samedi 24 juillet 2021

La Danse au Festival Avignon Off 2021: partie deux : au gré des géographies

 


"Terre" et "Shangai boléro les hommes" de Didier Théron compagnie Didier Théron: de l'air à la terre !

Trois femmes baudruches gonflées de noir oscillent frontales, se gonflent et roulent à l'envi, échevelées, figures de prou d'un navire invisible dont le cap semble incertain. Elles dansent l'entrave sans s'y coller, gravitent empêchées sans faillir et leurs rondeurs ventrues en font des poupées insolentes dont les arcs des entrejambes sont des passerelles à franchir Affranchies d'une loi gravitationnelle implacable, elles jouent au cheval à bascule avec jubilation. Et on dodeline de la tête pour suivre ce trio de choc qui absorbe les obstacles, les boivent comme Bibendum le bonhomme Michelin!

En contraste le "Boléro" est une pièce rare, fondée sur le rythme et l'ivresse de la répétition, ici vécue par trois danseurs galvanisés par la caisse claire autant que par la partition qu'on incorpore à la vision de la danse dynamique, sempiternelle débordement d'énergie.Fébrile et construite sans faille, la pièce avance, déborde et rompt avec félicité sur un petit plateau qui respire alors l'enchantement d'une ritournelle, routine décalée, répétitive autant que débridée. Didier Théron maniant les baguettes chorégraphiques au soubresaut près!

Au Théâtre Factory Oulle


"Pucie" de la compagnie les Sapharides : A table !

Quand trois femmes attablées conduisent la bonne recette du plaisir partagé, manié, pétri, dégorgé comme ces pastèques suaves qui dégoulinent et transpirent le jus, le jeu fait mouche et touche.Suc de poésie autant que d'érotisme qui suinte et bave, mouille et transpire, la danse est vivante, sensuelle, évocatrice de péché de jouissance aux bouts des lèvres juteuses, pulpeuses, ouvertes. Un univers liquide empli de partage, une posture politique et engagée sur la légitimité du plaisir féminin sans frontières!Julie Botet et Mélanie Favre juteuses !

Au Théâtre Factory Oulle


"Douce dame" de la compagnie Adéquate: allons voir si la danse est éclose....

Lucie Augéal et David Gernez s'emparent du répertoire courtois "Douce dame jolie"pour bâtir un quatuor danse-musique très respectueux des us et coutumes, de la gestuelle délicate, rebondissante pudique et altière quasi patrimoniale mais si vivante. d'une époque non révolue!Tendre et intime danse contemporaine liée à la traversée des âges par la musique distinguée, amoureuse et vorace, pas si "ancienne" que cela!Cornemuse, flûte et corps conquis par la ribambelle!

Au Théâtre Factory chapelle des Antonins


"Fusion" de Joelle Sambi Nzeba et Hendrickx Tela: au poing levé!

Une performance Slam/ Krump dans le cadre de la  "Garden Party"DU théâtre des Doms. Les deux performeuses, aux corps et à la parole militante se racontent, enragées, engagées dans les vers scandés, explosifs d'un texte narrant la cruauté des choses et la difficulté de vivre des temps incertains et meurtris. C'est dans la lumière du soir, dans les jardins sur cette placette de bois que se révèlent leurs sorts dans une fébrile intimité.

Au théâtre des Doms

vendredi 23 juillet 2021

"Toute l'histoire de la peinture en zigzags" par Hector Obalk: des mignardises à dévorer !

 


