographie originale pour un vrai spectacle, théâtre visuel de l'électroacoustique
Les hauts parleurs illuminés comme des guirlandes de lampions, un parterre de pelouse verte, de la moquette blanche et le tour est joué pour l'ouverture de la soirée par "Fanfare et arc en ciel" de Pierre Henry de 2015 pour orchestre et haut parleurs
Musique live, musique enjouée, référencée de musique de génériques de feu d'artifice ou jets d'eau, dans une boutique fantasque à la Ben Vautier.Fête ludique, généreuse, cosmique de fête foraine, éclaboussante, éclatante, heureuse!
Parade de "jour de fête" garantie!
Puis, c'est l'oeuvre de Thierry Balasse à l'honneur ce soir, digne héritier et complice de toujours de Pierre Henry
Les musiciens apparaissent au travers d'un filtre, rideau transparent, en ombres chinoises. Sont-ils bien présents, ceux qui d'habitude habitent la bande son enregistrée et n'ont plus de corps?
Cabinet de curiosité que ce panel d'instruments acousmatiques: consoles, enceintes et surtout ce très beau spatialisateur, trois cerceaux en arceaux pour émettre la musique, du bout des doigts, de la caresse des mains
Chorégraphie vivante des gestes de tous qui dirigent le son de leurs interventions physiques gestuelles.La musique manipulée en direct dans ce grand bazar spectaculaire, animés par les huit bricoleurs, bidouilleurs de sons à l'envi
Un tableau de piano, des consoles d'époque...
Puis, en avant pour "La Messe" annoncée par la voix de Béjart: 50 ans déjà que déferlaient hurlements, cloches, synthétiseurs en folies, larsen affolés.
Voir ceux qui ont façonner cette musique en direct est étrange: leur bande acoustique n'est pas celle que Pierre Henry collait, découpait et là est tout le charme: moulée à la louche comme autrefois avec l'attirail et dispositif quasi d'origine, la pièce résonne, déferle, inonde et fait danser nos souvenirs et pensées.Musique mythique que Thierry Balasse va décryptér après le concert lors d'une rencontre où tout le public de la salle de la Cité de la Musique de Strasbourg reste pour dialoguer et mieux comprendre d'où vient le son et quel son!
Soirée qui jaser sur le parvis, évoquer nos plus intenses souvenirs gravés dans cette "Messe" qui fit réagir et danser toute génération sur ses rythmes fulgurants, ébouriffants, électrisant, survoltés
Eh oui, la musique électro acoustique vaut bien une messe et pas encore un requiem!


Quatuor Diotima: "Sombras": suite de la Monographie d'Alberto Posadas: quand sonne leurre.


C'est "Le livre des leurres" de Cioran qui inspire en 2010, le compositeur espagnol dont le festival Musica présente une rétrospective, introspective.Tentation des ombres, ce spectacle convoque mise en scène et musique pour dévoiler littéralement le sens de l'oeuvre, donnée ici dans son intégralité.
Avec la soprano Sarah Maria Sun et le clarinettiste Carl Rosman
Ombres portée, en portées, emportées
Contrastes, modulations, repli, retenue: le démarrage de la pièce, en trombe, toute de fougue et de glissements progressif du son sur les quatre instruments à cordes.Musique vibrante, en vagues successives. Ceci demande une dextérité, fille de virtuosité étonnante: la musique fait rare, envahit, d'une extrême virulence, obstinée, entêtée, pugnace dans ces retours et rythmes redondants.
Soudain, une voix se fait entendre de derrière les 7 panneaux blanc, agrémentés de lampes de chevet très cosy;voix en écho aux cordes: irruption, intrusion délicate et discrète avec une multitude de variation de son très aigus
La silhouette gracile de la chanteuse, gainée d'une robe à fourreau noire en fait un pilier des anges, support et soutien de la musique, maintien fort et assuré de cet édifice architectonique impénétrable.
Comme un chapiteau, au chœur du quatuor, sa voix, ses "cordes vocales" ajoutent au registre de celles des instruments: cristalline, angevine, pleine de finesse, de délicatesse.
Les graves reprennent le dessus et sa voix avant de s'effacer, de disparaître, tisse de longues tenues suraiguës.
Un solo de violoncelle en contrepoint.La voix se perd, se meurt au profit de la clarinette qui fait une entrée remarquée.Elle lui tient tête encore, la double, ils respirent et jouent ensemble: dialogue, duo; les cordes cessent de pleuvoir; deux anges musiciens troublants, s'exposent: pilier et chapiteau d'une musique savante et virtuose.Saxophone quasi free pour la laisser sortir de scène, telle la muse Echo qui se désincarne
Souffle, vent rugissant, cordes à nouveaux en osmose Et la pièce de se clore sur un univers d'ombres discrètement quittant la scène comme une tribu d'ectoplasmes silencieux, apaisés.
La salle de la Bourse résonne encore quand le public nombreux, ovationne le compositeur, présent, attentif et reconnaissant au groupe Diotima pour cette prestation virtuose: performance qui tient en haleine plus d'une heure durant.


mercredi 28 septembre 2016

Lutherie, instrument préparé pour grand dentelé

photo olivier lelong

Perle séchée, baroque, pliée, plissée: la vie dans les micro-plis
Asséché, le canal, effilés les fuseaux, fibres musculaires tendues
Sirène à queue de poisson à la Léonard de Vinci
Arrêtes de poisson, écorchures d'épine dorsale en saillie, en spirale
Épinglé, le canal inguinal, creusée, la carcasse en caverne, le creux poplité ou l'astragale dévoilée
Tensions bien alignées, ceinture scapulaire bien attachée!
Cordes pincées, veines en confluences comme des lits de fleuves, mineur ou majeur
Le clavecin résonne, sec et métallique
Le "grand droit" se raidit, les clavicules font de petits berceaux comme des coupes qui attendraient le vin ecclésiastique
Dédale ou labyrinthe de tissus tendus, éclairés comme une peau en éventail
Les paupière annelées, le poil ébouriffé,la machoire réceptacle d'oracles
Animal sternocléidomastodien, ange de l'anatomie
Scarabée à la chitine reluisante, corps d'insecte piqué aux cimaises d'un jardin d'entomologue, petites géologies en strates, archéologie du corps vulnérable, petites faiblesses en recoin,
Démesure  subliminale, régence et noblesse de la surface, superficie du monde, lisse et fragile
La peau est un paysage, ourlé de joie et les fils animent la chair offerte de tous leur rebond