samedi 24 juillet 2021

Pour les enfants à Avignon le off 2021: regarder le monde au carré !



 "La puce, le chameau et les autres"par la compagnie Comme sur des roulettes d'Annette Banneville et la compagnie LEA: on s'y plie sans s'aider !

Des animaux de papier pour partenaires, des chameaux à deux bosses pour cette arche de Noe bien singulière....Un duo de femmes, conteuse et musicienne, danseuse et clown, c'est au petit matin bien revigorant, ravigotant ! De tout petits animaux partout qui en disent long sur la vie de l'homme en leur compagnie.A la pêche à la baleine qui se cache à l'eau, à la recherche de l'éléphant ou du plus petit animal, mouche ou autre, les deux actrices s'inspirent de textes courts de référence sur les bestioles et l'on navigue dans ce beau vaisseau plein de musiques et de malice, avec joie et délectation.On y chante, y danse sobrement mais justement, en comptine, en saynètes brèves et opérantes et la fraicheur, la diversité des propositions enchante le public à foison!Une mappemonde comme terrain de jeu et d'amusement, pleine de vie et de couleur pour faire "son cirque" et découvrir la palette des diversités qui nous entourent.

A la Présence Pasteur 


"Les petites géométries" par la compagnie Juscomama:tout s'efface, même les traces !

Deux silhouettes, personnages à la tête bien construite au carré, comme un cube pensant vont devant nous, assises procéder à une romance joyeuse, amoureuse et ludique: se barbouiller le faciès carré de craie, de couleurs, de toute matière possibles.Jeu masqué, théâtre d'objets animés, ça roule d’emblée sans cesse rythmé par les corps vivant cette métamorphose constante. On y rêve, on plonge dans l'esthétique de l'Art, de l'outre-noir au pointillisme, de Arp à Picasso, des arts premiers au surréalisme....Quelle belle et touchante traversée dans l'univers de l'enfance de l'Art !Justine Macadoux et Coralie Maniez pour piloter à l'aveugle cet exercice de style périlleux !

A la Manufacture

"Dadaaa duo" au Totem Maison du Théâtre pour enfants à Avignon le off 2021

 

La grande Sophie à hue et à "Dadaaa" !


Amélie Poirier, Les nouveaux ballets du Nord-Pas-de-Calais.

"Pied de nez à la rigueur des conventions et aux batailles idéologiques du début du XXe siècle, le Dadaïsme marqua, par sa liberté créatrice et son irrévérence, l’imaginaire de nombreux artistes. Pour les plus jeunes spectateurs, Amélie Poirier se plait ici à reproduire à échelle variée des marionnettes cubistes et minimalistes de Sophie Taeuber-Arp et des photomontages d’Hannah Höch.Le tout dans une performance électroacoustique inspirée par les poèmes d’Hugo Ball et Tristan Tzara où la parole devient davantage matière que sens. Trois danseurs-marionnettistes et un contre-ténor performeur nous plongent dans un monde imaginaire, un univers plastique qui fait se rejoindre espace sensoriel et questionnements politiques portés par l’esprit Dada. Car Dada n’a ni queue ni tête. Dada colle, agrège, mélange, travestit… Dada se moque. Qui mieux que les enfants sont Dada ?"
Et l'on en sort "gaga", enchanté par ce bel hommage à la grande Sophie et à son écurie fantaisiste de marionnette, à doigt, à fil..."Le Roi Cerf" se taille la part belle et sur scène, des reproductions de ces figurines dadaistes occupent l'espace Les quatre comédiens ouvrent le ciné-bal à l'aube -Aubette- de ce parcours fantastique dans l'univers de cette femme artiste hors du commun: danseuse et créatrice de tissus, mini-textiles merveilleux!
De la poésie sonore sourd des lèvres d'un violoniste-chanteur ténor alors que la figure de la peintre s'occupe à grimer ces créatures rêvées. Tous s'amusent, rigolent, joyeux quatuor qui se questionne dans une langue inconnue.

