dimanche 25 juillet 2021

La Danse au Festival Avignon Le Off 2021 à la Manufacture :les narrations des corps...


"No Man's land" de la compagnie Daruma, Milène Duhameau : du large !

Cest au Chateau de ST Chamand à potron-minet sur un plateau extérieur: trois danseurs, tenue banalisée citadine, urbaine: ils vont tenter la rencontre par de multiples passages, frôlements, inter-actions. Volubiles, dans l'espace vaste et ouvert, ils tissent une histoire simple et convaincante: une relation d'apprivoisement, de rejet, de doute ou in fine d'adhésion entre eux. De beaux arrêts sur image pour lester la tension, affermir l'attention et rendre crédible l'évolution des relations Les gestes issus du hip-hop sont vifs et les évolutions possibles dans ce vaste terrain de jeu, aspirent à tracer un chemin, des circonvolutions tracées très graphiques.La proximité avec les interprètes rend possible un jeu interactif et le silence qui se fait ce jour là, incident technique, pose et repose le regard sur le mouvement, simplement habité.


Palmyra" de Bert and Nasi :corps dominé, dominant.

Autant danseurs, comédiens, que clowns, deux compères vont esquisser les relations de soumission, de domination: politique du corps qui se tait pour celui qui serait le "réfugié", qui verbalise, pour celui qui défend sa cause de dominateur Nasi est tapi dans son coin, muet, ficelé par son ignorance. Détruire, disent-ils: d'une assiette brisée vient le malheur, le doute et la suspicion. Les premières démarches pourtant entre ces deux larrons furent une très belle scène introductive: sur un skateboard, chacun évolue, glisse, traverse l'espace le temps d'une romance baroque ch'io pianga" de Haendel.Temps fort qui augure d'une belle exploration de l'espace.Les assiettes retombent, l'incompréhension persiste, la domination est bien ce mutisme que le corps recroquevillé de Nasi, exprime.


"Bataille" de la compagnie Dernière Minute Pierre Rigal: jeter son corps dans la bataille!

Un duo performant où deux individualités confrontent leur langage, leurs codes, leurs façons d'exprimer colère, haine, désir, tendresse...Violence des gestes, percussions corporelles pour mieux battre le rappel de la lutte à mains nues, corps en jeu. Les esquives, certes, mais aussi les claques et rentre -dedans pour simuler qu'il faut "jeter son corps dans la bataille" !Duo de choc où le jeu se fait masochisme, répétitions et parfois absurdités des comportements belliqueux!On s'y manipule à l'envi,on s'y confronte dans la chair, à coups de poings, à coup de gueule.


"Iskanderiah Leh ?" par la compagnie Ex Nihilo: l'atelier bien établi!

Anne Le Batard et Jean Antoine Bigot s'adonnent à la joie d'étaler les établis du travail en cour pour toutes les investigations visibles du "labeur" du processus de création.Tout est circulation d'un point à un autre dans ce laboratoire de recherches, à vue, dévoilé.Alexandrie pourquoi? en sera le leitmotiv: recherche et déboires en interrogeant les corps qui parlent, qui se souviennent de Marseille, de l'Egypte, autant de zones d'exil, de départ ou d'arrivées périlleuses. Cinq manipulateurs d'objets, d'images qui jonchent le sol et qu'il ne faut pas oublier, négliger pour vivre ensemble.Une écriture singulière pour ce plateau ouvert au public: la langue gestuelle n'a pas de frontière!


"Plubel" de Clémentine Vanlerberghe: les femmes silhouettes..

Quatre esquisses de corps à peine éclairées dans une mouvance douce, sensuelle, fluide. C'est beau et intime, à fleur de traces fugaces, de rémanence dans l'espace qui s'invente, se dessine. La clarté se fait peut à peu sur ce quatuor changeant, figurant moultes situations physiques d'investigations du corps dans l'espace.En legging noir, torse nu, poitrine dévoilée en figure de proue, elles défilent aussi, talons hauts en bottines comme des pieds de chèvre surhaussés. C'est quel peu satanique et diabolique, fortb et suggestif.Groupe ou individualité, la danse révèle chacune par une présence intense qui touche et remue.Ligne, autorité, beauté de la scénographie font de cette pièce un réceptacle de "plus belle tu meurs" incontestablement indisciplinaire! 


"Le sale discours" de David Wahl et Pierre Guillois: ce que "le sot l'y laisse"....

Un "bijou" pour raconter l'histoire du "sale", c'est du propre! David Wahl, d'emblée entraine par les mots, les gestes dans son univers décalé, féroce, documenté, fouillé, qu'il faut croire ou fantasmer. Causeries plus que conférences ou allocution, ses élucubrations historiques viennent tordre le cou à la raison, au dogmatisme. Récit, petite géographie linguistique et corporelle, sa pièce avance, distinguée, précise, séduisante. Le déchet, le tri de tout rebut, ce que "le sot l'y laisse" à recycler, font office de matière première à moudre. A pétrir et à méditer à l'envi. C'est un alchimiste, prédicateur, prophète de pacotille qui tricote des récits passionnants et la matière plastique dans laquelle son corps-conteur évolue se fait entrave, pollution, charge ou bain de jouvence. En tout cas des images performatives et plasticiennes s'y rejoignent pour jubiler plus que ternir la vision d'un monde fataliste. Du très bel ouvrage qui tient en haleine et interroge l'auditoire, ébranlé, déplacé, comme un danseur qui chemine dans la pensée en mouvement.


samedi 24 juillet 2021

Pour les enfants à Avignon le off 2021: regarder le monde au carré !



