lundi 26 juillet 2021

On (y) danse aussi l'été! Les Hivernales: au CDCN: un succès public de taille!

 Comme chaque été aux Hivernales c'est six spectacles qui s'enchainent de 11H à 22H: petit marathon salutaire !l


"IDA don't cry me love" de Lara Barsacq :femmes icônes

Déjà évoquée dans "Lost in Ballets russes" voici le personnage légendaire de Ida Rubinstein, exhumé pour façonner un récit très personnel . D'une icône de la révolution féminine naissance au XX ème siècle, la chorégraphe puise dans ses souvenirs: une affiche signée Bakst où l'égérie du féminisme naissant apparait en Shéhérazade incontournable, luxuriante, marginale.A partir d'objets, d'accessoires, de vidéo, se dessine une figure accompagnée de sa panthère mythique en fond de rideau de scène, renouant avec la tradition des ballets russes. Un trio intime de femmes se constitue, charmeur et provocant au charisme naturel et sobre. Tout en finesse et suggestions, cet hommage est une pièce rare et intelligente, mêlant respect et inspiration débordante pour nous entrainer dans une période faste en ruptures et révolution de palais.La scène est terrain de jeu où Salomé et toutes les autres resurgissent pour manifester l'importance de la place revendiquée en ces temps: femmes fatales, convoitées mais décisionnaires; les muses s'amusent et les trois interprètent se donnent libre jeu pour se mêler d'un destin atypique: performeuse, frondeuse ressuscitée de façon très légitime par le talent de mise en scène de Lara Barsacq.Une pièce attachante qui rejoint d'autres évocations de femmes chorégraphes iconoclastes(Valeska Gert etc....)


"Inventaire" compagnie Grenade Josette Baiz: le pré-vert de la jeune danse !

C'est un plaisir non dissimulé que ce duo façonné de main de maitre: exercice périlleux sur la narration de soi et de son expérience chorégraphique par deux interprètes nés sous la bonne étoile: celle d'avoir partagé sa vie de danseur auprès de Josette Baiz: une grande famille de la danse où chacun est reconnu et estimé dans "le vivre ensemble" et la responsabilité d'interprète Ces deux là vont nous démontrer que souvenirs et rêves font partie de soi, de sa construction humaine autant qu'artistique. Comme deux biographies qui se mêlent pour nous faire pénétrer dans les univers qu'ils ont fréquentés: Gallotta, Mc Grégor, Bel. Nicolas Chaigneau et Claire Laureau, galvanisés par ce palimpseste remis à jour pour revivre, réinventer rôles et reprises avec talent, joie et jubilation.Une leçon d'histoire comme seule la Danse peut la concevoir:corporelle, vivante, émouvante et pertinente!Et pour clore ce feu d'artifice en bouquet, un film vidéo surprise sur tous les danseurs passés par la jeune compagnie: que du bonheur engendré par "Josette"!


"Dancewalk Retrospective" de Foofwa d'Imobilité Neopost Foofwa:marathon man !

Si vous n'avez pas pu suivre au moins un épisode du marathon chorégraphique du trublion de la danse (suisse) voici l'occasion de regarder toute "la série"en une heure: condensé en images filmées sur le vif de la traversée du monde d'un collectif mené par Foofwa: c'est riche d'élucubrations multiples, de rencontres avec le public sur fond de paysages changeants. Et drôle, virulent, relevé comme une sauce piquante, une mayonnaise qui prend d'emblée Raconter un périple semé de danse, de courses, de pas, d'épuisement, c'est sportif et athlétique en diable.On en sort ému et retourné car un acte poétique devient politique. Une des danseuses sur scène accompagne les images, fidèle marathonienne, sans jamais épuiser les ressource de l'endurance, de la pugnacité: de l'audace, du culot et beaucoup d'empathie pour cette folle virée au pays délirant d'un fou furieux d'échanges et de défis!


"Facéties" de Christian et François Ben Aim: la camarde leur va si bien !

Ils se présentent comme à l'habitude, le verbe prolixe pour exposer leur propos puis s'en détacher au profit du geste, de l'intrusion des corps dans la narration. Cette pièce pour six danseurs est à leur image, rebondissante, virtuose, pleine de vie et de surprises, d'humour, de décalages dont les interprètes se font vecteur, passeurs La danse macabre de Saint Saens comme leitmotiv récurent et le tour est joué: tout se déglingue, se rompt sans faillir à des touches de dérision, d'ironie, de distanciation.L'humour décalé des diverses interprétations de cette mélodie mythique est une trouvaille de choc! On s'y amuse gaiement tandis que cette danse de squelettes si comique sied à la vie comme pas permis.Hymne à la joie, au détournement, à la facétie!Mécanique des corps diffractée, déconfiture et rencontres de diversité et d'exception à la règle!