Deux danseurs épousent la forme d'une grande marionnette anguleuse, tout de doré vêtue.Comme elle, ils se désarticulent, mimétisent en même temps: corps perchoir pour une autre petite figurine qui s'envole...La musique vocale bat son plein, de beaux portés soulèvent les autres pantins, sculptures à deux dos: transport de corps: les "écrabouillé, araignée et autre accident" de parcours labial pour un peu d'absurde, de surréaliste dans cette histoire abracadabrantesque.Des coiffes dorées, des costumes chamarrés pour ces marionnettes à main, comme des gants de couleur qui chatouillent les comédiens-danseurs.Un petit cerf se fait manipuler, à petit pas, grimpe sur les corps alors que son alter égo, avatar, le Roi Cerf, magique et tribal s'émeut et partage le plateau.


Dans un langage codé, mystérieux oracle. Trophée de cornes brandi pour la chasse. Les trois comédiens, en noir et blanc, la danseuse toute jaune font un tableau vivant, mouvant faisant évoluer masses graphiques et couleurs.Le vibrato de la voix, ses fréquences, son timbre, intriguent, bizarre. Une  marionnette rouge et blanche à entonnoir de fou, joue du violon puis s'envole, cigogne de pacotille.Puis se cogne aux vitraux de couleurs. Un chapeau dada, de Carême, toque de chef dada foutrac fait mouche.Une autre marionnette bleu scintillant, robot manipulé par pile comme un play-mobil télécommandé, des chapeaux à colonne comme dans un défilé de mode....L'univers évoqué est riche et varié, la langue étrangère inventée, musicale en onomatopées, et ce joyeux brouhaha, enchantent petits et grands. Danse de bâtons au final, en tourniquet, portrait de groupe avec la peintre et ses modèles: tout rentre dans l'ordre, la vie s'arrête: "réveilles toi" le conte est fini!

"Jusqu'à l'os" de Caroline Allaire: os'court ! A la Caserne à Avignon le off 2021

 

Jusqu'à l'os" de Caroline Allaire (Kilohertz): Corps os-tensiblement radiographié !


"Comme un inventaire à la Prévert, Caroline Allaire investit le corps humain, la connaissance du squelette, le temps d’une surprenante leçon d’anatomie. Dans Jusqu’à l’os, la précision de la science côtoie l’imaginaire des gestes. L’écriture ludique et déliée de la danse se teinte d’accents enchanteurs.
À propos de « l’architecture du corps humain », la danse a sans doute bien des choses à nous conter. C’est ce qu’a entrepris Caroline Allaire pour la création de son solo Jusqu'à l’os. Des planches anatomiques anciennes, issues du célèbre ouvrage de médecine anatomiste que l'on doit à André Vésale, De humani corporis fabrica (Bâle, 1543), ont été mises en couleur.
Projetées sur grand écran en fond de scène, elles font écho au corps vivant de l’interprète, à sa drôle de danse qu’un squelette miniature, posté dans un coin du plateau, semble observer avec un air goguenard. Tout comme ces illustrations, à la fois scientifiques et artistiques - elles ont été réalisées dans l’entourage du Titien, peintre de l’école vénétienne - Caroline Allaire y expose, décline, entre jeu et mouvement, les formes, la mobilité et l’usage des os. Des pieds au crâne en passant par les hanches, sa danse ludique, sensible et précise est rythmée par des univers sonores spécialement agencés pour chaque partie du corps. Un étonnant voyage anatomique dans la poésie du corps."

 Os'court !

