mardi 3 août 2021

"Murs" de Mehdi Meddaci : un récit chorégraphié sur la chute des corps.

 Cette œuvre restitue un voyage sans issue : Murs (2015), de Mehdi Meddaci, est une installation filmique qui s’étale sur cinq écrans géants. Le récit, sans pathos, met en scène un aller-retour du père de l’artiste entre Marseille et Alger. Une simple histoire familiale ? Pas seulement : une manière aussi de croiser souvenirs et histoire. Sans prétendre que l’eau conserve la mémoire, écoutons Borges : « Se pencher sur le fleuve, qui est de temps et d’eau / Et penser que le temps à son tour est un fleuve / Puisque nous nous perdons comme se perd le fleuve / Et que passe un visage autant que passe l’eau. »

Sur les cinq écrans, les corps chutent lentement, se dirigent vers le sol comme autant de corps mourants qui se laissent choir sans espoir de rebond.Le fondu de la matière charnelle se dilue, se décompose , fluide comme un liquide qui se transforme: le corps est eau, liquide, revendiquait Jan Fabre dans son œuvre scénique et chorégraphique. Les corps voyagent sans se déplacer, sur des sols qui se meuvent, bougent: le bateau est prétextes à une traversée et géographique, et spatiale dans les espaces séquencés par les cinq écrans.Tantôt les images sont distinctes, tantôt elles se répètent et rythment la narration pour une clarté, une limpidité aqueuse. Sur les bancs de l'embarcation, sur le pont, vide, déserté, un seul corps chute, se ploie,et se répand au sol. Comme déroulant ses membres, décontracté, laxe, désinvolte mouvement récurent tout le long du film de 45 mn qui sait tenir en haleine sans fléchir.On y reconnait la voix puis les attitudes de Reda Kateb et les autres "acteurs" danseurs, figurants ont la part belle lors de séquences de chutes individuelles, aériennes de toute beauté: une immersion dans l'éther, proche de l'eau aussi, fluide: comme dans "Tombe avec les chaises" de Robert Cahen...Ou une immersion à l'inverse chez Garry Hill.

Pour la partie citadine, proche du 104 lieu de résidence de l'artiste, la chorégraphie de groupe est signée Rachid Ouramdane: "Dans cette production Rachid Oumradane vous a aidé ?On n’a pas travaillé ensemble, il m’a aidé pour des plans qui soient libres comme des performances éphémères. Le geste chorégraphié des gens qui tombent sur le pont bleu pour 30, 40 personnes ce n’est pas si simple à réaliser, on a fait des plans spécifiques avec les conseils de Rachid pour que personne ne se blesse et que les mouvements soient harmonieux."


« Murs » est une installation vidéo à dimensions variables, la vidéo représente la trajectoire inversée de l’immigration, de l’Europe à l’Afrique. A rebours, les migrants traversent la méditerranée, de Paris à Alger, en passant par Marseille. Le ralenti sur les gestes évoque la contemplation, la mémoire et le questionnement du migrant permettant au spectateur de s’immerger dans les pensées des personnages face à l’exil et à la solitude. Dans l’installation, une forêt de lampadaires recrée la verticalité de l’espace urbain qui s’oppose à l’horizontalité de la mer, dernier bastion avant le retour au pays.

Sur les cinq écrans, les scènes sont juxtaposées, induisant un montage dans lequel les séquences se détachent, se complètent et s’accentuent les unes par rapport aux autres, créant ainsi un rapport à l’espace et au temps bien spécifique. La vidéo, traversée par différentes temporalités et différents espaces permet d’accélérer ou de ralentir le rythme de la narration. Cette trajectoire inversée nous questionne ainsi sur le principe de l’immigration, ses attentes, des désillusions et ses échecs.

"Mon travail plastique demeure distancié, de l’ordre du poétique, témoignant d’un attachement profond à l’espace méditerranéen. Il se construit par strates sous forme de dispositifs ou de modules autonomes comme Corps traversés (2007), Lancer une pierre, (2008) ou Sans-titre, Alger la blanche (2009) qui mettent en résonance photographie, vidéo et cinéma. À l’image d’une « mer au milieu des terres », tout réside dans le déplacement, entre son et image, document et artifice, vacillement des corps et prégnance des paysages. Le montage entretient chez le spectateur un certain désir de déconstruire pour reconstruire, donnant de l’importance à la présence de mondes possibles. Le visible est porté par l’étrange sensation d’un manque, celui d’une Histoire, peut-être. En altérant les signes d’apparitions de cette Histoire, je tente de réaffirmer une continuité menacée, aux limites de la disparition. Mes images montrent de manière littérale ou métaphorique un motif, un corps immergé entre deux rivages. Des personnes cadrées frontalement mais absentes, ancrées dans un décor et un contexte socio-politique fort, mais en errance profonde. Paradoxalement, c’est dans l’attente, contre le mur, que le besoin de traversée, de retour, est le plus perceptible. Murs apparaît comme un paysage, un territoire. Les situations et les gestes, saisis dans ce qu’ils ont de plus ordinaire, à la limite du document, forment le contexte nécessaire à une histoire : à un défilement du temps. Il s’agit d’une installation vidéo sonore de cinq écrans pensée en simultané avec le film Tenir les murs, destiné à la salle de cinéma. Murs comprend l’intégralité des prises de vues du tournage. Tentant de montrer obsessionnellement l’écroulement de la fiction, l’installation élargit la vision et propose des ellipses de certaines séquences : un possible suicide, l’intervalle d’un pont bleu et le retour par la mer. Toutes ces situations forment le contexte nécessaire à la création d’un « mur de signes ». L’éclatement de la durée se propose alors comme un flux, érigeant la fragilité d’un événement réel : la trajectoire inversée d’un exil sur l’image d’Alger."

