mardi 27 juillet 2021

"Je suis lent" de et par Loïc Touzé : une lec-dem pour rendre le geste dansé "s'abordable" !

 


"JE SUIS LENT
" création de  2015 conférence performée


 

"c'est là quand je m'y attends le moins que  parfois la danse surgit" 

"Le parcours d’un danseur est une longue quête, le cheminement d’un corps traversé de figures, d’images et de gestes. Dans cette conférence dansée, Loïc Touzé raconte l’histoire de la danse contemporaine à l’aune d’un récit intime, de sa formation à l’Opéra de Paris à la création de son propre langage chorégraphique, en passant par la nouvelle danse qu’il rejoint au milieu des années quatre-vingt. Délaissant la virtuosité du ballet, en chemin il apprend la paresse et le goût de l’égarement, l’humour et la délicatesse."Victor Roussel

Dans le cadre de "la traversée de l'été" le TNS invitait Loic Touzé, enseignant entre autre à l'école du TNS pour nous laisser voir et entrevoir sa conférence performance  "je suis lent". Une initiative pertinente pour découvrir ce danseur chorégraphe, seul sur le plateau qui nous expose tout l'art de se défaire d'une formation corporelle formatée aux mesures de l'excellence de la danse classique.Alors il taille dans le vif du sujet et se présente dans une tenue sobre et simple: autobiographie promise à bien des rebondissements.A le voir on ne l'imagine pas dévorer l'espace dans un ballet classique en collant moulant!Félin, malin, le verbe prolixe, la paroles et le verbe posé, ancré, il conte ses déboires, ses aventures qui l'amènent par étapes successives à se questionner sur les capacités de son corps à peu à peu se "détacher" de ses marques et traces d'apprentissages et de fixation des codes classiques dans sa chair, ses muscles profonds, sa pensée.Ça touche, ça fait mouche tant la modestie et la sobriété de ses propos sont clairs, efficaces, abordables, compréhensible par tout un chacun Et pourtant sa formation de haute voltige pourrait impressionner et décontenancer, exclure ou écarter. Nenni, sa convivialité, la sympathie que la chaleur de sa voix induit, font passerelle et le lien étroit s'établit entre lui et le public Sa danse est lisible, abordable, comique ou lyrique, "maitrisée" dans la décontraction, le lâché prise qu'il convoite et parvient à "atteindre" au fil des expériences de groupe, des chorégraphies, des situations insolites qu'il crée pour éprouver un parcours du combattant. A l'envers, à l'endroit pour se défaire du tissus de sa chair imprimé de figures imposées. A l'opposé, à l'envers du décor, à l'endroit où il faut être pour y être bien, juste à point nommé: ici et maintenant, centré, présent à sa danse. Devant nous c'est chose faite et le "discours" est limpide tant le corps exprime en gestes, mimiques, poses ou sourires ce qui sourd de ses lèvres, ce qui s'ouvre à nous à travers son regard, sa longue silhouette à la Jacques Tati : un joli "petit trafic" d'armes naturelles pour gagner les faveurs de la danse et de son éternel déplacement des conventions. Comme message, mets-sage , entremets d'un banquet platonicien. "Je suis lent" et je le sais semble-t-il nous faire passer comme idéal !Un ours géant en peluche comme mascotte idéale de lâché prise!

Au TNS LE 22 JUIN 20H

41 Festival Montpellier Danse 2021: fertiles rencontres de genres...chorégraphiques!

 Montpellier danse interroge, bouscule, conforte la vision contemporaine de la Danse et de toutes ses ramifications


"Pour" et "Laborious song" de Daina Ashbee: danse maïeutique, catharsique !

