jeudi 6 octobre 2016

"Ensemble Recherche": musique de chambre, de rêve, en alcove.


Un programme multicolore pour ce concert de l'ensemble Recherche, en chambre, en alcôve, logé au sein de la Salle de La Bourse qui fait toujours recette, fait le plein d'un pactole de moments musicaux, riches, fructueux.Concert inspiré par l'alchimie, la peinture, l'architecture et le rêve!

"Pas à pas" de Philippe Hurel de 2015 invite à regarder résonner un dispositif de percussions cuivrées, suspendues à la potence alors que le piano tout en verve, vigueur, relevés abruptes et rudes dessine un paysage sauvage.La musique semble avancer, progresser dans l'espace, chatoyante, réverbérante, à foison. Un silence et le piano reprend, bruissant, lent créant une ambiance solennelle, pesante; revirement soudain, volte face, persuasion dans les intentions sonores; la musique est alerte, rapide en crescendos réguliers, croissants, surprenants: tout se bouscule en tectonique des plaques, en chaos: Hurel toujours percutant, énergique et secouant!

"Nebaat" de Alberto Posadas en création mondiale repositionne l'ambiance,cordes et clarinettes en majesté.
Des sons ténus pour inaugurer la pièce, lisses, circulaires, gravitationnels: clarté des vibrations infimes des cordes.
La clarinette, comme en éveil délivre d'imperceptibles nuances, sur le fil, sur la brèche. Inouïe originalité des cordes, vertigineuses dans leur montée en puissance incroyable Hallucinante interprétation virtuose, dextérité sont de mise et enchantent pour une amplification démesurée du son Une lente retombée nous ramène, nous apaise, comme des sirènes au loin pour attirer de leurs charmes leur disparition, leur perte dans le lointain Posadas, poète et peintre de la musique!

"Ametsak" de Gabriel Erkorera de 2013 pour cordes, clarinettes et piano fait la part belle à ce dernier: souffle, présence extrême de l'instrument ici en majeur, sons étouffés pour démarrer , perles de notes égrenées sur les touches, graves des clarinettes, , les vibrations inventent des personnages, l'ambiance est menaçante, narrative, le piano, en cascade distille des sons lumineux, étranges, mystérieux: sa puissance est réelle et magnifique.

"L'Amérique" de Hugues Dufour en création française, pour clore la soirée: on assiste à vue à une très complexe reconfiguration du dispositif scénique: d'étranges percussions, de cailloux alignés dans ce grand magasin à la Ben, bazar impressionnant où tout est ajusté au plus précis, chacun à sa place! Impressionnante, la mise en place!
Tout semble au point pour que le piano démarre, en majesté, seul, performant, clavier en alerte. Attaques, puis sons sobres, graves, fluides, quelques heurts et avancées par bonds. Le son feutré, étouffé des percussions succède, la lente intrusion des cordes et clarinettes impacte; les percussions grondent, incroyables instruments atypiques comme de petits animaux grimpés sur les timbales.Déferlement de sonorités entremêlées, tourmente, tornades inconfortables, écho des percussions pour élargir l'espace: son de pluie, percussions animées dans de petites boites colorées, incroyablement sonores, grande batterie résonnante, tout vibre et percute dans une ambiance de dérapage, glissade,descente vertigineuse. La puissance onirique de cet opus, comme une marée de sons en vagues fracassantes, éclabousse, dérange, déplace, déstabilise
Des tintements suraigus, un triangle incisif répond au piano, en dialogue complice. Violoncelle et scie, pour terminer; et toute l'énergie du percussionniste convoquée qui manipule ses boites étranges, comme pour les briser, les achever, les empoigner pour en extraire le meilleur: il les maltraite à l'envi pour clore cette oeuvre vivante, virtuose, virulente



Rodolphe Burger/ Play Kat Onoma: pincez-moi, je rêve! Un hors la loi, sans toit ni loi, bandit corse, Rimbaud ressuscité!


Burger, king of song!
La chevauchée fantastique du king Burger.

Soirée en deux parties à la Cité de la Musique ce soir à Musica: Burger, le retour en fanfare, trombone et trompettes, si attendu, chéri des Strasbourgeois et alsaciens, enfant du pays: bref, on ne présente plus celui qui cet été bordait de sa musique en Avignon, le "Ludwig" de  Madeleine Louam en compagnie de Julien Perraudeau et Loic Touzé et de la compagnie Catalyse.

