mercredi 27 septembre 2017

"Faust's Box : Andréa Liberovici magnifie Helga Davis en Gospel Girl sidérante !


Helga Davis, que l’on a vue notamment dans l’un des deux rôles principaux de Einstein on the Beach, est Faust, ni homme ni femme, ni jeune ni vieux, face à son double dans un miroir. L’électronique, la vidéo et la partition d’Andrea Liberovici font écho à sa voix pour un voyage faustien dont le narrateur-fantôme n’est autre que Bob Wilson, enregistré.
Le livret de cet "opéra", opus singulier, n'est pas toujours très linéaire, mais peu importe: c'est le visuel, la musique et le jeu de l'actrice chanteuse androgyne, les images qui vont l'emporter.

Faust est seul, enfermé dans une boîte. Il a été déjà été damné et il est en fuite. Non plus vers un monde extérieur, mais en lui-même. Il ne cherche plus rien, sinon retrouver sa voix. S’ouvre alors un dialogue entre lui (la magnifique Helga Davis) et son ombre (la voix enregistrée de Robert Wilson). Sur le plateau, une chanteuse et 7 musiciens interprètent une partition à la croisée des esthétiques, démultipliant les espaces grâce à l’électronique et ouvrant la voie à de véritables illusions sonores. Un gigantesque miroir occupe le milieu de scène, reflet de cet univers et de ce destin multiple: réfléchir la vie en double d'un personnage, loin des Méphisto traditionnels, voici sa fonction. Démultiplier ces splendides images vidéos qui se greffent sur cet écran de glace ou l'héroine joue et gagne sa voix, chaude et velouté, emplie d'accents de gospel qui enchantent une mélodie naissante.
Andrea Liberovici signe une oeuvre très originale pour voix, corps, narrateur, instruments, électronique, ombres en mouvement, mots et un miroir. Musique, vidéo et dispositif  électronique s’entremêlent pour ne faire qu’un seul et même langage, nouveau et profondément expressif.
L'ensemble Ars Nova sous la direction de Philippe Nahon, mène de main de maître cet opus où se mêlent humour, sons enchanteurs, bruits de percussions empruntés à des objets vernaculaires. C'est drôle et enjoué, sombre ou grave évocation d'un destin bigarré; les lumières et vidéo de Jérôme Deschamps en contrepoint pour agrémenter une esthétique du spectacle total, vivant, animé des corps présents et des sons virtuels enregistrés, des voix off qui surréalistent le tout!
Au Point d'Eau ce soir là, le Festiaval Musica jetait l'ancre et ce bivouac spectaculaire prouvait encore que la musique d'aujourd'hui sait faire naître émotions, narrastion et histoire abracadabrantesque pour le meilleur d'un genre toujours à fouiller: le spectacle musical !

Solistes de l'Ensemble Intercontemporain : choc sismique !



Le premier des trois concerts donnés cette année à Musica par l’Ensemble intercontemporain met en avant trois des trente-et-un interprètes qui le composent. 
Tous trois incarnent la fine fleur des nouvelles générations d’instrumentistes : né en 1979 (la même année que le percussionniste Samuel Favre), le contrebassiste Nicolas Crosse a rejoint l’EIC en 2012, en même temps que le percussionniste Victor Hanna (lui-même né en 1988). 
À travers un répertoire d’œuvres récentes et assistés d’un réalisateur en informatique musicale de l’Ircam, ils révélent, en solo ou en ensemble, la foisonnante variété des écritures que peuvent susciter leurs instruments singuliers.
"Fell" de Enno Poppe, une oeuvre pour batterie solo, est une gageure de virtuosité, de dextérité pour percussions; seul face à son "laboratoire" percussif, Samuel Favre fait preuve d'une concentration éprouvante, d'une maîtrise exceptionnelle: résultat: l'émotion gagne, le suspens monte en apnée et l'on tressaille et vibre, respire, de concert.La peau, de poils hérissée, frissonne devant ce "drumset" singulier, ce morceau palpitant, surprenant aux directions multiples.
Accélérations, espace très resserré en huit clos, tout concourt dans cette "solitude" de funambule à créer un univers de danger, sur la corde raide!
"Métathèse" de Tolga Tüzün, succède à cette prestation unique: un solo pour deux contrebasses et électronique en live, se révèle un laboratoire de dissection musicale sidérant: à la verticale, l'interprète Nicolas Crosse s'empare de l'instrument, debout, droit et rigide, alors qu'il fait vibrer à l'horizontale, une autre contrebasse, couchée, dont il joue avec son archet. Sculpture animée de sons, décortiquée comme un cadavre en salle de dissection. Il se joue de cette carcasse, boucher, tranchant et découpant rythmes et sonorités.En chirurgien du son, il découpe les morceaux de tonalités sur son étal, table d'opération éprouvante. Les images qui en surgissent sont médusantes et la dernière plainte électroacoustique de cet animal animé, agonisant semble surgir d'un abattoir.Visil unique et singulière, rehaussée par le physique, crâne rasé de Nicolas Crosse, homme, alchimiste énigmatique et sans état d'âme.
Belle pièce à découper dans cette antre du crime musical.
"CODEC ERROR" de Alexander Schubert sera dans la même veine, sanglante, éclaboussante de lumières stroboscopiques. Trois personnages, figures de science fiction, créatures bizarres incarnent une atmosphère très tectonique d'apocalypse naissant. Lumières pâles, blanches pour cet univers décalé, chemin de percussions disséminées comme un parc de sculptures trouvées, ready made à la Duchamp pour une musique tonitruante, envahissante à souhait Submergé par les vrombissements de l'électronique, forte présence sonore, le spectateur est immergé dans cet univers très BD du troisième type. Les gestes robotiques, les démarches tétaniques ou au ralenti, opèrent pour une dynamique très chorégraphique. Mise en scène d'un déluge annoncé, tremblant de secousses sismiques, choc électroacoustique pour électrocution fatale!
C'est de toute beauté plastique Energie du fantastique, du mouvement dans l'espace sonore, voici une oeuvre d'un genre non identifiable qui surprend et titille, énerve et horripile: tout ce qu'on aime à découvrir à Musica, ce soir là au TNS: lieu connoté spectacle, et pour cause, le génie de la régie lumière, et le plateau vibrent et percutent au passage de ces Zoros du son, figures fantastiques à souhait.Salves et déflagrations au menu, clichés photographiques en schootings réguliers: Métropolis et son expressionniste ne sont pas loin et veillent au grain de sable de cette machinerie infernale.
Du grand spectacle en "petite forme" mais gigantesque réalisation!


mardi 26 septembre 2017

Flamands osent !