Une pièce taillée sur mesure qui se transmet à une autre interprète: un exercice qui questionne l'écriture chorégraphique et fait de ce solo "Pour""autobiographique" une page universelle sur le corps de la femme. Une dédicace à la condition féminine intime, violente, sans concession.La nudité y est reine et fondement des propos de la chorégraphe.Elle "accouche" littéralement de tout son utérus, de tout ce que Marta Graham nommait "tension relaxation": la masse corporelle qui se fond au sol, le dilue puis agace la pesanteur corporelle.Le corps en force, appui, rebond, tremblements et vibrations d'un spasme utérin.Un solo féminin, un corps sculpté par la lumière et la sueur corporelle pour aiguiser une sorte d'indécence, de voyeurisme discret au regard de la dépense qui se joue devant nous La danseuse frappe, rebondit au sol, se tape et ausculte sa chair, sa densité pour mieux faire résonner et raisonner sa pensée de muscles vivants, percutants.Le magma charnel qui se forge ainsi, éclabousse de rythmes, de percussions de chair .

Au studio Cunningham Agora


Quant à "Laborious song" c'est le volet masculin qui s'expose: processus de carnation à vue, de masse toujours d'espace plus large pour le danseur qui arpente son territoire Le danger s'y fait ressentir, signe "masculin": bonds, ruades, bascules et sueur, chair à vif. On rejoint le solo féminin en observant la sculpture du corps, on entre en empathie avec la beauté incarnée du râle, de la jouissance qui suinte de cette évolution si proche de nous.Au final, c'est un flot de musique qui se déchaine et envahit le plateau Tout se déchaine, enveloppant corps et lumières pour célébrer le labeur, la danse au travail et tout ce qui travaille et traverse le corps.

Au Hangar-théâtre 


"Ineffable" de Jann Gallois : multifaces !

Elle est dans ce solo, danseuse, musicienne et dévoile des talents encore méconnus. Les percussions, simples et dociles lui proposent un décor fait d'instruments occupant son temple zen: une belle maitrise du gong, qui trône tel un instrument plastiquement probant.Chamane, officiante d'un rituel transmissible, elle danse , solo fluide, déployé, intime.Morceau de bravoure: des mimiques, poses, attitudes à la Chaplin lui donnent l'occasion de révéler des talents de comédienne, de corps "muet" si éloquent!Dans une cage de fer, sorte de pupitre,tribune de palais de justice, la voilà quittant les codes pour se métamorphoser en corps muet si éloquent !Soliloque gestuelle, plaidoirie comique d'avocat ou rhétorique pleine de charme et de précision de jeu: une piste à creuser pour cette interprète prolixe! Une bascule circassienne pour accessoire pour une envolée lyrique très pesée, maitrisée et c'est le retour au rituel, à la prière votive, au recueillement. Un exercice personnel assez convaincant où tout vouloir dire n'est pas toujours exciter l'attention.

Au studio Bagouet Agora


"Nuit" de Sylvain Huc : ordre du jour!

Un trio s'empare du plateau, fulgurante entrée en scène dans un décor de pendrillons noirs laissant une issue en perspective, sortie ou bassin de réception tectonique...La nuit sera pré-texte à une danse fluide, limpide, translucide, évidente.Vertige d'un espace qui fuit vers l'arrière comme aspirant les corps vers le gouffre nocturne.La danse est véloce, entuilée entre les trois partenaires, unis, désunis à l'envi.Le résultat est hypnotique, envoutant et fébrile, sur le fil d'une narration des corps qui fuient, glissent, se dérobent Un paysage géologique fait de failles, de brèches ouvertes où s'immiscent le "suc" de la danse comme un élixir distillé par la porosité des matières corporelles en fusion Métamorphiques en diable pour un relief d'ondes, de courbes de niveaux à suivre intensément du regard.Musique et silence après le grondement de l'avalanche.Sylvain Huc en géologue du corps, stratifiant les couches , palimpseste ouvert du mouvement des plaques.

Au théâtre de la Vignette


"Counting stars with you (musiques femmes) de Maud Le Pladec: manque de souffle....

