mardi 4 décembre 2018

"Conjurer la peur" Gaelle Bourges : "danser pour".... conjurer la peur !


Dans sa poche, le livre de l’historien Patrick Boucheron, Conjurer la peur. Dans sa tête, les images d’une fresque médiévale siennoise du peintre Lorenzetti, Des effets du bon et du mauvais gouvernement. Autant de voies ouvertes pour Gaëlle Bourges. Et l’artiste de faire résonner l’histoire et l’actualité de nos peurs au cours d’un fascinant parcours visuel où les corps tentent physiquement de traverser l’image tandis que les mots effleurent l’art délicat du pince-sans-rire.

Ils sont attablés, déjà sur scène avant notre arrivée: neuf personnages sur deux bancs, de face et de dos, vêtements relax, sport.Ils semblent deviser, comme un petit groupe constitué. S'en détache une femme qui s'attelle à conter l'histoire d'un tableau, comme le ferait un critique éclairé à la Arrasse et son "On y voit rien" ou la belle voix de la série "Palette" éditée par ARTE;
 C'est Gaelle Bourges qui navigue ici dans la "visitation" de l'oeuvre de Sienne, qui se joue des différents acteurs qui peuplent le bon et le mauvais gouvernement. Bien se gouverner sur cette Terre de Sienne: quoi de neuf pour ces protagonistes, neuf facettes de la démocratie ou du "régime communal" du bien commun de l'"être ensemble" si cher à la danse contemporaine?
Des objets dérivés du tableau dans la boutique du musée, un guide qui cause, raconte et poursuit ces personnages en les nommant, leur donnant vie, gestes et mouvements...Le descriptif est ici vivant, plein de passion et de suspens, plein d'images animées par les corps des danseurs qui concrétise le tableau absent. Et pourtant si présent à travers le regard et l'intelligence de la chorégraphe. Se pencher sur une oeuvre muséale qui en dit long sur le traitement de la justice, de la "sécuritas" est un défi que le petit groupe de visiteurs dociles semble bien incarner. Se méfier des apparences, en mimant, statufiés , les paroles de cette gouvernante éclairée, conférencière bien particulière, bergère d'une troupe  domptée. Sue une tribune, c'est le "bon gouvernement" qui séduit notre guide qui s'accorde sur son sujet: la concorde sans discorde, la peur sans reproche, la justice sociale en poupe, en figure de proue. De multiples tableaux vivants se succèdent, postures,  de fresques mouvantes, attitudes de groupe à la Hodler ou Cunot. Cette balade au musée est une pièce de plus dans le catalogue de spectacles actuellement consacrés à ces lieux emblématiques de conservation, de monstration des oeuvres picturales: pour en faire commentaires et prolongation, adaptations et lieux de'interventions chorégraphiques.


la ronde de hodler

C'est au final "la ronde" qui émerge, cette danse fédérative qui tourne en rond et stimule l'émulation: les neuf danseurs , tels les hommes travestis, interprètes à l'origine de cette réunion mouvante, s'en donnent à corps joie. Pays de cocagne, danseurs labaniens à demi-nus comme sur le Monte Vérita. La danse comme l'effet du bon gouvernement, le remède à la mélancolie, chaînon, à pas cadencé, reliant les êtres humains dans une "politis" avouée.
Agora de la justice, le plateau vibre de bons sentiments et l'empathie avec cette ribambelle joyeuse opère à l'envi.
Amiet Cunot: la ronde

David LaChapelle, comme référent plasticien, photographe et metteur en scène de bien des tableaux visant la communauté! Et Sécuritas, hélas en premier plan pour quelques références aux événements où la peur a gagné la population, tétanisée par les horreurs du terrorisme.
David La Chapelle

Conjurer la peur et gouverner en bonne intelligence!

A Pôle Sud jusqu'au 5 Décembre

dimanche 2 décembre 2018

Tarentelle pour crèche napolitaine !




"Swing Muséum" : à Dada, à cheval d'arson ! Arp' théra toupie....Danser la ronde bosse !