Sa voix ne nous est pas inconnue: elle raisonne à nos oreilles curieuses et voyeuses,du temps d'émissions télévisuelles sur ARTE: celle d'un regard sur l'art, hors pair sans démagogie, ni vulgarisation: l'art d'aiguiser la curiosité, l'art de rendre évidents des détails passés inaperçus sur une toile.....Alors, c'est parti pour un voyage, embarquement pour Cythère, plus d'une heure durant: un solo virtuose où le conférencier, auteur, comédien, critique d'art, commissaire d'exposition,conteur s'en donne à cœur joie pour nous dire "on n'y voit rien"comme Arasse....Seul sur scène le voilà investit de l'espace truffé d'une toile regroupant une infinité de reproductions de peintures de maitres. Une œuvre d'art en soi, comme un damier surchargé, rythmé de touches, de tâches multicolores.Il va brièvement nous conter le pourquoi de sa présence, la légitimité de ses propos, son axe d'attaque, son ambition de nous immerger, nous néophytes dans les antres de l'analyse picturale. Avec passion, détermination, humour et un soupçon d'ironie, de recul aussi, de fausse modestie assumée. De la distance pour mieux nous rapprocher de ce qu'on voit sur et dans une toile. C'est une formule ambitieuse, honnête et quasi pédagogique; voir en sa compagnie un Chardin, c'est découvrir la beauté, la fragilité d'une touche virtuose qui ne nous serait jamais apparue si il n'y avait pas mis le cap, le zoom sur un détail, une atmosphère...En sa compagnie on s'aperçoit peut-être que Van Gogh fait de l'illustration d'affichiste et que Cézanne fait des fourrés magnétiques, flous, secrets, énigmatiques Le maniérisme se comprend mieux, et le regard s'affute, incisif, critique. Performance doublée de l'intervention chantée d'une cantatrice qui fait ses armes.Hector Obalk fait mouche, ni critique, ni clown dévastateur, le voici guide déjanté d'un musée redécouvert où chaque artiste retrouverait sa raison de nous intriguer, de nous interroger sur son époque.Un spectacle réjouissant, édifiant qui vous donne envie de retourner dans les salles "obscures" du musée....Dans le brillant doré sans perspective de plus d'un peintre inconnu !

La danse au théâtre Golovine: Avignon le off 2021


 "The hidden garden"de Jill Crovisier: une pelouse irascible ! 

C'est la chorégraphe elle même qui interprète ce solo très probant, engagé et virulent: elle est  masquée par un bouquet de fleurs en plastique sur sol de pelouse artificielle d'un vert cru frappant: carré d'as pour une soliste au corps puissant qui conte les affres d'une femme en lutte aux prises avec un environnement hostile et insécurisant. La danse est rude, le corps ferme et définitif, les visions s'enchainent alors que le bouquet vole en friche: musiques au diapason de cet éclatement qui se dénoue dans un cocooning, sous le tapis, image d'un effet mouvant et saisissant de science fiction!


"Duos" de Aurélien Kairo: le couple leur va si bien !

Il paraitra obsolète de présenter deux duos bien et conformément "genrés", mais la tentation, le désir, l'attirance de ces deux là fait mouche et autant dans "C'est la vie" que dans "Quelque chose de Mélody" s'exprime le vivant, l'audace et l'humour des relations amoureuses, débridée, fantasmées ou ludiques Un couple réuni autour du "parapluie-paradis" de Brassens enchante par ses mimiques, son agilité et les prouesses humoristiques des interprètes, alors que le spectre de Gainsbourg hante encore après 50 ans les âmes troublées de deux danseurs piqués au vif par un "hommage" décalé au couple légendaire!Beaucoup de charme déclaré pour ces duos des lendemains qui danseront encore longtemps dans les pores de nos peaux!


"Allegro molto barbaro" de Dusan Hégli: un désa-corps politique "incorrect" !

Quand la danse sait incarner l'enfermement, la dictature perverse sur des corps soumis à l'ordre et à la tradition, le geste devient politique et vecteur d'information sur un "régime" contesté, fuit et désapprouvé. Ça sonne juste malgré des grincements stridents sur les cordes des violons de Bartok et ce corps de ballet folklorique jeune et servile véhicule un message profond et révélateur sur des contrées hélas multiples de résignation ou d’exil !Une pièce unique taillée dans le vif du sujet, hurlée par la voix d'un meneur diabolique dictant la démesure de l’obéissance, de la soumission....A vous hérisser la sensibilité !


"Masonn (Murs)" de Max Diakok: briser les parois de l'indicible

Quatre danseurs à la forte identité se rejoignent dans une verve et tonicité remarquable: les murs évoqués ne réussissent pas à les séparer: la lumière qui jaillit de leurs doigts, leurs ombres portées ou leur alter égo se jouent des différences et cherchent à briser la distanciation....Du bel ouvrage , du hip-hop au Gwoka, un hymne à l'humanité.

 
"Logos-Abysses"  de El shafey Adel et Maelle Deral:
 
Un solo fluide d'un homme habité par la grâce d'un mouvement inné, un duo où il est rejoint par une voluptueuse mante religieuse attirante et sensuelle: une écriture sobre et convaincante de la compagnie "Le Scribe" qui partage ici l'espace temps d'une danse libre et au diapason des corps constructeurs de visions fugaces fertiles et séduisantes.La silhouette déployée de Maelle Déral, déployée, telle une Guillem réactivée par la présence et la plasticité inouïe.