mardi 13 mars 2018

"inaudible" de Thomas Hauert : la mélodie du bonheur, la gaieté lyrique !


"Mais qu’est-ce donc qui ne peut s’entendre ? Les remarquables complices artistiques de Thomas Hauert nous invitent à découvrir cet « Inaudible » sur scène. Une chorégraphie tonique qui fait la part belle aux couleurs et à la jubilation de l’interprétation, qu’elle soit musicale ou dansée. 
Passés maîtres dans la relation musique et danse, les interprètes de la compagnie ZOO n’ont jamais cessé d’investir gestes, mouvements et partitions musicales avec ce talentueux besoin d’inventer et de partager la jubilation du corps dansant. Quant aux chorégraphies de Thomas Hauert, composées entre écriture et imprévu, elles s’ajustent à une écoute subtile des musiques pressenties pour chaque création. Spécialement créée pour six danseurs et deux partitions musicales, le Concerto en fa de George Gershwin et Ludus de Morte Regis du compositeur contemporain Mauro Lanza, Inaudible, se confronte à une nouvelle approche : renverser le principe cinématographique du mickeymousing – cette manière de surligner par la musique chaque mouvement physique de l'action à grands renforts d'effets de bruitages – afin de laisser les corps suivre la musique au plus près." I.F.
En prologue, une sculpture de corps, mouvante s'offre au regard. La musique plutôt comique et enjouée donne le ton: la mêlée est belle et promet le meilleur. Fondu au noir comme au cinéma et c'est Greshwin qui prend le relais et ne cédera plus sa place avec le "Piano Concerto en Fa Allegro": par extrais, on en suit les aventures, les tectoniques et la jovialité comme dans une bonne comédie musicale: gaieté lyrique et mélodie du bonheur pour ces six danseurs qui modèlent l'espace, chacun dans sa gestuelle, sa morphologie, son âge. Interruptions, reprises, petites démonstrations de savoir faire pour chacun: gestuelle enroulée, segmentée: chacun semble y incarner un bout de phrase pour une syntaxe syncopée, ponctuée curieusement de multiples signes: interrogation, parenthèse, exclamation...
C'est aussi la parade carnavalesque, costumes seyants de cirque, de présentation ludique des corps dans une danse, tout style confondu.Quelques arrêts sur image et tout reprend. Un beau solo burlesque d'un homme en costume de parade sur une musique de film, avec aisance, désinvolture et nonchalance. On est dans des univers familiers de comédie musicale, de cartoons et ça fait du bien !
Le danseur se cherche dans une mécanique incroyable dans sa combinaison de fête et ça fonctionne bien.Comédie de la vie de groupe, gaieté contagieuse, jovialité d'une musique "gonflée" à bloc, emphatique et parfois grandiloquente. Mais n'est pas GershWin qui veut.Les images défilent comme au cinéma, les corps jubilent et se perdent dans la dépense, l'effort, la danse endiablée.Le souffle est repris après cette performance, dans le silence, le calme revient: les entrelacs savants de corps en fusion, jambes dressées, enlacées, enchevêtrées.Donner à voir la musique de façon débridée, en tous sens, lasse cependant et fait place à des répétitions et reprises parfois inutiles. Au final, encore une belle sculpture mouvante sur les sons inouis de Mauro Lanza, sorte de zoo musical fabuleux, comique et évocateur de joie.Maillage des membres de chacun, jeu de légo en pièces détachées comme des jouets savants qui bougent, roulent, s'exposent.
"inaudible": symphonie jubilatoire pour danseurs épris de musicalité, partageux, désireux de plaire et heureux de composer avec une partition joyeuse, simple, "populaire".

A Pôle Sud le 13 MARS

lundi 12 mars 2018

"NOVA- Oratorio": la vie dans les plis d'un mouchoir de poche, en tissu de corps.


Dans le cadre de L'Autre Saison - Un projet de et avec Claire ingrid Cottanceau et Olivier Mellano 

