jeudi 19 juillet 2018

Jolie moisson au festival d'Avignon Off ! Deux perles pour un collier !

Sur le chemin de l'âne, deux belles rencontres !


"Main basse sur Baladar" de la compagnie  Le Projecteur H

Orpailleurs dans le pré vert !
Un duo ressuscité, ravissant: Prévert et André François dont l'exposition récente au centre de l'illustration Tomi Ungerer à Strasbourg nous avait ravis!
Deux artistes férus d'humour et de fantaisie, de perfection aussi et de rigueur dans l'écriture et l'illustration, pour un conte imagé, animé autour de la verve littéraire et l'imagination de l'auteur de "Paroles" ou autres "Chantefables".....Inventaire ou autres vire-langues fameux, calembours mémorables.Les croquis et dessins de François, imagés, en écho et complicité du texte raconté en direct par la comédienne, à la chaude voix enrobante, s'avèrent d'une justesse, d'un graphisme mouvant, évocateur du texte: indiscipliné, politiquement incorrect. Ici sur Baladar la cupidité, le pouvoir et l’égoïsme des bâtisseurs d'empire règnent; sur cette petite île qui ne demandait rien à personne, sinon de tout faire soi-même, en circuit court, en orpailleur désintéressé, pays de cocagne déstabilisé par une horde de  prétentieux promoteurs sans vergogne, ni gêne !
Le travail de la compagnie Le Projecteur H est beau, précis et inspiré, juste et à la démesure des enjeux! Deux monstres s'y affrontent et voilà que Sylvie Hamelin "enchante" et conte Prévert, chaleureusement, tandis que Tristan Hamelin-Foulon s’attelle joyeusement à la console pour "consoler" de musique notre petite île bien chamboulée!
Un rêve éveillé, bien de notre temps où les gens du Grand Continent semblent hélas avoir encore un bel avenir! Mais, résistons ou soulevons nous avec eux dans l'enthousiasme d'un avenir meilleur !

Au Grand Pavois à 13H 30


"Les Années Folles" de Anne Cadilhac, mise en scène Sandrine Montcoudiol

Au bonheur des dames
Une conférencière pour mieux vous allumer sur ces "années folles" et non "la belle époque", son vassal féminin: secouer bien et vous aurez le plus inventif des exposés subversifs sue cette période si contreversée de notre histoire "nationale". On rit, on danse, on chante pour panset les plaies de la grande guerre: ici, on pense aussi à la verve musicale et intellectuelle de l'époque et les deucx chanteuses comédiennes y vont de leur corps, de leur coeur et de leur recherches musicales pour brosser un panorama-portrait hallucinant de cette fumeuse période! Un abécédaire à la Deleuze pour mieux vous éconduire dans l'ordre indisciplinaire des choses, vraies ! En érudites de cette phase de l'histoire, Anne Cadilhac et son acolyte, Juliette Pradelle, incarnent Irina et Madame Trotte, Max et Gertrud à l'envi, sans relâche ni parade excessive Elles rivalisent de magnétisme, de charme, de verve ou de rigidité pour évoquer le sombre, le glauque, magnifier des airs inconnus resurgis comme "Le cinéma" de Poulenc (gloire aux acteurs et actrices) D'un "Boeuf sur le toit" naissent multes variations, de Dada, à Cocteau toute la bande (des six) s'y retrouve, avec Satie's faction ! et Satie 'r icônes !
Un beau "zéro de conduite" à ses insurgées malines et dociles du verbe, donnant de la voix, juste ce qu'il faut pour se faire entendre! Compris?

Au Théâtre Pixel à 20H 05

Bonne récolte DANSE Festival Off d'Avignon 2018 et une "fosse" note !

On continue le périple ou marathon

"Master Class, Nijinski" chorégraphié par Faizal Zeghoudi

Nijinski raconte....
Un comédien, petit homme discret et sobre raconte ou se raconte: c'est Nijinski, sur un texte original de Marie-Christine Mazzola, qui nous parle de qualité de geste, d'émotion, d’inouï, de jamais vu.
Sans prétention pourtant, il nous laisse entrevoir tout l'aspect très contemporain de sa pensée, de sa danse. Et sans illustrer le tout, c'est à "L'Après-midi d'un faune" que l'on assiste, duo dansé avec passion et beaucoup de délicatesse par Nadya Larina, au pied levé entre autre détail de "fabrication" et passation de rôle. Une interprète à suivre, gracieuse, élégante et pertinente, au style et à la technique irréprochable: russe et de circonstance ! La pièce éclaire le personnage sans le magnifier, ni gommer ses aspects déroutants et imprévisibles; rencontrer ce faune, ce "clown de dieu" selon Béjart, c'est ici se rassasier d'une danse fluide et personnelle signée Faizal Zeghoudi, serviteur fidèle et inventif du génie de la danse du XX ème siècle !

Au collège de la Salle à 16H 45


"Sisyphe Heureux" chorégraphié par François Veyrunes
Eloge de la lenteur
Des gestes lents et étirés, des duos et autres tissages de corps dansant tout de noirs vêtus: on plane dans l'éther de la composition chorégraphique, éloge de la motricité douce, des appuis et autres soutiens des corps qui s'enlacent sans se lasser jamais. Sans lasser non plus l'attention des spectateurs, suspendus à ce long et parfois silencieux voyage au pays du temps qui passe et qui se délecte.De rocher en rocher, Sisyphe porte et transporte un poids qui ne cesse , euphorique de porter la gravité, la densité des corps, au "ralenti" d'une énergie soutenue. Six danseurs habitent le plateau, sereinement, sobrement et François Veyrunes de signer ici une écriture calligraphique, en pleins et déliés, au mieux de sa forme.

