dimanche 2 octobre 2016

"Jeunes talents, percussion et électroacoustique": atelier-concert à Musica.La baguette magique de Percustra!


Passionnante expérience participative et interactive de terrain que cet atelier, avec la participation d'élèves du collège des Septs Arpents de Souffelweyersheim, du collège Erasme de Hautepierre, suivi par François Papirer. Que des amateurs éclairés, arpenteurs d'aventure  non professionnelle, catapultés dans le monde ultra exigeant de la musique d'aujourd'hui!
Challenge, pari audacieux, expérience salutaire pour se confronter à l'excellence qui n'est pas réservée qu'à l'élite bien pensante Quartiers libres pour public et interprètes inoxydés!
Une création mondiale de Thierry Blondeau "temps libre" ouvre le bal
Un jeune homme rentre en scène, il dessine sur le mur du cyclo, sa musique, balaye du maillet la surface qui résonne, sonore, curieusement: Faire de la musique avec le "mobilier", l'"immobilier", à la recherche de sons nouveaux que chacun peut créer, reproduire et noter dans une écriture que l'école Percustra privilégie
Deux autre protagonistes dissimulés dans la salle se prêtent au même jeu: contagieuse, la découverte !
Puis comme autant de dessins , de calligraphie sonore, se tissent dans l'espace une vaste fresque visuelle et sonore. Dialogue entre grosse caisse, devenue toile tendue et tapis chantant: tout est prétexte à musique, tout est musique.Un petit groupe d'enfants se joint à ces magiciens du son, pour un cercle chamanique, bruissant: merlin l'enchanteur est passé par là. Rituel de percussions élémentaires mais très "proprement" et justement utilisées: ici, on ne triche pas: on fait ce que l'on a apri et surtout ce que l'on sent, qui vient de soi . Belle pédagogie, ouverte et partageuse que cette "école"pour tous.
Sons en cascade, qui s'écroulent comme un château de cartes, hyper synchronisé, instruments touchés du bout des doigts Une bonne écoute collective fait de l'exécution de cette pièce, un petit manifeste de "bonne conduite" inspirée, vécue sans trac apparent par ces jeunes amateurs.Très concentrés, sourires aux lèvres parfois, même lors du très beau crescendo, scansion finale avec intrusion de rythme répétitif. Du bel ouvrage.

Percussions et nouvelles technologies;de l'Atelier et réalisation sonore de  Minh-Tam Nguyen, et Olivier Pfeiffer, nait "H1", une pièce qui démarre par des déplacements dans l'espace d'un quatuor: petite géographie, circuit résonant des pas qui prennent des options musicales: direction, décision, intention: très chorégraphique cette "démarche" solidement accompagnée par un solo de percussion, exécuté par un non moins solide, imposant et charpenté interprète massif qui semble s'éclater littéralement dans ce jeu de corps, de main, frappant sur la peau du monde!
Métamorphose et sublimation du musicien qui transcende son "moi" pour servir la musique.
Introiduction et perturbation d'une bande son enregistrée pour semer le trouble, inventer un jeu gestuel; les cinq interprètes sont convaincants, à l'aise dans leurs évolutions dansantes et percutantes
Après un bref interlude, entremet où les professeurs enseignants et compositeurs exposent la philosophie de Percustra, on termine avec une ouvre de Aurélien Marlon-Gallois "F.A.T.E.2", en création mondiale s'il vous plait!
Quoi de plus valorisant pour tous ceux qui participent à cette expérience pédagogiqie, façonnée dans la durée, la confiance et l'apprivoisement de la musique et de ses "anti-codes"
Electroacoustique au poing pour se familiariser avec les tendances actuelles de la musique en temps réel, plonger dans le concret, se coltiner la création, ses phases d'apprentissage, ses instants bénis du partage en concert, en vrai prestation de haut niveau dans un festival prestigieux
L'ordinateur comme compagnon de console, de table de mixage, ou le simple corps de chacun mis à contribution pour faire sonner et résonner sons et merveilles
Cet après-midi là à l'Auditorium de France 3 le public découvrait l'aisance et la pertinence d'un enseignement fructueux, humain et ouvert à ce siècle nouveau de musique ébouriffante de technicité et autres artefacts.