"Tumultes" de Bruno Pradet compagnie Vilcanota

Une mêlée jouissive de chanteurs, danseurs, musiciens où même la cantatrice se plie aux mouvements, galvanisée par cette tribu menée par le talent de metteur de scène de Bruno Pradet. Mêler le chant baroque, le rock et autres signes de pluri-disciplinarité n'a rien d'évident: ici cela opère dans un rythme soutenu, rebondissant où chacun défend son être, sa place. Guitare, violon au poing pour un savant voyage dans des univers musicaux choisis, de Pergolèse à Vivaldi: rien ne semble interdit pour la visite de la danse taillée dans le vif pour neuf artistes oscillant du geste à la voix pour mieux vivre ensemble une utopie tumultueuse aux flux et reflux permanents.Une pièce originale et une performance à développer pour s'y lâcher encore et en corps.


"The Passion of Andrea 2" par Simone Mousset Projets

S'il fallait décerner une palme à la pièce comique dans ce festival off, ce serait sans aucun doute à celle ci: un condensé léger, efficace, sensible de retenue, de drôlerie, de frôlement des genres avec des touches impressionnistes savoureuses de couleurs locales Trois anti-héros s'emparent discrètement du plateau, le temps de convoquer des Andréas multiples façonnées par l’ingéniosité de la dramaturgie.Exemplaire jeu et présence des interprètes, escogriffes bienveillants dans un monde absurde, décalé.En "anglais" souvent pour une touche distinguée en plus, tout bascule pour ces trois lustigs désopilants, face à leur destin bouleversé Leur identité c'est Andréa, convoquée comme Arlésienne, spectre hantant la scène, icône inconnue au bataillon mais toujours convoquée pour l'action!Nos trois Andrea rivalisent de malice, se traquent, se tuent, disparaissent et meurent pour l'une avec une grâce irremplaçable.Un trio décapant, insolite, surprenant avec des ballons de baudruche suspendus au dessus de leurs têtes comma autant d'épées de Damoclès pas si menaçantes que cela.

La Danse aux Hivernales estivales, c'est la plus audacieuse boite à coulisses que l'on puisse convoiter!

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dimanche 25 juillet 2021

On (y) danse aussi l'été! Les Hivernales Hors les Murs à l'Atelier: chemins de traverses chez les voisins!

 


"La chair a ses raisons" de et par Mathieu Desseigne-Ravel: trapèzes sans filet !

Il sera de dos, à peine éclairé, comme un trophée d'animal, écorché. De la chair vive revisitée comme de la pâte à modeler, polie comme une sculpture de Camille Claudel ou Rodin, dans la semi obscurité: un panorama mouvant de sa structure musculaire, vivante, lisse, huilée, sensuelle.Pétri de micro mouvements à peine perceptibles.Vision hypnotique d'un phénomène plastique, très réussie qui tient en haleine et se déploie à l'envi dans un espace-temps lumineux très réduit. Cela opère au delà de l'imagination: de la danse à vif, tendue, infime sensations curieuses de petite géographie corporelle se métamorphosant au gré des impulsions nerveuses. Non sans rappeler le travail de Laurent Goldring pour Donata d'Urso ou Xavier Le Roy ou celui d' Olivier Lelong sur le corps plastique.

http://genevieve-charras.blogspot.com/2016/09/lutherie-instrument-prepare-pour-grand.html


A l'Atelier


"Nulle part est un endroit" de et par Nach:  Terpsichore en baskets !

Solide, valide, tonique, son caractère se révèle d'emblée: Nach est un phénomène plus qu'attachant. Féline, maline, au regard et mimiques saisissante, elle tient le plateau pour une "conférence dansée", solo incarné de sa personnalité abrupte. C'est à travers son récit que se découvrent toutes les variations du krump, par le filtre de son corps que l'on "apprend" à repérer les postures, attitudes de ce street art singulier.Pied, talons en force, traces de danse baroque, influences diverses. Dans sa stature massive, par le truchement de sa voix pleine et joviale on pénètre avec empathie dans son univers: voix off et vidéos à l'appui pour sceller sa parole en direct.Une présence rare, engagée, séduisante et dérangeante tant elle bouscule les idées reçues, fait basculer poids et appuis pour une lec-dem unique en son genre. Bienvenue dans sa sphère idéale et partageuse.

A l'atelier

AUTOUR ...


"La mécanique des ombres" de et par Naif Production dans le cadre des Garden Party du Théâtre des Doms : anonymat à visage couvert.

En "petite forme-version extérieure" sur le plateau du jardin trois étranges personnages apparaissent cagoulés, visages masqués, couverts. Que dissimulent-ils sinon leur identité, leur faciès, leur regard. Seuls dialoguent les corps qui s'attrapent, se soulèvent, s'affrontent, se racontent.Énergie acrobatique, autant que geste dansé fluide, innervé de flux et reflux. Statuaire à la Daniel Firman parfois, tout bouge, oscille, périlleux exercice de style froid et distancé.Les interprètes sont au diapason pour une chorégraphie signée Mathieu Desseigne-Ravel, Sylvain Boullet et Lucien Reyes.


