mercredi 6 février 2019

"Le corps collectif" par Baudoin "danser l'invisible" !


Pendant sept ans, Baudoin assiste à des répétitions de danse. Fasciné par l'énergie vivante des danseurs, il dessine des heures durant, tentant de restituer l'expérience sensorielle qui se joue devant lui. L'artiste peint les corps en mouvement et, entre poésie et émotion, nous raconte une manière d'être au monde.


mardi 5 février 2019

" Les grands" de Fanny de Chaillé : vivre et grandir ensemble.


"Certes, les enfants sont fragiles, les adolescents souvent compliqués, mais les adultes ne sont pas si faciles non plus, surtout lorsque l’on dépend d’eux pour grandir. Fanny de Chaillé, chorégraphe, et Pierre Alferi, écrivain, renouvellent leur épatante collaboration pour mettre en scène, façon poupées russes, la relation"entre générations. Avec délicatesse, ils tissent attitudes et ressentis, maniant savamment, critique et drôlerie. Une étonnante pièce-miroir sur l’adulte en devenir et nos fragiles intériorités."




C'est une fillette qui ouvre la piste : elle trace son territoire, alors qu'une voix off d'enfant conte secrets et confidences intimes de son petit vécu de bout de choux de CM 1.
Sur un dispositif, tel trois îlots blancs, comme des courbes de niveaux qui,ondulent et indiquent distances et hauteur. Strates blanches karstiques, palimpseste sculpté aux formes qui se répandent comme des ondes. Ces trois iles d'un archipel vont-elles se rejoindre à la fonte des glaces, des conflits? Comme une topographie de la danse qui se trace sous nos yeux Comme une sculpture de César qui fond et avance: c'est Nadia Lauro, plasticienne qui en est l'auteur et sa sensibilité au mouvement s'en ressent.
La fillette gravit son chemin dans ce joli labyrinthe accessible qui lui donne des ailes: elle danse, légère et fragile alors que le texte enregistré qui la double est plus grave, plus explicite. C'est "ina-deu-missible", cet univers des adultes et elle le dit haut et fort sous la griffe de Pierre Alferi, auteur des propos énoncés.
Puis c'est au tour d'un "grand" et d'un "petit" de prendre la scène à deux âges bien différents.
Une belle différence d'échelle, de proportions entre les corps, habillés de façon similaire, gestes à l'unisson. Une voix off borde leurs faits et gestes et conte des aventures de science fiction, univers fantastique d'un enfant qui rêve !


On passe à d'autres interprètes de ce jeu, course à l'âge et à la maturité. Cette fois ce sont de "vraies voix" en direct qui content les mésaventures d'un gamin en révolte, modèle réduit de l'adulte, "danseur" qui se rêve "boucher-danseur" , où un "vas te faire foudre" laisse les grands pantois.
On passe à la combinaison, trois adultes, trois ados pour des discutions sérieuses, des propos "ados" typiques d'un langage codé, revendiqué pour faire front et cohésion face à l'adulte. Doublage des sons, ou faux play back, chacun cause ou bouge: la danse esquissée est une feinte, une fresque tracée comme un griffonnage d'une installation à la Huygue. Chacun interchange les rôles et prend la parole pour l'autre génération et tout change de sens ! Puis on double les gestes et silhouettes à l'envi.
Confusion des générations pour mieux se comprendre, se heurter, se méprendre.Les adultes redeviennent enfant, en retournant les situations, les dires et aveux: dans un slow évocateur deux adolescents-adultes se découvre, timides, hésitants: on se touche à peine, on se force ou l'on se tient à distance avec douleur et contrainte. Méli mélo, où l'on c'enlace de force ! Tandis qu'un DJ en parka et capuche de fourrure s'éclate pleinement: c'est drôle et burlesque mais très révélateur des comportements et conduite des uns et des autres! Nos quatre "hommes" petits et grands se retrouvent dans portés et roulades sur les marches du proscenium, le mensonge entre ados et adulte surgit dans les paroles égrenées par les comédiens-danseurs qui jouent comme "au théâtre" ....


Alors ce seront au final trois trios, aux trois âges de la vie, alignés en ordre croissant qui libéreront l'espace du corps et de la parole Longues tirades, discours des parents très intéressants et édifiants, entre colère et vérité: ce qui "gave" nos ados, les nourrit depuis la nuit des temps Quelques belles figures très plastiques, corps en perspective à la Philippe Ramette pour résister à l'érosion, à la transformation. Le texte d'Alferi est riche et plein de rythme et de respiration.
On aurait peut-être souhaité plus "de danse" mais tous excellent dans la générosité et l'exposition de la vie, toute génération confondue à l’affût des risques, responsabilités ou rêves inhérents à son humaine condition
La danse et le verbe comme passage, passerelle entre les corps porteurs d'énergie et les conflits mouvants de la vie.
On grandit chez les "petits" comme chez "les grands" et l'entre deux de l'adolescence de se faire pont et transfert de poids , de masse et d'aveux cinglants.
Fanny de Chaillé touche et fait mouche dans cette galerie de portraits effervescents, inédits et iconoclastes !