 "La puce, le chameau et les autres"par la compagnie Comme sur des roulettes d'Annette Banneville et la compagnie LEA: on s'y plie sans s'aider !

Des animaux de papier pour partenaires, des chameaux à deux bosses pour cette arche de Noe bien singulière....Un duo de femmes, conteuse et musicienne, danseuse et clown, c'est au petit matin bien revigorant, ravigotant ! De tout petits animaux partout qui en disent long sur la vie de l'homme en leur compagnie.A la pêche à la baleine qui se cache à l'eau, à la recherche de l'éléphant ou du plus petit animal, mouche ou autre, les deux actrices s'inspirent de textes courts de référence sur les bestioles et l'on navigue dans ce beau vaisseau plein de musiques et de malice, avec joie et délectation.On y chante, y danse sobrement mais justement, en comptine, en saynètes brèves et opérantes et la fraicheur, la diversité des propositions enchante le public à foison!Une mappemonde comme terrain de jeu et d'amusement, pleine de vie et de couleur pour faire "son cirque" et découvrir la palette des diversités qui nous entourent.

A la Présence Pasteur 


"Les petites géométries" par la compagnie Juscomama:tout s'efface, même les traces !

Deux silhouettes, personnages à la tête bien construite au carré, comme un cube pensant vont devant nous, assises procéder à une romance joyeuse, amoureuse et ludique: se barbouiller le faciès carré de craie, de couleurs, de toute matière possibles.Jeu masqué, théâtre d'objets animés, ça roule d’emblée sans cesse rythmé par les corps vivant cette métamorphose constante. On y rêve, on plonge dans l'esthétique de l'Art, de l'outre-noir au pointillisme, de Arp à Picasso, des arts premiers au surréalisme....Quelle belle et touchante traversée dans l'univers de l'enfance de l'Art !Justine Macadoux et Coralie Maniez pour piloter à l'aveugle cet exercice de style périlleux !

A la Manufacture

"Dadaaa duo" au Totem Maison du Théâtre pour enfants à Avignon le off 2021

 

La grande Sophie à hue et à "Dadaaa" !


Amélie Poirier, Les nouveaux ballets du Nord-Pas-de-Calais.

"Pied de nez à la rigueur des conventions et aux batailles idéologiques du début du XXe siècle, le Dadaïsme marqua, par sa liberté créatrice et son irrévérence, l’imaginaire de nombreux artistes. Pour les plus jeunes spectateurs, Amélie Poirier se plait ici à reproduire à échelle variée des marionnettes cubistes et minimalistes de Sophie Taeuber-Arp et des photomontages d’Hannah Höch.Le tout dans une performance électroacoustique inspirée par les poèmes d’Hugo Ball et Tristan Tzara où la parole devient davantage matière que sens. Trois danseurs-marionnettistes et un contre-ténor performeur nous plongent dans un monde imaginaire, un univers plastique qui fait se rejoindre espace sensoriel et questionnements politiques portés par l’esprit Dada. Car Dada n’a ni queue ni tête. Dada colle, agrège, mélange, travestit… Dada se moque. Qui mieux que les enfants sont Dada ?"
Et l'on en sort "gaga", enchanté par ce bel hommage à la grande Sophie et à son écurie fantaisiste de marionnette, à doigt, à fil..."Le Roi Cerf" se taille la part belle et sur scène, des reproductions de ces figurines dadaistes occupent l'espace Les quatre comédiens ouvrent le ciné-bal à l'aube -Aubette- de ce parcours fantastique dans l'univers de cette femme artiste hors du commun: danseuse et créatrice de tissus, mini-textiles merveilleux!
De la poésie sonore sourd des lèvres d'un violoniste-chanteur ténor alors que la figure de la peintre s'occupe à grimer ces créatures rêvées. Tous s'amusent, rigolent, joyeux quatuor qui se questionne dans une langue inconnue.

Deux danseurs épousent la forme d'une grande marionnette anguleuse, tout de doré vêtue.Comme elle, ils se désarticulent, mimétisent en même temps: corps perchoir pour une autre petite figurine qui s'envole...La musique vocale bat son plein, de beaux portés soulèvent les autres pantins, sculptures à deux dos: transport de corps: les "écrabouillé, araignée et autre accident" de parcours labial pour un peu d'absurde, de surréaliste dans cette histoire abracadabrantesque.Des coiffes dorées, des costumes chamarrés pour ces marionnettes à main, comme des gants de couleur qui chatouillent les comédiens-danseurs.Un petit cerf se fait manipuler, à petit pas, grimpe sur les corps alors que son alter égo, avatar, le Roi Cerf, magique et tribal s'émeut et partage le plateau.


Dans un langage codé, mystérieux oracle. Trophée de cornes brandi pour la chasse. Les trois comédiens, en noir et blanc, la danseuse toute jaune font un tableau vivant, mouvant faisant évoluer masses graphiques et couleurs.Le vibrato de la voix, ses fréquences, son timbre, intriguent, bizarre. Une  marionnette rouge et blanche à entonnoir de fou, joue du violon puis s'envole, cigogne de pacotille.Puis se cogne aux vitraux de couleurs. Un chapeau dada, de Carême, toque de chef dada foutrac fait mouche.Une autre marionnette bleu scintillant, robot manipulé par pile comme un play-mobil télécommandé, des chapeaux à colonne comme dans un défilé de mode....L'univers évoqué est riche et varié, la langue étrangère inventée, musicale en onomatopées, et ce joyeux brouhaha, enchantent petits et grands. Danse de bâtons au final, en tourniquet, portrait de groupe avec la peintre et ses modèles: tout rentre dans l'ordre, la vie s'arrête: "réveilles toi" le conte est fini!