Il est diplômé de l’ENSP et du Fresnoy. Il vit à Paris, explorant la vidéo, l’installation et la photographie. Ses oeuvres sont entrées dans les collections du CNAP et de Neuflize. Prenant racine dans la vie des populations issues de l’immigration dont il partage l’histoire, Mehdi Meddaci ancre son travail dans l’espace méditerranéen.


Le travail plastique de Mehdi Meddaci se construit par strates successives sous forme de dispositifs ou de modules autonomes qui mettent en résonance photographie, vidéo et cinéma. Tout dans ses œuvres réside dans le déplacement, l’intervalle, l’espace « entre », entre le son et l’image, entre le document et l’artifice, entre une rive et l’autre, entre mémoire et utopie, entre le vacillement des corps et la prégnance des paysages.

À l’image de Murs, qui montre un corps regardant défiler le Temps. Mais surtout un geste d’une violence sourde et muette qui garde en lui les tensions inhérentes du seuil pour ne pas oublier l’exil. Paradoxalement, c’est dans l’attente, contre le mur, que le besoin de traversée, de route et de retour est le plus perceptible. Murs apparaît alors à travers un paysage, une terre, un territoire, mais les situations, les dialogues et les gestes, saisis dans leur vérité, à la limite d’un document, forment le contexte nécessaire à une histoire : à un défilement du temps.


Les territoires de l’eau.
jusqu’au 26 septembre, Fondation François Schneider, 27, rue de la Première-Armée, 68700 Wattwiller.

mardi 27 juillet 2021

"Je suis lent" de et par Loïc Touzé : une lec-dem pour rendre le geste dansé "s'abordable" !

 


"JE SUIS LENT
" création de  2015 conférence performée


 

"c'est là quand je m'y attends le moins que  parfois la danse surgit" 

"Le parcours d’un danseur est une longue quête, le cheminement d’un corps traversé de figures, d’images et de gestes. Dans cette conférence dansée, Loïc Touzé raconte l’histoire de la danse contemporaine à l’aune d’un récit intime, de sa formation à l’Opéra de Paris à la création de son propre langage chorégraphique, en passant par la nouvelle danse qu’il rejoint au milieu des années quatre-vingt. Délaissant la virtuosité du ballet, en chemin il apprend la paresse et le goût de l’égarement, l’humour et la délicatesse."Victor Roussel

Dans le cadre de "la traversée de l'été" le TNS invitait Loic Touzé, enseignant entre autre à l'école du TNS pour nous laisser voir et entrevoir sa conférence performance  "je suis lent". Une initiative pertinente pour découvrir ce danseur chorégraphe, seul sur le plateau qui nous expose tout l'art de se défaire d'une formation corporelle formatée aux mesures de l'excellence de la danse classique.Alors il taille dans le vif du sujet et se présente dans une tenue sobre et simple: autobiographie promise à bien des rebondissements.A le voir on ne l'imagine pas dévorer l'espace dans un ballet classique en collant moulant!Félin, malin, le verbe prolixe, la paroles et le verbe posé, ancré, il conte ses déboires, ses aventures qui l'amènent par étapes successives à se questionner sur les capacités de son corps à peu à peu se "détacher" de ses marques et traces d'apprentissages et de fixation des codes classiques dans sa chair, ses muscles profonds, sa pensée.Ça touche, ça fait mouche tant la modestie et la sobriété de ses propos sont clairs, efficaces, abordables, compréhensible par tout un chacun Et pourtant sa formation de haute voltige pourrait impressionner et décontenancer, exclure ou écarter. Nenni, sa convivialité, la sympathie que la chaleur de sa voix induit, font passerelle et le lien étroit s'établit entre lui et le public Sa danse est lisible, abordable, comique ou lyrique, "maitrisée" dans la décontraction, le lâché prise qu'il convoite et parvient à "atteindre" au fil des expériences de groupe, des chorégraphies, des situations insolites qu'il crée pour éprouver un parcours du combattant. A l'envers, à l'endroit pour se défaire du tissus de sa chair imprimé de figures imposées. A l'opposé, à l'envers du décor, à l'endroit où il faut être pour y être bien, juste à point nommé: ici et maintenant, centré, présent à sa danse. Devant nous c'est chose faite et le "discours" est limpide tant le corps exprime en gestes, mimiques, poses ou sourires ce qui sourd de ses lèvres, ce qui s'ouvre à nous à travers son regard, sa longue silhouette à la Jacques Tati : un joli "petit trafic" d'armes naturelles pour gagner les faveurs de la danse et de son éternel déplacement des conventions. Comme message, mets-sage , entremets d'un banquet platonicien. "Je suis lent" et je le sais semble-t-il nous faire passer comme idéal !Un ours géant en peluche comme mascotte idéale de lâché prise!