La musique traverse les préoccupations chorégraphiques de l'artiste depuis longtemps: il est ici question d'aller plus loin en faisant émettre, chanter, psalmodier les danseurs eux-mêmes Souffles, voix, émissions a cappella, les vecteurs du son corporel sont multiples, le chorus est berceau de la tragédie.Six danseurs s'inspirent du chant médiéval polyphonique, en solo, en choeur, ancrés au sol ou lors de divagations dansées.Le chant semble plus ou moins maitrisé alors que la pièce va bon train sans encombre. Au final, c'est un show parodique, micro en main, qui met du piment dans cette démonstration inégale de l'impact de la voix dans l'art chorégraphique.Ça sonne hélas souvent faux et les notes s'emballent au profit d'un méli-mélo prétentieux et vraisemblablement trop ambitieux Questionner la musique, c'est d'abord en faire et ne pas simuler des compétences à demi assumées.

Au Théâtre de l'Agora


"Chapter 3 : The Brutal Journey of the Heart" de Sharon Eyal et Gai Behar: tectonique du coeur !

Neuf danseurs détonants sont lancés sur le plateau comme des salves ou catapultes et la tornade démarre! En justaucorps seyants comme une seconde peau tatouée à la Wim Delvoye, les voici, entrainant dans une spirale musicale et spatiale à vous couper le souffle! Une performance que la chorégraphe visionnaire pose et impose aux danseurs, galvanisés par cette danse "gaga" mêlée de rebondissements surprenants.A tout corps, à tout coeur pour cette as, cette dame de coeur illustrés sur les costumes par Maria Grazia Chiuri: on songe aux coeurs de Jime Dine -exposés d'ailleurs à l'Hotel Richer de Belleval- Chorus ou individus déjantés, la danse prend ses quartiers une heure durant, flux sans cesse ré initié par une énergie, un tonus incroyable...Unissons décalées, déstructurées,où chacun se meut, bassin déplacé, doigts écarquillés, sur la pointe des pieds toujours, faisant figures de faunes aux sabots surélevés! C'est satanique en diable, hypnotique à fond tant l'engagement est de tous les instants. Pas de relâche ni d’entracte pour cette performance hallucinante, envoutante!Joie, jubilation cathartique au menu.Sur des musiques dingues on ressent une empathie totale avec les danseurs Quelques "poses"arrêts sur image salvateurs pour calmer la tectonique furieuse, rageuse d'architectures corporelles sidérantes

A l'Opéra Comédie


"Transverse orientation" de Dimitris Papaioannou: tableaux vivants

Son art est pictural, protéiforme: démiurge de la mise en scène chorégraphique, le chorégraphe excelle dans les extrêmes et offre des icônes saisissantes, en mouvement, déplacements toujours surprenants, inventifs.Des tableaux se font et se défont à l'infini, à l'envi. Du taureau du Minotaure dans un labyrinthe de propositions picturales à l'oeuvre il fait un personnage aux côtés des huit danseurs sur l'immense plateau du Corum. La danse résonne en hybrides, en monstres de chair nue et passive; une vierge accouche, un printemps de Botticelli se dessine, Vivaldi exulte...Ce chaos est resplendissant, bizarre, énigmatique, impressionnant les sens en éveil.Tectonique des plaques, la mise en scène est digne d'un Fellini...grec! Une nymphe se baigne et se dilue dans un lac idyllique bain de jouvence,paysage romantique à souhait.Peu ou quasi pas de danse, absence délibérée de Terpsichore pour cette muséographie de la lumière changeante.Des êtres manipulés sur une échelle, illustration en silhouettes noires comme autant de petits démons, pantins à tête d'épingle surdimensionnées aux allures de pions, de marionnettes Des images et encore des images foudroyantes de construction, de beauté, s'enchainent.Humour stylé animé des meilleures intentions picturales!Nudité aussi dépouillée pour montrer le corps qui s'expose, se montre dans sa plastique sculpturale.Réanimant le défilé d'une histoire de l'Art possible. En format renaissance, 16 ème très cinématographique, cette oeuvre dans sa largeur, amplitude et envergure est un chef d'oeuvre de meilleur ouvrier de danse. Esthétique du beau et de la métamorphose des corps qui s'imbriquent, siamois hydre à deux têtes ou chimères fantastiques.Mystique et spiritualité de concert.Une sirène debout sur sa queue qui oscille pour figure de proue de ce navire chavirant, ivre de spendeur décousue.

