dimanche 25 juillet 2021

On (y) danse aussi l'été! Les Hivernales Hors les Murs à l'Atelier: chemins de traverses chez les voisins!

 


"La chair a ses raisons" de et par Mathieu Desseigne-Ravel: trapèzes sans filet !

Il sera de dos, à peine éclairé, comme un trophée d'animal, écorché. De la chair vive revisitée comme de la pâte à modeler, polie comme une sculpture de Camille Claudel ou Rodin, dans la semi obscurité: un panorama mouvant de sa structure musculaire, vivante, lisse, huilée, sensuelle.Pétri de micro mouvements à peine perceptibles.Vision hypnotique d'un phénomène plastique, très réussie qui tient en haleine et se déploie à l'envi dans un espace-temps lumineux très réduit. Cela opère au delà de l'imagination: de la danse à vif, tendue, infime sensations curieuses de petite géographie corporelle se métamorphosant au gré des impulsions nerveuses. Non sans rappeler le travail de Laurent Goldring pour Donata d'Urso ou Xavier Le Roy ou celui d' Olivier Lelong sur le corps plastique.

http://genevieve-charras.blogspot.com/2016/09/lutherie-instrument-prepare-pour-grand.html


A l'Atelier


"Nulle part est un endroit" de et par Nach:  Terpsichore en baskets !

Solide, valide, tonique, son caractère se révèle d'emblée: Nach est un phénomène plus qu'attachant. Féline, maline, au regard et mimiques saisissante, elle tient le plateau pour une "conférence dansée", solo incarné de sa personnalité abrupte. C'est à travers son récit que se découvrent toutes les variations du krump, par le filtre de son corps que l'on "apprend" à repérer les postures, attitudes de ce street art singulier.Pied, talons en force, traces de danse baroque, influences diverses. Dans sa stature massive, par le truchement de sa voix pleine et joviale on pénètre avec empathie dans son univers: voix off et vidéos à l'appui pour sceller sa parole en direct.Une présence rare, engagée, séduisante et dérangeante tant elle bouscule les idées reçues, fait basculer poids et appuis pour une lec-dem unique en son genre. Bienvenue dans sa sphère idéale et partageuse.

A l'atelier

AUTOUR ...


"La mécanique des ombres" de et par Naif Production dans le cadre des Garden Party du Théâtre des Doms : anonymat à visage couvert.

En "petite forme-version extérieure" sur le plateau du jardin trois étranges personnages apparaissent cagoulés, visages masqués, couverts. Que dissimulent-ils sinon leur identité, leur faciès, leur regard. Seuls dialoguent les corps qui s'attrapent, se soulèvent, s'affrontent, se racontent.Énergie acrobatique, autant que geste dansé fluide, innervé de flux et reflux. Statuaire à la Daniel Firman parfois, tout bouge, oscille, périlleux exercice de style froid et distancé.Les interprètes sont au diapason pour une chorégraphie signée Mathieu Desseigne-Ravel, Sylvain Boullet et Lucien Reyes.


"Lost in Ballets russes" de et par Lara Barsacq: mémoire vive

Elle est en filiation avec Léon Bakst, décorateur et costumier des ballets russes et raconte son histoire, ce qu'elle fantasme de cette époque, thème que l'on retrouvera dans sa pièce en hommage à Ida Rubinstein. Simple et accueillante proposition de la suivre dans son périple, à la recherche du temps, de ce qui l'a marqué dans les strates de son corps dansant. Elle nous guide et nous emmènent joyeusement sans nostalgie sur la piste d'une époque, d'une esthétique qui lui ressemble et qui nous rassemble. Pas d'égo, ni d'exclusion dans cette résurrection d'impressions, de sensations liées à son passé-présent très convaincant. Ne rien oublier de ce qui nous construit!Que ce petit rituel public soit perçu comme une boutique fantasque aux portes ouvertes sur la connaissance collective! 

A L'Atelier

La Belle Scène Saint Denis en Avignon le Off 2021: programme 2 : un panel éclairant sur la "dansité du geste !

 C'est toujours un immense plaisir que de retrouver ce plateau de plein air à la Parenthèse, une cour privée, ouverte à l'accueil de la Danse à potron-minet!


"Les Baigneurs": Art Doudou !