Un tout petit squelette nous attend sur le tapis de danse de la scène , deux ombres démultipliant son ossature en autant d'exosquelettes architecturaux.
L'énumération des os en voix off démarre le cours d'anatomie, bien vivant car devant nous fait apparition un étrange bibendum cagoulé, capuchonné qui ne délivre rien de l'intérieur mystérieux de notre corps: bien en chair au contraire, tout en noir...Des images simultanément projetées sur écran, nous indiquent la partie qui va être auscultée: les os du pied; et le curieux personnage d’ôter ses bottes et d'entamer une savante danse des pieds, focalisée par un éclairage bien ciblé Danse des orteils, des chevilles, classique ou en dedans....Articulations et mobilité convoquées pour montrer, expliquer sans les mots toutes les possibilités de fonction légitime et naturelle du corps en mouvement.
"Les pieds en éventails, les pieds sur terre, dans le plat..."
Au tour de la jambe de se dévoiler, en tailleur, en compote, jambes en l'air ou belle jambe: le bas en collant rouge pour mieux désigner la partie du corps concernée. Une pédagogie didactique offensive et poétique, directe et abordable pour tout un chacun.
Sur fond de mugissements étranges, la vélocité des gambettes s'affirme, genoux et postures curieuses, rieuses.Prendre ses jambes à son cou, jambes en l'air sur musique brésilienne pour hausser de couleurs cette démonstration sympathique et ludique de la structure, charpente corporelle: le squelette.
Puis notre curieux personnage revêt un short brillant pour illustrer le bassin, très méditerranéen de la danseuse.Petit et grand bassin comme à la piscine, nous murmure une voix d'enfant...Des grincements d'articulations déclenchent des éclats de rire dans le jeune public: vent, porte qui grince, se lamente. C'est drôle et décalé à souhait.Le bassin de notre lutin danseuse se balance, se tortille, expressif, jouyeux.Musique de music-hall à l'appui histoire de faire la part belle au divertissement.Au tour des mains d'être radiographiées, mains vertes, un poil dans la main, la main dans le sac et le tour de passe-passe est joué dans un halo de lumière: langage des signes, mimes des métiers qui utilisent la main comme outil, langage des cultures qui s'expriment avec les mains, au delà des mots.
En ce qui concerne les bras de fer, angulaires sur une musique répétitive, c'est un univers de la force, qui brasse, embrasse et fait le moulin à vent à l'envi.Les bras ballants laissent la place au tronc, thorax et cage qui protège les poumons, le cœur. Et l'abdomen, siège des viscères est à l'abri, ainsi. La colonne vertébrale prend le relais, en trois courbes qui interdisent désormais de dire "tiens toi droit"! Ce n'est pas possible kinésiologiquement, anatomiquement parlant.Le corps de la danseuse est à présent bien visible et l'on scrute son anatomie avec intérêt et plaisir: sa stature, sa sveltesse délivrant plein d'indices et de détails pour une exploration visuelle en direct. Au sol elle se repose, danse, reptile invertébré, histoire de tout contredire; de dos, le corps parle, la colonne s'anime et délivre ses mystères de torsion, de verticalité.
Reste le capuchon qui va bientôt tomber pour évoquer le chef, le couvre chef, caput, tête de mule ou de gondole. Elle entasse ses vêtements, s'en fait un pouf, fat boy de danseur
Le crâne est évoqué, boite à outil, couvre chef qui commande et régit les mouvements.Tête en l'air, tête à queue, tête bèche dans une focale de projecteur pour bien montrer de quoi il s'agit. De quoi il s'agite...
La musique s'empare de sons de nature, oiseaux et autres évocations pastorales.Grimaces des mâchoires, puis véritable danse qui s'empare de toutes les parties de ce corps animé de bonnes intentions et attentions vis à vis de son public."Une leçon d'anatomie" rêvée, vivante, percutante que tout enseignant devrait montrer, au delà du figé de notre célèbre Oscar ou écorché vif. Morcelée, vive, mécanique ou fluide, la danse est intégrale sans discontinuité, légère: en chaine osseuse, mécanique bien huilée, os et muscles convoqués pour mieux sceller notre architecture, charpente originelle. Tandis que de splendides images abstraites de squelette colorisées parcourent l'écran et démystifient l'intérieur du corps: poésie et danse pour comprendre et apprendre sans se lasser que la plante corps est loin de nous indifférer.
Éloge de la mobilité bien en chair et en os, corps et graphie réunie pour ausculter en se réjouissant les mystères de la vie.
Valentin le désossé peut aller se rhabiller sans honte et les danses macabres ne nous en apprendrons pas plus sur nos fondations et fondamentaux mécaniques.
Mise en cage thoracique pour ne pas ronger son os...La peau et les os pour légende et narration naturelle de la science vivante.