"Qui n’a jamais rêvé en sillonnant les allées d’un musée, de voir subitement les oeuvres d’art prendre vie ? Au carrefour de la danse contemporaine, de l’art dadaïste, de la marionnette et de l’imagerie vidéo, Héla Fattoumi et Éric Lamoureux signent un solo pour un danseur et quatre sculptures mouvantes, librement inspirées d’Entités ailées de Hans Arp. Le duo de chorégraphes a fait reproduire la sculpture issue de la collection du MAMCS et fait arrondir sa base pour la mettre en mouvement à la manière d’un culbuto. Dans Swing museum, leur premier spectacle jeune public, un gardien de musée rêve éveillé.
Un conte féerique au décor changeant au cours duquel, comme par magie, les sculptures s’animent, tournoient, virevoltent et vont même jusqu’à traverser l’espace grâce à une simple impulsion. L’interprète, face à l’inconnu et au hasard, dialogue avec ces entités inertes auxquelles la danse donne vie."




Trois quilles en forme de poire (à la Satie) sur tapis blanc, lumière vive: on est au musée, vaillamment surveillé par un gardien, casquette et frac de service, tout blanc!
Cris d'enfants en fond sonore, il s'endort, s'assoupit, se réveille, frémit et rêve....Sa chute au sol l'emporte dans un monde onirique où les statues si bizarres, en forme ovoïde, lisses, de taille différente, sont semblables à une petit famille de trognons de pomme, sans bras ni jambes: troncs stabiles, posés sans piédestal, vibratile, oscillants. Lui viennent des envies de bouger avec elles, après une mise en éveil, une appropriation de leur aire au sol
Ils s'apprivoisent, se contournent en ronde bosse, et s'embrassent à corps perdu.Musique douce pour reptation initiatique et ludique histoire de faire connaissance avec ses ovnis muséales!




Ce gardien rêveur de pacotille donne bras et jambes à ses créatures monstrueuses, rondes et caressantes.Ailes de cygne, patte de canard: le bestiaire se multiplie à l'envi.Il fait corps avec ses objets dynamiques, les réaniment, les chevauchent, à Dada ! Jim Couturier, espiègle et très poétique agent de sécurité, rêveur et indiscipliné à souhait
Balançoire giratoire, qui s'élance en manège, partenaire insolite de danse de couple incongrue!Comme un tableau de Magritte aussi, nuages blancs, formes longues et blanches, ciel bleu...


Musée haut, musée bas ! (J.M Ribes)

Mais c'est Hans Arp qui reprend le dessus en toupie, mannequin sous dimensionné qui tourne sur elle-même , ou bien quille déboussolée dans un bowling de fortune. Lanceur de poids aussi parfois! Une mélodie de Nina Simone pour mieux esquisser des figures de tangos avec ces êtres fantastiques et le tour est joué. C'est burlesque et chaplinesque en diable.
Cocooning, baisers échangés....Sur fond de ciel étoilé, qui file du bon coton.
Puis c'est le drame dans la tourmente, tourbillon de nuages qui déferlent en images vidéo, projetées à toute vitesse: tempête dans un verre d'eau pour notre anti-héros qui résiste, sauve les statues inertes comme dans une tornade blanche. Retour à la normale avec un beau halo de lune pour cette accalmie bienfaitrice: le lieu pour un hérisson de refaire une apparition, dérisoire et charmant animal à piques et pointes acérées. Tout le contraire de ces êtres lisses et polis qui peuplent la scène, personnages à part entière, mobile stabiles en déséquilibre vertigineux. Le gardien reprend ses fonctions, veille au grain, redescend sur terre alors qu'un joli jeu d'ombres le hante: Belphégor au Louvre, le temps d' une nuit au musée...Les silhouettes s'estompent  pour un théâtre de verdure qui s'offre à nous: tout disparaît dans cette jungle verte où réa parait un vrai hérisson, esquissant une danse mimétique de toute beauté.



L'environnement de verdure se métamorphose en foret de fûts blanc de bouleaux dont les yeux clignotent: ce sont les nœuds du bois qui nous regardent!
Les formes dansent et une voix somme de "retourner à la raison": le rêve s'achève avec la découverte dans un caisson à roulette d'une petite créature, nouveau né de la famille Harp !
Sophie Taeuber et Jean Arp ont donné naissance à une créature hybride, Une sculpture adorable, prête à rejoindre la famille, au sein d'une salle blanche dédiée au créateur des "danseuses" et de toute autre forme d'objets à caresser des yeux en ronde bosse!
On vient s'y a musée comme des grands ! Et la muse des Fattoumi Lamoureux entre Terpsichore et muse de la peinture (?) se jouent de bien des règles du jeu !

Au TJP jusqu'au 6 Décembre