- D’après des extraits de Par les villages de Peter Handke. Claire ingrid Cottanceau, artiste plasticienne et actrice, Olivier Mellano, compositeur et interprète, se réunissent pour composer un objet dans une forme à la lisière du concert et de la performance. Passionnés l’un et l’autre depuis longtemps par la parole de Nova dans Par les villages, ils décident de lui donner vie dans ce projet tant plastique que musical : un cri d’espoir, la transfiguration d'un regard lucide sur le monde à la fois célébration vitale et aspiration spirituelle. Un chœur d'anciens est constitué dans chaque ville et accompagnera le projet. Il sera l'espace de résonance du poème et prolongera ses fulgurances à la lumière de la vieillesse.
Une femme nous regarde: longs cheveux blancs, pieds nus, en nuisette noire: elle porte le temps sur ses épaules et nous questionne de son regard direct et franc. Belle et sereine. D'autres personnes âgées vont se joindre à elle, entrant en scène, marchant, chacun à sa façon, sans jeu ni artifice, à la façon de danseurs de la vie.Des chaises rangées les accueillent comme support de leurs corps tranquilles; ils se masquent chacun d'un mouchoir en tissu blanc: le tableau est saisissant. Autant de petits linceuls, de protection; la nuque renversée, ils s'exposent, aveugles.
Puis, c'est un tsunami violent de bruit et de fureur qui s'abat, de sons ravageurs étourdissants qui nous fait entrer dans la danse.Déflagration et ouragan de lumières: le voyage sidéral a commencé: voyage ou balade poétique dans le temps Une femme montée sur ses talons hauts, trace une diagonale de lumière, ses pieds la guidant dans cet univers noir, sombre, à peine dissimulé par la lumière sur les corps des figurants de cet acte premier.
Formant un chœur ancestral, berceau du théâtre, de la tragédie et de l'écriture choré-graphique, ils forment un groupe uni par la vie, les traces et signes de leur existence sur leurs physionomies: "Berceaux" de Gabriel Fauré qui entame d'ailleurs le spectacle, chanté de façon incertaine par une voix tremblante.
C'est beau et touchant. Encore un mouchoir pour étendre son visage à terre ou le sortir froissé de sa poche: un accessoire de tissu, objet intime, tout près du corps. La scénographie se borde de la mise en corps sensible de Thierry Thieu Niang, l'as des chœurs et des groupes d'amateurs, jeunes ou vieux, avides de mouvement, de sincérité, sans maladresse ni flagornerie. Chœur comme une respiration commune qui se fond dans les texte musical, poumon qui se remplit et se vise au rythme de la performance. Chœur changeant selon les géographies de résidence : 25 être de chair dans une compagnie éphémère, "cun panis" de la création, pain que l'on partage "in situ". Avec les ingrédients locaux de proximité partagée ! Battements de cœur commun qui enveloppe l'espace, le borde comme dans un amphithéâtre .
Le texte file droit et nous entraîne dans une musicalité profonde, dressée par les touches de la guitare omniprésente qui hante la pièce.Le mouvement s'amplifie, déborde des marges et le chœur se fait précieux, enrobant les paroles, révélant les accents des mots, le phrasé du texte. Quelques petits gestes singuliers à la clef pour chacun des danseurs, une touche d'humanité, sobre, simple, mesurée.
Et le tout fonctionne dans l'harmonie, la tendresse, la poésie de Handke, servie ici par des diagonales, des espaces qui se croisent. Chacun transportant le sien, comme seul bagage.
Au final, la rangée de personnes âgées nous regarde puis ferme les yeux.
Rideaux: les oreilles n'ont pas de paupières....

Le long du Quai, les grands vaisseaux,
Que la houle incline en silence,
Ne prennent pas garde aux berceaux,
Que la main des femmes balance.
Mais viendra le jour des adieux,
Car il faut que les femmes pleurent,
Et que les hommes curieux
Tentent les horizons qui leurrent!
Et ce jour-là les grands vaisseaux,
Fuyant le port qui diminue,
Sentent leur masse retenue
Par l'âme des lointains berceaux.


Au TNS salle Gruber les 12 et 13 Mars 20H

samedi 10 mars 2018

"Un manuel de chorégraphe"

Avec minutie et un certain humour, Un manuel de chorégraphe retrace la fabrication d'un spectacle de danse jusqu'à sa présentation publique. Par où commencer ? Comment choisir les matériaux et les agencer ? Suivre ses habitudes, respecter les règles ou pas ? Comment subvenir à ses besoins, gérer les collaborations, les contraintes du marché ? Danser et/ou chorégraphier ? Partant de son parcours artistique personnel, Jonathan Burrows, chorégraphe, danseur et pédagogue anglais, propose une série de partitions et d'observations à méditer ou à mettre en pratique, invitant les lecteurs à considérer avant tout leurs propres choix. Un manuel de chorégraphe est un carnet pédagogique d'une grande actualité, mais surtout un livre de questions et, finalement, une oeuvre de littérature. Elle accompagne les danseurs et les chorégraphes, à l'aube d'un projet naissant, dans l'urgence d'une prise de position ou dans la perspective d'une vente de spectacle. Elle révèle la richesse et la subtilité de l'art chorégraphique, source d'inspiration pour toutes formes artistiques. Aux passionnés de réflexion philosophique, elle offre un remarquable outil de questionnement de l'existence.