Cette édition là démarre à l'extérieur des murs avec, parmi le public, les deux silhouettes burlesques en diable de Clédat et Petitpierre: telles deux figures quasi grotesques mais très attendrissantes, ces baigneurs, ours de peluche bariolés de rayures balnéaires , entrainent dans un univers tendre et diuillet. En dépliant nonchalamment leur tapis de bain, parmi nous, ils interrogent leur place dans cet espace ouvert à tous. Gestes ralentis pour mieux s'installer, prendre des pauses édifiantes de paresse, de relâchement, d'innocence. Pris en flagrant délit de délicatesse, de respect l'un de l'autre, ils nous convoquent "gentiment" sur l'autre scène pour y déguster cette matinée de sensations douces.


"Le fil" de et par Sylvain Prunenec: "j'ai la mémoire qui flanche....."

Travailler sur "la mémoire de la matière", sur les sensations qui jaillissent et convoquent la mémoire corporelle, ainsi va le propos du chorégraphe qui plonge dans les strates du vécu, de son histoire pour "penser" le corps et panser les résurgences du ressenti inscrit sous la peau, dans les muscles profonds Et si les "souvenirs" s'entremêlaient de façon à leurrer celui qui cherche à les raviver? Telle serait l'objet de cette belle et subtile prise de corps et de parole du danseur, irradiant de malice, de considération pour la danse, pour sa danse: d'un "incident" de parcours en scène, il fait et construit un cheminement kinésiologique qui aboutit à sa propre vérité; Qu'il sait si bien partager, laisser voir, entendre et filtrer.Se raconter aussi au travers des gestes précieux de Bagouet, Trisha Brown ou Odile Duboc Traces et dépôts, le corps s'imbibe, s'imprègne et resurgit la danse de Sylvain Prunenec, fluide, habitée, féline!Détachement et distanciation par le récit de la parole aussi: cela fait un bien fou et l'on chemine avec sa pensée brillante par delà les époques!


"Abdomen":de et par Clémentine Maubon et Bastien Lefèvre: ceci n'est pas du sport!

Un duo qui démarre sur les chapeaux de roues, très sportif, emporté par les tenues vestimentaires adéquates et le tempo : deux gymnastes rodés qui se cantonnent à leur savoir courir sur place et autres défis physiques. Danse duo à l'unisson des efforts pour mieux basculer dans un autre langage, fluide et complice dans l'énergie partagée. De quoi faire surgir le sentiment, l'union, l'amour; le heurt des corps une fois encore confrontés à leur gestuelle inscrite: force, tonicité, rudesse ; l'abandon se fait timide et discret: encore un beau chemin à parcourir avant d'accéder à une respiration poreuse et salutaire....


"Mal compris" de Mael Minkala : message bien reçu!

Il est interprète de son propre solo, taillé sur mesure et dans le vif de son sujet: lui-même face à sa destinée, complexe enchevêtrement de circonstances, de cultures et d'appartenance Frêle silhouette exilée de son sol, de sa terre, à travers son corps, torse nu, il clame avec énergie la fragilité de la vie. Musclé, statuaire ambrée qui dévoile sa chaine musculaire comme autant de réseau de circulation, il dévoile son identité de danseur, d'auteur avec audace et authenticité. Visa pour franchir les frontières du contact, sa danse muselle aussi son corps, le confine dans la douleur C'est émouvant et juste sans fioriture, à fleur de peau.

Et l'on se quitte pour l’angélus, ravi d'avoir assister à l'éclosion d'autres mondes....

La Danse au Festival Avignon Le Off 2021 à la Manufacture :les narrations des corps...


"No Man's land" de la compagnie Daruma, Milène Duhameau : du large !

Cest au Chateau de ST Chamand à potron-minet sur un plateau extérieur: trois danseurs, tenue banalisée citadine, urbaine: ils vont tenter la rencontre par de multiples passages, frôlements, inter-actions. Volubiles, dans l'espace vaste et ouvert, ils tissent une histoire simple et convaincante: une relation d'apprivoisement, de rejet, de doute ou in fine d'adhésion entre eux. De beaux arrêts sur image pour lester la tension, affermir l'attention et rendre crédible l'évolution des relations Les gestes issus du hip-hop sont vifs et les évolutions possibles dans ce vaste terrain de jeu, aspirent à tracer un chemin, des circonvolutions tracées très graphiques.La proximité avec les interprètes rend possible un jeu interactif et le silence qui se fait ce jour là, incident technique, pose et repose le regard sur le mouvement, simplement habité.


Palmyra" de Bert and Nasi :corps dominé, dominant.