Au Corum


"en son lieu" de Christian Rizzo: à l'endroit, vous êtes ici !

Le solo est une "petite forme" qui va si bien à Christian Rizzo! Renouant avec ce style court et sobre, la pièce est portée par Nicolas Fayol, danseur hip-hop, pétri de délicatesse, de fluidité, de rebonds subtils.Apuis au sol, reptations, vélocité pour exprimer une solitude volontaire, ancrée, vécue au plus profond des muscles. Marcheur, arpenteur, plié, glissé il va et vient dans une forêt de micro sur pieds sur fond de cloches suisses dans des paysages alpestres ainsi convoqués: par le son, le frisson des fréquences, des tintillements sonores.Des fumées envahissent ce désert comme dans une oeuvre du plasticien Laurent Grasso et ses brouillards menaçants qui avancent de front sur vous!Des lumières rougeoyantes de soleil couchant façonnent une atmosphère unique d'au delà, d'errance, de beauté.La grâce et la rédemption se font jour dans une nudité silencieuse, ralentie, apaisée.En son temps et lieu, ici et maintenant dans une altérité confondante de sobriété.

Au studio Bagouet


"Deleuze/Hendrix" de Angelin Preljocaj: l'éthique du corps spinozien

Angelin excelle dans les rencontres, de pensées, d'espaces, de disciplines: le voici en compagnie d'un philosophe qui questionne le corps et d'un musicien habité par la performance. Une gageure à la hauteur de l'ambition de pouvoir et savoir restituer une pensée en mouvement, un savoir évoluer au fil du temps.Les prises de Paroles de Deleuze lors de ses collèges sauvages de ses interventions révolutionnaires sur des sites éphémères sont à écouter alors qu'évoluent face à nous sa danse tonique, duelle, en portés et portées musicales adéquates.L'immortalité comme sujet de débat spinozien entre autre Au tableau de ces facultés universitaires, des graffitis "moi" "chien" que les danseurs griffonnent comme des icônes corporelles, empreintes de corps plaqués à la Keth Haring. Composition constante et changeante des huit danseurs sur une musique galvanisante: justaucorps pour faire apparaitre tous les signes, phares de la danse de Preljocaj: virtuosité, enthousiasme de ces transports jubilatoires...Courbes, traces et signes dans l'espace.Les unissons sont drastiques, tirées au cordeau; la rigueur performante est au diapason du discours deleuzien: de "crétin" à "idiot" que peut raconter le corps sinon en rire. La sensualité toujours présente dans cette ambiance réfléchie qui avance et chemine sur la peau du monde.Cela ne fait pas "un pli" !

Au Théâtre de l'Agora

Une fois de plus le Festival Montpellier Danse donne l'occasion de rencontrer les chemins de la création chorégraphique au carrefour du monde.

lundi 26 juillet 2021

La Danse au Festial IN d'Avignon 2021: être "ensemble" ! Et cheffes de file !

 


"Any attempt will end in crushed bodies and shattered bones" de Jan Martens: résiste !

Le nombre de danseurs est important: 17 sur un grand plateau pour travailler sur l'individu!Plusieurs générations de corps, tous différents, petits ou grand gabarit, sexualité dégenrée, âges variés....Pas de "canon de beauté" à l'horizon de ce travail colossal sur la masse, le groupe qui avance  se déplace, se décale comme des vagues passées au peigne fin de croisements savants hypnotiques; sur une musique de Goreki "concerto pour clavecin et orchestre"   Mouvement choral de résistance, de soulèvement qui gronde.Et surgit en contrepartie, une immobilité sereine qui laisse s'échapper respiration et temps de pose-pause.Sous tension comme un sit-in en opposition à la marche-démarche populaire.Pièce de groupe hallucinante, concentrée, d'une rare efficacité visuelle,qui laisse fuir aussi les différences de corpulence de chacun. Tout se tricote, se tisse et semble se fondre dans la foule. C'est impressionnant et dérangeant.Fascinant à coup sûr!Cette vision de l'humanité en proie au mouvement est faite aussi de diversité et non d'anonymat dans les costumes à la fois haillons autant que fantaisie en rouge pour chacun sans pareil.De quoi méditer sur le nombre, son impact, sa force en se laissant aller dans cette beauté fluide et émouvante.Les circulations savantes augurant d'un ordre consenti pour arriver à ses fins: la force du groupe est unique et sujet à une composition chorégraphique émerveillante