Au Théâtre des Lucioles à 14H


"(R) pour Résistance", première figure, chorégraphié par Carole Bordes
Révolte, unsquare dance
A partir d'un carré tracé au sol, elle, danseuse et femme se meut et interpelle l'espace: s'y frotter, l'aborder, le séduire, le convaincre ou lui résister? Cet espace social, historique, évoqué en voix off par Deleuze, dans son Abécédaire, sans doute à l'Université éphémère de Vincennes, cette utopie si riche et fertile, résonne.
Mais plutôt que résister ou s'indigner faudrait il se soulever à l'instar de Didi Huberman. Question d'actualité, pour mieux franchir les contours du carré des lombes et danser le "Unsquare dance" avec encore plus d’efficacité! C'est court et les enjeux de la lutte se continuent en discussion conviviale, en dehors, du dedans ! Contre immobilise, avançons ensemble pour mieux se surpasser: message bien reçu !

Au Théâtre de l'Oulle, la Factory à 11H



"Ceux-l, tu es. Seul, tué" chorégraphié par Alexandre Lesouef
Sol si ré là mis là !

Allez, on passe sur les jeux de mots, vire-langue et autres charades pour se pencher sur le sort d'un esseulé, donc seul sur scène: mais pas que: trois silhouettes, traces d'incidents de personnes, dit pudiquement, gisent au sol, tracées à la craie. Pour mieux s'y fondre et s'effondrer, se maculer du sang et de la poudre, notre sacrifié de la vie va tenter de s'en sortir en gesticulant désespérément. C'est pathétique et éprouvant, désolant de naïveté, affligeant d'indigence.Alors on oublie et on passe son chemin pour aller cueillir d'autres étoiles filantes. Et si les "nanars" en danse avaient aussi beaucoup d’intérêt et de signification dans le champ de l'écriture? Celui là y aurait largement sa place: à étudier

AuThéâtre de l'Oulle, la Factory à 12H 10

Bonne pioche DANSE Festival Off d'Avignon 2018 : Taiwan et "Plume"

On démarre avec deux spectacles labellisés "Taiwan in Avignon 2018"


"Distance" du Circus P. S., mis en scène par Fang Yi-Ju
La quadrature du cercle

Poésie clownesque autour du cercle en symbiose avec la roue Cyr et les hula-hoops, ce spectacle réhabilite le cerceau, le cercle, le rond circassien. Dans une rigueur remarquable soutenue par des costumes à danser, designés, à couteau tiré, en noir et blanc, strictes et efficaces, deux danseuses se contorsionnent, longues nattes en colonne vertébrale doublée. Un jeune homme les rejoint, épris de sa roue magnétique et s'en fait un partenaire idéal dans une félicité et un nirvana partagé et contagieux. De l'audace, de l'humour, de la plaisanterie maline aussi et beaucoup de rêve à partir d'un petit personnage drolatique qui sème une joyeuse zizanie dans cet univers qui tourne rond mais ne rompt jamais au défit de l’inouï, du "jamais vu" dans le domaine de l'harmonie entre un objet et son "moteur" à l'énergie humaine.Une parade en ville en fait également un instant magique, habité par un jeune interprète hors pair, entièrement dévoué à son objet de transcendance, une roue qui fait son paon sans strass ni paillette: à vous couper le souffle!


"Heart to heart" du Tjimur Dance Theatre, chorégraphié par Baru Madiligin
Paiwans dance

Deux hommes, une femme explorent et explosent la tradition Paiwan, scrute les mouvement des arts martiaux pour en faire un beau panel de gestes raccordés, en harmonie avec rythmes et martelements de pieds, fondus dans une incroyable tonicité: les chants, les voix s'en mêlent pour composer un savant rituel endiablé et contagieux, une cérémonie contemporaine, issue des entrailles d'une culture méconnue. Allant, verve et férocité de la danse pour hypnotiser nos yeux écarquillés de surprise: des costumes, en maille légère, simulent tenue de combat, côte de maille asiatique. C'est beau, esthétique et plein d'énergie venue du fond des temps corporels et des muscles profonds!

A la Condition des Soies à 14H 25 et 15H 50

Puis on continue, la balade dansée à travers la ville avec:

"Plume" de la compagnie Kokeski, chorégraphié par Capucine Lucas
Poids plume, "dansité" !

Plume d'ange, de cygne pour petits et grands, cet opus, court et direct, est une ode à la légèreté, à ce qui s'envole et étonne, magie de la gravité ou de la densité!  "Dansité", s'il fallait inventer un mot pour définir ce que la danse à fait de très grave aux lois physiques: les transcender, les réinventer au profit d'images saisissantes de beauté, blanche, virginale, immaculée. Deux danseuses, hôtesses bienveillantes à l'égard d'un tout jeune public bien accompagné, charment, enrobent le propos : une colonne vertébrale, ailée, mobile de toute beauté plastique tient lieu de soutient à l'une, alors que l'autre se fond dans le sol, dans un nid douillet de couette volatile. Plumes au vent, corps au diapason d'un rêve merveilleux où nous toucherions à la félicité des anges.Elle accroche des plumes sur une portée, corde à linge onirique, partition de blanches notes suspendues.... Une musique en live de Alice Guerlot Kouroukis pour berceau et le tour est joué: on est enchanté !

Au Grenier à Sel à 12H 15