samedi 1 octobre 2016

"Phace": musique de chambre, multifaces.


Première prestation au festival pour ce fameux ensemble autrichien pour un programme pétillant, inspiré sous la direction de Joseph Tafton, à l'auditorium de France 3
Un nouveau "Phace" à face à vivre intensément

En compagnie de Fransesco Filidéi pour "Finito ogni gesto" de 2008, oeuvre au son infime qui sourd délicatement de chaque instrument pour créer une étrangeté insoupçonnée, soumise à cette extrême retenue, intime
La virulence prend plus tard le dessus, en contraste tempétueux de percussions affolées de crécelles tourbillonnantes, de tuyaux et autre cuivre étrangement préparé, entubé de plastique.
Rare joyaux de la finesse, du presque rien, à peine audible, tendu à un fil invisible: le son s'étire et se relâche. L'attention et l'écoute fine sont de mise et convoquent une attitude d'empathie extrême avec les musiciens, réunis au creu du cyclo de l'auditorium
Un dispositif original, atirail conséquent d'instruments de percussions étonnantes: plaques de métal et autres surfaces de résonance, curieux instrument à la crémaillère singulière, manipulé avec soin et préciosité
De la dentelle, ajourée comme le marli d'une assiette de porcelaine, la musique de Filidéi enchante, charme, berce ou renverse les conventions

"Assonance1 c Verastellungen" de Michael Jarrell de 2015 succède à cet opus rafiné, dans le même registre:En savante répartition des sons, cordes affinées, ambiance mystérieuse, large, spatiale, ténue Quelques reprises virulences pour agiter l'atmosphère, surprendre et maintenir la tension de cette oeuvre recherchée, stylée.

"Shivers on speed" de Brigitta Muntendorf de 2013: un voyage incongru dans ce concert pour étayer la palette de l'ensemble "Phace", effervescence des sons du piano, de la flûte et du saxo: tonique au rythme scandé, insistant, relevé, l'opus s'agite et s'enfle un peu grandiloquent; des cris poussés par la flûtiste en leitmotiv, un peu agaçant
Et pour conclure en bouquet final,"DW 24 "...loops for Al Jourgensen" de Bernhard Lang de 2014
Un ovni, tambours battants, cris et fureur tectoniques en amuse bouche!
Musique enjouée, remuante: divertissement ou variété, vaudeville dans ce contexte recueilli de concert? Parade de cirque, musique allègre de foire, désordre et déraillement: pas sage tout ce joli vacarme délivré! Tel un chahut, charivari organisé et contrôlé, "indiscipliné" malgré tout et irrévérencieux, le son s'ébranle, contagieux et touche l'auditeur, le secoue, le brutalise quelque peu
ça déraille aussi, gravement, ça s'emballe dans ce grand bazar où le son insiste, redondant.
ça patine, ça recule ou stagne. Les accents jazzy du saxophone, invité pour l'occasion, colorent le tout et l'on se régale à la vue de l'interprète, Michael Krenn: danseur sur demi-pointes, sautillant, en alerte et équilibre-déséquilibre de funambule. Une performance joyeuse et maline, humoristique , pleine d’élan, d’allant,de verve et de tonicité gestuelle.Alerte, doublé d'une bande son aux résonances incongrues, la pièce est cuivrée, essoufflante, asphyxiante mais on en sort la tête hors de l'eau, décoiffé et radieux: que la musique est bonne quand elle renverse et bouscule délibérément, presque provocante et déstabilisante: du bon gout faisons table rase pour savourer d'autres fragrances en curieux bien éduqué par un festival qui dépote, un ensemble qui surprend.


"ElectroA": eRikm récidive pour un concert électroacoustique puissant. La danse de l'établi. Félin pour l'autre.