A la cour du lycée Saint Joseph.


"Lamenta" de Rosalba Torres Guerrero et Koen Augustijnen: perte et retrouvailles

Une fois de plus l'être ensemble dans une communauté fait office de pré-texte, de pré-mouvement issu de la culture populaire grecque. A partir de l'étude approfondie du "miroloi" de l'Epire, danse ancestrale qui évoquent le départ, la perte et l'absence.La terre, les racines, la nostalgie y sont convoquées sur une musique lancinante, chants de lamentation. Une danse incarnée, faite de rituels pour se reconstruire dans le groupe!Résonances qui se retrouvent sur le plateau, ici et maintenant pour une transposition contemporaine de toute beauté, les costumes y ajoutant des touches de couleurs virevoltantes.Un marathon de danse fusionnelle entre les corps sur le plateau nu, danse "étrangère" à la culture des deux chorégraphes, auscultée avec respect, pertinence.S'emparer d'un matériau existant pour le modeler, le transmettre et interroger la notion d'héritage, voilà le propos très convaincant de cette démarche artistique . La danse y est fulgurante, hypnotique, performante, fougueuse Folie, sorcellerie à l'appui pour se perdre dans l'épuisement, le don de soi, la perte.Être ensemble pour se tenir debout, faire la ronde ou dévoiler sa virtuosité en solo, tout concourt ici à la vision d'une certaine utopie de la communauté retrouvée Du moins, celle des danseurs arpentant le plateau à l'envi.

A la cour minérale Avignon université

 

"Sonoma" de Marcos Morau: la faculté de l'imaginaire

Dans la cour du Palais des Papes, le choix d'une "signature" chorégraphique est fondamental.Sur le plateau immense sont lancées comme des catapultes des personnages tourbillonnants, glissant sur le sol comme des poupées jouets téléguidées Effet de choc sur fond sonores d'exclamations tonitruantes.Un déferlement d'énergie féminine en vision d'images cinématographiques inspirées du cinéma de Bunuel que le chorégraphe chérit et admire.Séquences oniriques, rituels très construits, les péripéties de ce petit monde vont bon train.Tambours battant, tout s'agite, se meut parfois de façon mécanique, intrigante. Toutes ces femmes fébriles oscillent, se débattent obéissent à une loi de la vitesse extrême, de la virtuosité. C'est une perspective envahissante, à la démesure du plateau judicieusement investi. Le rythme sauvage et tenace tient en alerte instinctive face à l'absurde, à la désorganisation apparente des séquences.Du Christ à Dionysos sont convoqués des tableaux surréalistes, des scènes décousues s'enchainent pour planer dans le rêve et l'irréel.Religion paysanne et brute comme credo spectaculaire, naïf, bon enfant comme ces déplacements robotiques, costumes délirants de rondeur, de crinoline blanche vaporeuse et tournantes si fascinantes.Sonoma comme figure de proue d'une expression contemporaine des coutumes métamorphosées.Révolution de palais au coeur de la cité papale!

A la Cour d'Honneur

LES CHEFFES DE FILE DU FESTIVAL IN


"Liebestod" de Angelica Liddell : Belmonte de toréer et de travers !