Bande à part pour notre Burger King à Musica!
"Billy the Kid" I love you", expérience narrative et scénique, avec film, scénario,montage de Loo Hui Phang, conception visuelle Philippe Dupuy et Fanny Michaellis, pour  les dessins et images animées   Vision iconoclaste d'un mythe qui lui ressemble, enfant terrible du Western, habitant déjanté d'un Far West imaginé, décalé, on chevauche la musique à coup d'étrier, sur un étalon emballé, titillé par les éperons aiguisés.Un écran pour trois images simultanées et non des moindres: une sélection très pointue et documentée d'extraits de scènes de western:paysages ubuesques, chevauchées fantastiques de cavaliers poursuivis, visages de malfrats triturés par le vent et les intempéries; saisissants "clichés" de l'histoire du cinéma américain, pour évoquer ce héros, image, icone de l'enfance rêvée du chanteur.
Deux graphistes vont s'attacher à mettre du trait de crayon sur ces bandes affolantes de références, en noir et blanc: en direct, de leur établi d'artisan dessinateur, ils bordent ces images, inventent de petits personnages, tracent signes et courbes, arabesques ou animaux fantastiques alors que les musiciens racontent une histoire!Un très beau texte sur les aventures de Billy, the Kid signé de la scénariste, évoque un héros attachant, à la voix charmeuse, suave, Rimbaud du Far West, romantique personnage plongé dans des pérégrinations dangereuses, toujours sur le qui vive.
On l'aime aussi, ce fragile trublion, évoqué par Rodolphe Burger, sampler, guitare au poing, à la voix qui berce, enjôle, cajole.Force naturelle de la scène, il est accompagné par son fidèle complice, Philippe Poirier, à la guitare et, au piano, l'incontournable homme au costume cravate, Julien Perraudeau Un spectacle multi média original, une façon unique de positionner un récit d'images animées, de calligraphie en direct, de musique aux tonalités nostalgiques, des voix et un texte fort séduisant: expérience à la "Burger", rebelle facteur de sons et d'atmosphères, trublion de la scène internationale, avide de nouveautés et d'écritures extraordinaires.Les confessions d'un héros mythique sont l'objet d'une empathie avec ces charismatiques interprètes, une heure durant immergés dans cette chevauchée fantastique, imagées, fructueuse et généreuse: oui Billy, on l'aime!



"Play Kat Onoma"
Burger, Poirier: guitare, voix, sampler: tout pour "sampler", dernière bande à part d'une musique rock qui fait son cinéma à la Godard, donne de ses nouvelles à la Cadiot, défie les lois et la pesanteur de sa voix rock, cailleuse et sensuelle!
Un concert qui réunit la sagrada familia, et de plus à la batterie Roméo Burger qui est tombé dans la musique quand il était petit!
Et nous de voyager à nouveau dans les tendres ou virulents univers de Burger, si évocateurs d'ambiances relâchées, communes, partageuses.Il chante, il joue de sa carrure athlétique, en bonne compagnie pour une prestation qui émeut, touche et met en éveil des souvenirs autant que des découvertes
C'est bien ici, "dans la vallée" que se fabrique cette écriture singulière aux sonorités désormais familières
Ce soir là, salle comble et ovations pour cet enfant du pays, kid ou caïd de la musique nouvelle!

mercredi 5 octobre 2016

Diners insolites du Patrimoine: un label de qualité! Fève philosophale de Thierry Mulhaupt en majesté en gare de Strasbourg

Quoi de plus naturel en somme que de partager un repas en amoureux ou entre amis au sein d'un endroit "insolite", non conventionnel pour accueillir un grand chef et ses recettes en osmose avec le lieu....Le Patrimoine se délivre, se déchaîne pour se faire découvrir par les plus curieux: monuments de la gastronomie à l'intérieur de ces écrins incongrus et non des moindres "Les Grands Chefs Étoilés d'Alsace et comme marraines "Les diVINes" d'Alsace: comme au firmament céleste d'un ciel étoilé;
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 La fève du samedi soir
Nous voici ce soir là en Gare à la Direction Départementale SNCF de Strasbourg, aux côtés, oh, surprise d'un "pâtissier": Thierry Mulhaupt pour relever le défi d'une soirée surprise (Le Crocodile était annoncé et pour des raisons obscures non dévoilées au public et clients,fit faux bon ou se fit la malle à la  belle étoile!