samedi 1 octobre 2016

"Jeunes talents, académie de composition":les matinales fertiles en "création mondiale"de Musica


Musique de chambre sous la direction pédagogique de Philippe Manoury et Alberto Posadas pour les élèves de l'Académie de composition du festival Musica: une aubaine inestimable pour ces talents, émergents, jeunes pousses prometteuses, boostées par leurs maîtres à composer (et danser!)
Propulser, améliorer, lancer,peaufiner,amplifier accroître et faire décoller les talents: credo de cette rare et plus qu'utile et nécessaire Académie.
Pour ce premier concert de 11 h salle de la Bourse, creuset de bien des événements marquants de ce festival, le quatuor Diotima et la soprano Sarah Maria Sun.

C'est avec "Systema" de Daphné Hejebri que débute ce concert prometteur de découvertes
Virtuosité affirmée dans l'exécution de cet opus, précieux, articulé à la perfection,
D'un instrument à l'autre, le son se répercute dans des aigus virtuoses et vertigineux, les cordes pincées en écho: des contrastes extrêmes, à peine frôlés, ténus, le son mourant au final dans un imperceptible silence.
Seconde pièce de Pedro Berardinelli, "Linear", plus ramassé autour d'une figure par le biais d'une concentration intérieure, toute fabriquée dans une esthétique très contemporaine.
Nerveux, vif, sec, le mouvement démarre, les sons se recouvrent en alternance. Rentrer dans le rythme: un exercice sans filet pour les interprètes en alerte, aux aguets dans une respiration commune comme seule diapason Cela ne pardonne pas et le sans faute est de mise!Sons graves et languissants, plaintes, gémissements, passages brefs: tout se déroule devant nos yeux, défile, le son plus rapide que la faculté de l'audition: on voyage sans arrêt, ni pause, sans halte, ça fuse comme des images déferlantes.
C'est en robe rouge qu’apparaît Sarah Maria Sun pour le "Partita" de Nuno Costa: la vocalité instrumentale traitée comme un instrument à part entière, à égalité.
Emission vocale en chuchotements,, chocs, heurts, réverbération de la voix tenue: toute une gamme très technique est conviée dans ce morceau; halètements, inspirations, comme une météo du geste vocal, un glossaire des capacités multiples des cordes vocales.
Suit "wie die zarten Blüten im Winter" de Francisco Alvarado, un hommage en filiation au nom"Diotima" du groupe et de Luigi Nono, une oeuvre de bruissements organiques, souffle léger et poétique.Effets d'attaque vifs et tranchants des cordes, frottements, "zip" éclairs cinglants, petits frappés discrets en cognées résonnantes. ça fourmille et grouille comme des bûcherons au travail, La matières sonore se concrétise, prend corps.Des sons d'élytres de coléoptères s'invitent et s'inventent sur cet autel à insectes, peuplé de craquements, grincements, bruits de brindilles.
Bienvenue dans ce monde très hospitalier, hôtel à insectes hybrides et fantastiques!
Pour clore cet éventail de créations inédites de très jeunes compositeurs "The Winged Phylax" de Sebastian Androne:la chanteuse, le corps engagé, habité roucoule, émet des sons en roulement, en vrille: chant d'oiseaux animés, émis autant par ses roulements d'épaule, de cou, en suspension sur les quasi pointes des pieds, elle bouge, se meut, ébranlée de picotements, de cordes qui picorent ça et là à l'envi.Tourterelle ou oiseau de paradis, Sarah Maria Sun irradie le chant, exulte et transcende la matière vocale.Puis elle installe sa voix grave dans une quasi mélodie en langue anglaise: la théâtralité peut naître, monodrame où la dramaturgie vocale existe, opère, parlée, chantée.
Elle est habitée, vibrante, le corps émetteur, réactif aux vibrations des autres cordes; des claquements de doigts, du souffle au final pour que s'échappent encore quelques sons, semés à tout vent
Quel vivier riche de créateurs que ce concert édifiant, porté par un ensemble à l'écoute des talents en germe, chrysalides dénouant de très prometteurs papillons!