On la retrouve avec curiosité, ce trublion, électron libre du théâtre dansé, de la satire, de la diatribe Politiquement et poétiquement incorrecte Angélica se frotte ici au toréro, figure masculine par excellence, figure du condamné à mort volontaire, macho, puissant ou désuet devant la bête.  Taureau de pacotille pour partenaire sur fond de barrières d'arène frontale, de rambardes protectrices révélant d'autres icônes cachées Car elle y va bon train nous traquant, public, spectateurs, gens du spectacles pour mieux insulter, vilipender le petit microcosme environnant!Sa parole est de taille, sa voix tonitruante qui ne lâche pas le morceaux plus de deux heures durant.Un homme entouré de chat pose en figure sculpturale et passe en traversant la scène...Les visions et images sont incongrues, décalées, surréalistes.Angelica conte et raconte en même temps qu'elle trempe son pain dans le sang de ses menstrues.Imperturbable, indévissable, elle éructe, piaffe, hurle son désaccord, sa désaffection pour ce monde.Abrupte parodie, brute de coffrage, sans concession.Un taureau pour partenaire, une Carmen à vif, mordante, incisive, calomnieuse, injurieuse, féroce!En robe blanche à frou-frou, elle conte sans relâche, danse, se cabre et sans respect frappe et touche son entourage.Un cul de jatte l'accompagne et la transforme en vision de pieta, madre ou matrone, sainte ni touche sans gêne et sans vergogne.Sexe et beauté, rudesse douleur et rage font son fond de commerce, sa boutique fantasque, portes ouvertes.Angelica Liddell en toréador, costumée de paillettes, féminin ou masculin en figure de proue: la bête est féroce, l'ange est divin ou féroce.... Un rituel déflagrateur en hommage à l'art de toréer, de frôler la mort grâce à l'Art de vivre l'impossible dans l'acte de créer.Instant sublime de la transfiguration spirituelle, de l'offrande, du sacrifice.Angelica désire être possédée, fécondée par le taureau, l'homme.Ou son public avec qui elle entretient une relation phallique, érotique, pénétrante.Sur l'autel du plateau, elle se livre, se fait dévorer autant qu'elle dévore.

A l'Opéra Confluences


"La trilogie des contes immoraux" (pour Europe) de Phia Ménard: érection à gogo !

Phia de Saint Phallus!

D'un trublion à l'autre, il n'y a qu'un pas et Phia Ménard succède à Angelica Liddell avec une résonance particulière. Seule sur le plateau elle se met à tenter de maintenir, de construire une immense maison de carton prédécoupée, préfabriquée C'est "La ruée vers l'or" où Chaplin tient à bout de bras sa maison qui bascule. Travaux d'Hercule, rocher de Sisyphe, l'édifice chancelle puis se dresse enfin. Tronçonneuse au poing Phia Ménard, super woman, découpe son cocon en autant de pétales. C'est irrésistible de comique, de burlesque et de détachement La pluie tombe hélas sur sa niche utopique qui s'effondre en bouillie devant elle...Vision encore chapelinesque et performance technique gigantesque pour cette pluie battante qui transforme la scène en lac reflétant son image ! La séquence suivante s'enchaine, Phia disparait nous quitte pour une cantatrice conteuse japonaise qui va se faire bâtir par quatre esclaves en noir anonymes, des châteaux de cartes, des tours de Babel monumentaux A la démesure de l'évocation de la tour, de "la bite" en érection qui hante les fantasmes des architectes et de l'humanité!La construction à vue, sans filet de ses édifices inutiles est danger et risque permanent qui tient en haleine. Notre guerrière punk toujours sur le front de la lutte et de la désobéissance La maison mère qui s'écroule, autant que ce Parthénon qui s'érige font figure de mythe contemporain. Pour "un parlement des corps" une agora du politique, Phia Ménard est à l'endroit sur la place publique du théâtre pour signifier en XXL la petitesse ou la grandeur de nos actes. Un spectacle inoubliable, conte fantastique, science friction salutaire et vision dantesques à l'appui Du grand Art !

A l ' Opéra Confluences