"Lost in Ballets russes" de et par Lara Barsacq: mémoire vive

Elle est en filiation avec Léon Bakst, décorateur et costumier des ballets russes et raconte son histoire, ce qu'elle fantasme de cette époque, thème que l'on retrouvera dans sa pièce en hommage à Ida Rubinstein. Simple et accueillante proposition de la suivre dans son périple, à la recherche du temps, de ce qui l'a marqué dans les strates de son corps dansant. Elle nous guide et nous emmènent joyeusement sans nostalgie sur la piste d'une époque, d'une esthétique qui lui ressemble et qui nous rassemble. Pas d'égo, ni d'exclusion dans cette résurrection d'impressions, de sensations liées à son passé-présent très convaincant. Ne rien oublier de ce qui nous construit!Que ce petit rituel public soit perçu comme une boutique fantasque aux portes ouvertes sur la connaissance collective! 

A L'Atelier

La Belle Scène Saint Denis en Avignon le Off 2021: programme 2 : un panel éclairant sur la "dansité du geste !

 C'est toujours un immense plaisir que de retrouver ce plateau de plein air à la Parenthèse, une cour privée, ouverte à l'accueil de la Danse à potron-minet!


"Les Baigneurs": Art Doudou !

Cette édition là démarre à l'extérieur des murs avec, parmi le public, les deux silhouettes burlesques en diable de Clédat et Petitpierre: telles deux figures quasi grotesques mais très attendrissantes, ces baigneurs, ours de peluche bariolés de rayures balnéaires , entrainent dans un univers tendre et diuillet. En dépliant nonchalamment leur tapis de bain, parmi nous, ils interrogent leur place dans cet espace ouvert à tous. Gestes ralentis pour mieux s'installer, prendre des pauses édifiantes de paresse, de relâchement, d'innocence. Pris en flagrant délit de délicatesse, de respect l'un de l'autre, ils nous convoquent "gentiment" sur l'autre scène pour y déguster cette matinée de sensations douces.


"Le fil" de et par Sylvain Prunenec: "j'ai la mémoire qui flanche....."

Travailler sur "la mémoire de la matière", sur les sensations qui jaillissent et convoquent la mémoire corporelle, ainsi va le propos du chorégraphe qui plonge dans les strates du vécu, de son histoire pour "penser" le corps et panser les résurgences du ressenti inscrit sous la peau, dans les muscles profonds Et si les "souvenirs" s'entremêlaient de façon à leurrer celui qui cherche à les raviver? Telle serait l'objet de cette belle et subtile prise de corps et de parole du danseur, irradiant de malice, de considération pour la danse, pour sa danse: d'un "incident" de parcours en scène, il fait et construit un cheminement kinésiologique qui aboutit à sa propre vérité; Qu'il sait si bien partager, laisser voir, entendre et filtrer.Se raconter aussi au travers des gestes précieux de Bagouet, Trisha Brown ou Odile Duboc Traces et dépôts, le corps s'imbibe, s'imprègne et resurgit la danse de Sylvain Prunenec, fluide, habitée, féline!Détachement et distanciation par le récit de la parole aussi: cela fait un bien fou et l'on chemine avec sa pensée brillante par delà les époques!


"Abdomen":de et par Clémentine Maubon et Bastien Lefèvre: ceci n'est pas du sport!

Un duo qui démarre sur les chapeaux de roues, très sportif, emporté par les tenues vestimentaires adéquates et le tempo : deux gymnastes rodés qui se cantonnent à leur savoir courir sur place et autres défis physiques. Danse duo à l'unisson des efforts pour mieux basculer dans un autre langage, fluide et complice dans l'énergie partagée. De quoi faire surgir le sentiment, l'union, l'amour; le heurt des corps une fois encore confrontés à leur gestuelle inscrite: force, tonicité, rudesse ; l'abandon se fait timide et discret: encore un beau chemin à parcourir avant d'accéder à une respiration poreuse et salutaire....


"Mal compris" de Mael Minkala : message bien reçu!

Il est interprète de son propre solo, taillé sur mesure et dans le vif de son sujet: lui-même face à sa destinée, complexe enchevêtrement de circonstances, de cultures et d'appartenance Frêle silhouette exilée de son sol, de sa terre, à travers son corps, torse nu, il clame avec énergie la fragilité de la vie. Musclé, statuaire ambrée qui dévoile sa chaine musculaire comme autant de réseau de circulation, il dévoile son identité de danseur, d'auteur avec audace et authenticité. Visa pour franchir les frontières du contact, sa danse muselle aussi son corps, le confine dans la douleur C'est émouvant et juste sans fioriture, à fleur de peau.

Et l'on se quitte pour l’angélus, ravi d'avoir assister à l'éclosion d'autres mondes....