Alors pour un "pâtissier" se transformer en restaurateur,le temps d'un restaurant éphémère, rien de plus excitant et ce faiseur de pâtés, de petits salés (étymologie de pâtissier) , traiteur et génial organisateur de buffet ou réception, va devoir faire fort! Relever un défi avec son chef et sa brigade!
Une aubaine, une bonne étoile, un éclair de génie pour rester "chocolat" ou baba!
Gare aux aiguillages, aux passages à niveaux et autres signaux de bonne conduite ferroviaire!
Après une visite guide de la Gare de Strasbourg, agrémentée d'anecdotes croustillantes et de découvertes alléchantes, place au dîner dans le cadre prestigieux des locaux de la direction SNCF, boulevard Wilson à Strasbourg: montée d'escalier prestigieuse, balcons, cursives et mezzanines pour accueillir environ 80 convives, en couples ou tablées d'amis.
On va se faire plaisir, se laisser surprendre par une symphonie "tout chocolat" comme Thierry Mulhaupt en a seul le secret.
Amuse bouche et bière au chocolat en apéritif pour patienter à quai
"Thon snacké à la semoule de cacao du Vanuatu, salade de lentille et sauce Laurent" pour commencer le voyage de cet Orient Express, train nommé désir où l'on embarque désorienté!
Fine cuisine, al dente, surprenante pour les papilles aiguisées par les goûts et saveurs délicats du thon redécouvert, moelleux, sauvage en bouche Lentilles sublimées, croquantes, caviar du pauvre du Velay, bienvenu au pays du Grand Est ! Avec un riesling bien pétrolé Ortel 2013 de la divine viticultrice du domaine Stentz -Buecher de Wettolsheim qui régalera tout le repas
Un petit break musical en compagnie d'un ensemble musical de choix:Jam for Joy, aguerri à une musique d'ambiance de qualité, fusionnant avec mets et vin, discrètement, joyeusement: belle improvisation surprise sur le jingle de la SNCF, façon Coltrane: et si l'on dansait aussi renouant avec les entremets dansés des banquets du Moyen Age? La tentation est grande et l'espace s'y prête!
Saxo, piano, contrebasse au menu!
On enchaîne, impatient avec un "Dos de chevreuil, sauce gibier au chocolat Abiano Afrique 85%, purée de panais à la vanille, poêlée de girolles et chutnay de mûre"!
Du bel ouvrage fondant pour le gibier délicieux en cube saignant, auréolé de champignons des bois et fruits presque confis: sauvage et bon, dompté et dociles fragrances en bouche, accompagné d'un pinot noir, barrique 2011, charpenté à souhait.
Un trou alsacien, bonbon chocolat au foie gras d'oie enrobé de chocolat Téobora 61% à retomber en enfance, en contemplant le ballet des petites fées qui servent tous ces mets, dévalant l'escalier, sourires au lèvres, empressées, efficaces et très "sportives"!
Encore un morceau de "comté 36 mois, beurre au café du Brésil et sauce chocolat Brésil 62%" pour continuer ce voyage à bon train, plein d'entrain et de plaisirs partagés en compagnie d'un pinot blanc Vieilles Vignes, Barrique 2013
On jette un coup d’œil aux cuisines improvisées, véritable attirail, batterie et piano de fortune fort bien organisé et aux taches savamment distribuées: le coup de feu semble terminé et l'on passe au moment tant attendu: le dessert!Dressage des plats bien alignés, en rang serrés: un vrai ballet organisé;
En deux temps, en trois temps comme une valse endiablée:
Secret de chef que cette "tarte au chocolat Madagascar, framboises tardives au vinaigre basalmique, que ce "brownie au chocolat avec des morceaux de noix de cajou grillées, croustillant feuilleté au chocolat, crémeux chocolat et mousse au chocolat Vanuata 68 %."...
Un panel du savoir faire du pâtissier, un extrait de sa collection haute couture de gâteaux qui se regarderaient bien aussi en défilé!
On se quitte sur une touche "couleur café" et l'on retourne à quai après un périple gastronomique, léger, inventif, emporté par des saveurs et fragrances d'ailleurs, de pays proches ou lointains!
Et si Thierry Mulhaupt ouvrait sa maison à des convives, comme ces repas d'exception partagés chez des grands chefs étoilés, lui qui aime tant faire la cuisine pour ses amis et accueillir, partager "le pain" de cérémonie, cum panis, credo d'un maître au piano, à la table de mixage des produits de choix et matières premières qui sonnent aussi aux oreilles, aux yeux de celui qui pose un regard d’esthète sur le travail d'orfèvre de ce bijoutier, orpailleur du gout?
Peintre de la cuisine, merlin l'enchanteur de la gourmandise et si on lui dédicaçait ceci: "la gourmandise n'est pas un défaut, c'est ce que tous les gourmands disent"!
Longue vie aux repas insolites, ici sur la "bonne voie du rail" pour enchanter ces boites de conserve à la Wahrol, parrain iconique de la manifestation: de l'audace, du culot pour cette cuisine frappée d'inventivité, cette initiative de caractère, stylée, sélectionnée au plus haut d'une pièce montée!