Autant danseurs, comédiens, que clowns, deux compères vont esquisser les relations de soumission, de domination: politique du corps qui se tait pour celui qui serait le "réfugié", qui verbalise, pour celui qui défend sa cause de dominateur Nasi est tapi dans son coin, muet, ficelé par son ignorance. Détruire, disent-ils: d'une assiette brisée vient le malheur, le doute et la suspicion. Les premières démarches pourtant entre ces deux larrons furent une très belle scène introductive: sur un skateboard, chacun évolue, glisse, traverse l'espace le temps d'une romance baroque ch'io pianga" de Haendel.Temps fort qui augure d'une belle exploration de l'espace.Les assiettes retombent, l'incompréhension persiste, la domination est bien ce mutisme que le corps recroquevillé de Nasi, exprime.


"Bataille" de la compagnie Dernière Minute Pierre Rigal: jeter son corps dans la bataille!

Un duo performant où deux individualités confrontent leur langage, leurs codes, leurs façons d'exprimer colère, haine, désir, tendresse...Violence des gestes, percussions corporelles pour mieux battre le rappel de la lutte à mains nues, corps en jeu. Les esquives, certes, mais aussi les claques et rentre -dedans pour simuler qu'il faut "jeter son corps dans la bataille" !Duo de choc où le jeu se fait masochisme, répétitions et parfois absurdités des comportements belliqueux!On s'y manipule à l'envi,on s'y confronte dans la chair, à coups de poings, à coup de gueule.


"Iskanderiah Leh ?" par la compagnie Ex Nihilo: l'atelier bien établi!

Anne Le Batard et Jean Antoine Bigot s'adonnent à la joie d'étaler les établis du travail en cour pour toutes les investigations visibles du "labeur" du processus de création.Tout est circulation d'un point à un autre dans ce laboratoire de recherches, à vue, dévoilé.Alexandrie pourquoi? en sera le leitmotiv: recherche et déboires en interrogeant les corps qui parlent, qui se souviennent de Marseille, de l'Egypte, autant de zones d'exil, de départ ou d'arrivées périlleuses. Cinq manipulateurs d'objets, d'images qui jonchent le sol et qu'il ne faut pas oublier, négliger pour vivre ensemble.Une écriture singulière pour ce plateau ouvert au public: la langue gestuelle n'a pas de frontière!


"Plubel" de Clémentine Vanlerberghe: les femmes silhouettes..

Quatre esquisses de corps à peine éclairées dans une mouvance douce, sensuelle, fluide. C'est beau et intime, à fleur de traces fugaces, de rémanence dans l'espace qui s'invente, se dessine. La clarté se fait peut à peu sur ce quatuor changeant, figurant moultes situations physiques d'investigations du corps dans l'espace.En legging noir, torse nu, poitrine dévoilée en figure de proue, elles défilent aussi, talons hauts en bottines comme des pieds de chèvre surhaussés. C'est quel peu satanique et diabolique, fortb et suggestif.Groupe ou individualité, la danse révèle chacune par une présence intense qui touche et remue.Ligne, autorité, beauté de la scénographie font de cette pièce un réceptacle de "plus belle tu meurs" incontestablement indisciplinaire! 


"Le sale discours" de David Wahl et Pierre Guillois: ce que "le sot l'y laisse"....

Un "bijou" pour raconter l'histoire du "sale", c'est du propre! David Wahl, d'emblée entraine par les mots, les gestes dans son univers décalé, féroce, documenté, fouillé, qu'il faut croire ou fantasmer. Causeries plus que conférences ou allocution, ses élucubrations historiques viennent tordre le cou à la raison, au dogmatisme. Récit, petite géographie linguistique et corporelle, sa pièce avance, distinguée, précise, séduisante. Le déchet, le tri de tout rebut, ce que "le sot l'y laisse" à recycler, font office de matière première à moudre. A pétrir et à méditer à l'envi. C'est un alchimiste, prédicateur, prophète de pacotille qui tricote des récits passionnants et la matière plastique dans laquelle son corps-conteur évolue se fait entrave, pollution, charge ou bain de jouvence. En tout cas des images performatives et plasticiennes s'y rejoignent pour jubiler plus que ternir la vision d'un monde fataliste. Du très bel ouvrage qui tient en haleine et interroge l'auditoire, ébranlé, déplacé, comme un danseur qui chemine dans la pensée en mouvement.