"Phace": musique de chambre, multifaces.


Première prestation au festival pour ce fameux ensemble autrichien pour un programme pétillant, inspiré sous la direction de Joseph Tafton, à l'auditorium de France 3
Un nouveau "Phace" à face à vivre intensément

En compagnie de Fransesco Filidéi pour "Finito ogni gesto" de 2008, oeuvre au son infime qui sourd délicatement de chaque instrument pour créer une étrangeté insoupçonnée, soumise à cette extrême retenue, intime
La virulence prend plus tard le dessus, en contraste tempétueux de percussions affolées de crécelles tourbillonnantes, de tuyaux et autre cuivre étrangement préparé, entubé de plastique.
Rare joyaux de la finesse, du presque rien, à peine audible, tendu à un fil invisible: le son s'étire et se relâche. L'attention et l'écoute fine sont de mise et convoquent une attitude d'empathie extrême avec les musiciens, réunis au creu du cyclo de l'auditorium
Un dispositif original, atirail conséquent d'instruments de percussions étonnantes: plaques de métal et autres surfaces de résonance, curieux instrument à la crémaillère singulière, manipulé avec soin et préciosité
De la dentelle, ajourée comme le marli d'une assiette de porcelaine, la musique de Filidéi enchante, charme, berce ou renverse les conventions

"Assonance1 c Verastellungen" de Michael Jarrell de 2015 succède à cet opus rafiné, dans le même registre:En savante répartition des sons, cordes affinées, ambiance mystérieuse, large, spatiale, ténue Quelques reprises virulences pour agiter l'atmosphère, surprendre et maintenir la tension de cette oeuvre recherchée, stylée.

"Shivers on speed" de Brigitta Muntendorf de 2013: un voyage incongru dans ce concert pour étayer la palette de l'ensemble "Phace", effervescence des sons du piano, de la flûte et du saxo: tonique au rythme scandé, insistant, relevé, l'opus s'agite et s'enfle un peu grandiloquent; des cris poussés par la flûtiste en leitmotiv, un peu agaçant
Et pour conclure en bouquet final,"DW 24 "...loops for Al Jourgensen" de Bernhard Lang de 2014
Un ovni, tambours battants, cris et fureur tectoniques en amuse bouche!
Musique enjouée, remuante: divertissement ou variété, vaudeville dans ce contexte recueilli de concert? Parade de cirque, musique allègre de foire, désordre et déraillement: pas sage tout ce joli vacarme délivré! Tel un chahut, charivari organisé et contrôlé, "indiscipliné" malgré tout et irrévérencieux, le son s'ébranle, contagieux et touche l'auditeur, le secoue, le brutalise quelque peu
ça déraille aussi, gravement, ça s'emballe dans ce grand bazar où le son insiste, redondant.
ça patine, ça recule ou stagne. Les accents jazzy du saxophone, invité pour l'occasion, colorent le tout et l'on se régale à la vue de l'interprète, Michael Krenn: danseur sur demi-pointes, sautillant, en alerte et équilibre-déséquilibre de funambule. Une performance joyeuse et maline, humoristique , pleine d’élan, d’allant,de verve et de tonicité gestuelle.Alerte, doublé d'une bande son aux résonances incongrues, la pièce est cuivrée, essoufflante, asphyxiante mais on en sort la tête hors de l'eau, décoiffé et radieux: que la musique est bonne quand elle renverse et bouscule délibérément, presque provocante et déstabilisante: du bon gout faisons table rase pour savourer d'autres fragrances en curieux bien éduqué par un festival qui dépote, un ensemble qui surprend.