Musicien improvisateur, compositeur et plasticien, inclassable, iconoclaste bâtisseur d'univers sonores incongrus, inouïs, le revoici sur la scène du festival Musica à la salle de la Bourse, encore bien pleine pour cette fin de soirée, cette ambiance quasi noctambule
A l'établi, seul, devant nous, un homme au travail, aux platines pour forger le son, du feu de ses matériaux sonores, des flammes de son inspiration
Alchimie au programme de cette soirée tardive, onirique et inventive.Un attirail de rêve: curseurs, boutons et autres accessoires indispensables pour habiller, revêtir la musique dans un costume haute couture, sur "mesure": fait main, fait maison! Pour coudre les sons entre eux et en découdre avec une image figée académique de l'électroacoustique. Du neuf, pas du prêt à porter standardisé.
Il triture le son, vrille, se torsionne: il danse sa musique tout en la créant, lui donnant vie
Son corps, a vue se donne et la dépense fait recette à la vue de ce labeur , cet artiste infatigable qui choisit ses sons et bruitages enregistrés sur CD tout blancs, en rangée à ses côtés
Ses complices qu'il va mettre en boite et laisser expulser sons et rumeurs pour jouer des ambiances, des atmosphères multiples.Joli compagnonage en direct, complicité entre musique préparée et sonorités induites en improvisation par l'inspiration du moment
Atmosphère de tarmak, bruissements et décolage d'avion seraient identifiables, voix parsemées sur le fil de l'audition, menée à l'aveugle par celui qui écoute et regarde fasciné: le spectateur-auditeur!
Il y a bien un pilote dans l'avion, aux commandes: le tableau de bord comme pupitre; derrière il parcours un chemin en circulant, gracieux ou brusque, animé de mouvements singuliers, coupés courts, hachés, cinglants, vifs argent
Félin pour l'autre!
Chorégraphe et danseur de l'électroacoustique eRikm n'en fait qu'à sa tête, mains doigts et poignets en extrême tension pour mieux distordre et malaxer le son de ses membres pas fantômes!
Sur son clavier, il touche, dénote, percute et catapulte les sons, s'étire simultanément, se recroqueville, s'élance, ramassé, prêt à bondir comme un félin
De ses pelotes, comme un chat il frôle son instrument acoustique et sur la brèche invente et crée des ambiances ludiques, étranges ou oniriques
On y plonge allègrement dans ce bouillon cette "bouillabaisse" (on baisse le feu quand il bout), cette "ratatouille" (on rate sa touille) divine, emportée par les saveurs du quotidien transcendé par l'alchimie de "ElectroA": oui, on "m", on "adore" eRikm!
Un maître queux aux fourneaux, un forgeron à sa console, un fabricant dans sa toute petite entreprise de grande envergure sonore.Un danseur allumé, illuminé et radieux, enfant pas sage, funambule distingué comme Rimbaud: "j'ai tendu des cordes de clocher à clocher; des guirlandes de fenêtre à fenêtre; des chaines d'or d'étoile à étoile et je danse (les illuminations)
Un indisciplinaire en diable.

vendredi 30 septembre 2016

"Foxtrot Delirium" ciné concert en humour noir et blanc


La Princesse aux Huîtres" 1919 de Ernst Lubitsch, orchestré par Martin Matalon, voilà le programme de ce ciné concert décapant à la Cité de la Musique et de la danse. Aux côtés de Ars Nova ensemble Instrumental, dirigé par Philippe Nahon. Belle initiative que ce temps plus "divertisant", ce film court en quatre parties dont l'histoire truculente, charme et emballe dès la première image
Galerie de portraits des protagonistes, sotte en diable, caricaturale un brin et saugrenue comme le ton  général de cette comédie qui gigote, frénétique et enjouée tout du long
L'intrigue est conduite d'un rythme hystérique, rehaussé par les saccades de la projection des images
Histoire débridée de mariage forcé, satire d'une société industrielle ruinée aux Etats Unis; les héros sont ceux d'une comédie satirique débridée où une scène d'épidémie de fox trott lors du mariage, est un sommet visionnaire: dans les cuisines, tout le monde s’agite frénétiquement, en plongée: un paysage surréaliste de société en délire! Et pour renforcer ces tonalités de montage, découpage, ses plans larges ou serrés, la musique de Matalon, légère, de petites touches ravissantes, la harpe brodant des ornements subtils à cette cavalcade festive, drôle et pleine d'humour!
Soirée décontractée à l'auditorium où les places se font rare tant la popularité du ciné concert devient chose acquise au festival Musica