A Pole Sud les 5 et 6 Février

lundi 4 février 2019

"La grammaire des rêves" : Kaija Saariaho et l'Accroche note: des atomes crochus !



Kaija Saariaho : La Grammaire des rêves
Concert monographique d’oeuvres de Kaija Saariaho avec la participation du Quatuor Adastra et des étudiants de la HEAR.
Belle initiative que des réunir des artistes de talents, jeunes ou confirmés pour nous faire découvrir l'oeuvre si riche de la compositrice finlandaise.
Figura pour clarinette, quatuor à cordes et piano (2016)

En entrée pour ce festin, l'intrusion de la clarinette, stridente, vent en poupe qui ne cessera de soutenir l'oeuvre: des vibrations communes pour cordes, piano, entourant les sons, miaulements, grinçants interprétés par Armand Angster. Sur fond et lit de cordes ascendantes, elle relie les uns aux autres, leur répond. Tension sur le fil, scintillements des notes vibrantes, beaux flux er reflux de musique suspendues aux cordes. Un large panorama s'ouvre à nous, doux, quasi silencieux, . La clarinette toujours frétillante, les violons oscillant dans une atmosphère remarquable. 

Trois rivières pour quatre percussionnistes et électronique (1993)

Triangles et voix chuchotent en écho, comme un galop dans une atmosphère singulière, comme dans un monastère.Une cavalcade vrombissante, martiale, puissante cascade de sons variés s'engouffre dans un espace sonore amplifié. Les contrastes surprennent, les voix chuchotent dans les interstices des percussions, beau dispositif résonnant dans l'espace.
 Murmures qui tintinnabulent, vif- argent, clairs, très aigus.;L'atmosphère très particulière qui s'en dégage, ambiance singulière, guide dans des contrées lointaines, des paysages architectoniques en avancées résonnantes.; chuitantes, éclatantes, réverbérantes. Des sonorités d'une richesse inouïe !

Nymphea Jardin secret III pour quatuor à cordes et électronique (1987)

Etirement des cordes prolongées par la bande son enregistrée, écho très larges résonances curieuses  structurent une dramaturgie sonore étonnante.En montée fulgurante, passages éphémères, traversées du son sidérante. Comme un paysage de mer de glace, un vol d'oiseaux à la surface, glissant largement, ouvrant les perspectives paysagères. Des amplifications célestes d'aurores boréales, ou d'atmosphère de caverne résonnante, mugissantes.
En spirale, tourbillon, aspirations, tourmente en voltige ! Tension-détente, toujours pour distendre l'espace sonore.

Grammaire des rêves pour deux voix ensemble (1988-1989)

Deux cantatrices pour innover dans ce programme très acoustique et introduire souffle et ponctuation, narration, chant et récitatif à deux voix qui s’entrelacent, se concurrencent loyalement dans un chevauchement virtuose.Une osmose remarquable entre elles, et les musiciens,pour porter l'oeuvre aux nues, rêve endormi à deux voix, long fleuve où glisse une barque dans une ambiance étrange et sereine.
Le concert fut un florilège des talents de paysagiste de la compositrice, factrice de beauté fugace, de flux musical très séduisant, aux confins de contées inconnues. 



Lundi 04 février 2019 à 20h00
Auditorium de la Cité de la musique et de la danse, Strasbourg

Ensemble Accroche Note
Françoise Kubler, soprano / Armand Angster, clarinette et direction / Pauline Haas, harpe
Quatuor Adastra
Julien Moquet et Mélanie Ravaux, violons / Marion Abeilhou, alto / Solène Queyras, violoncelle
Etudiants de la HEAR et du Conservatoire
Victoria, Salach, voix / Nestor Daniel Alvarez Gonzalez et Chloé Couture, flûtes / Nathan Adenote, alto / David Poro, violoncelle / Mirae Oh, piano
Simon Journet, Victor Lodéon, Melaine Gaudin et Pit Dahm, percussions (direction du travail : Emmanuel Séjourné)
Réalisateur informatique musicale : Antonio Tules
Ingénieur du Son : Frédéric Apffel