Au TNS LE 22 JUIN 20H

41 Festival Montpellier Danse 2021: fertiles rencontres de genres...chorégraphiques!

 Montpellier danse interroge, bouscule, conforte la vision contemporaine de la Danse et de toutes ses ramifications


"Pour" et "Laborious song" de Daina Ashbee: danse maïeutique, catharsique !

Une pièce taillée sur mesure qui se transmet à une autre interprète: un exercice qui questionne l'écriture chorégraphique et fait de ce solo "Pour""autobiographique" une page universelle sur le corps de la femme. Une dédicace à la condition féminine intime, violente, sans concession.La nudité y est reine et fondement des propos de la chorégraphe.Elle "accouche" littéralement de tout son utérus, de tout ce que Marta Graham nommait "tension relaxation": la masse corporelle qui se fond au sol, le dilue puis agace la pesanteur corporelle.Le corps en force, appui, rebond, tremblements et vibrations d'un spasme utérin.Un solo féminin, un corps sculpté par la lumière et la sueur corporelle pour aiguiser une sorte d'indécence, de voyeurisme discret au regard de la dépense qui se joue devant nous La danseuse frappe, rebondit au sol, se tape et ausculte sa chair, sa densité pour mieux faire résonner et raisonner sa pensée de muscles vivants, percutants.Le magma charnel qui se forge ainsi, éclabousse de rythmes, de percussions de chair .

Au studio Cunningham Agora


Quant à "Laborious song" c'est le volet masculin qui s'expose: processus de carnation à vue, de masse toujours d'espace plus large pour le danseur qui arpente son territoire Le danger s'y fait ressentir, signe "masculin": bonds, ruades, bascules et sueur, chair à vif. On rejoint le solo féminin en observant la sculpture du corps, on entre en empathie avec la beauté incarnée du râle, de la jouissance qui suinte de cette évolution si proche de nous.Au final, c'est un flot de musique qui se déchaine et envahit le plateau Tout se déchaine, enveloppant corps et lumières pour célébrer le labeur, la danse au travail et tout ce qui travaille et traverse le corps.

Au Hangar-théâtre 


"Ineffable" de Jann Gallois : multifaces !

Elle est dans ce solo, danseuse, musicienne et dévoile des talents encore méconnus. Les percussions, simples et dociles lui proposent un décor fait d'instruments occupant son temple zen: une belle maitrise du gong, qui trône tel un instrument plastiquement probant.Chamane, officiante d'un rituel transmissible, elle danse , solo fluide, déployé, intime.Morceau de bravoure: des mimiques, poses, attitudes à la Chaplin lui donnent l'occasion de révéler des talents de comédienne, de corps "muet" si éloquent!Dans une cage de fer, sorte de pupitre,tribune de palais de justice, la voilà quittant les codes pour se métamorphoser en corps muet si éloquent !Soliloque gestuelle, plaidoirie comique d'avocat ou rhétorique pleine de charme et de précision de jeu: une piste à creuser pour cette interprète prolixe! Une bascule circassienne pour accessoire pour une envolée lyrique très pesée, maitrisée et c'est le retour au rituel, à la prière votive, au recueillement. Un exercice personnel assez convaincant où tout vouloir dire n'est pas toujours exciter l'attention.

Au studio Bagouet Agora


"Nuit" de Sylvain Huc : ordre du jour!

Un trio s'empare du plateau, fulgurante entrée en scène dans un décor de pendrillons noirs laissant une issue en perspective, sortie ou bassin de réception tectonique...La nuit sera pré-texte à une danse fluide, limpide, translucide, évidente.Vertige d'un espace qui fuit vers l'arrière comme aspirant les corps vers le gouffre nocturne.La danse est véloce, entuilée entre les trois partenaires, unis, désunis à l'envi.Le résultat est hypnotique, envoutant et fébrile, sur le fil d'une narration des corps qui fuient, glissent, se dérobent Un paysage géologique fait de failles, de brèches ouvertes où s'immiscent le "suc" de la danse comme un élixir distillé par la porosité des matières corporelles en fusion Métamorphiques en diable pour un relief d'ondes, de courbes de niveaux à suivre intensément du regard.Musique et silence après le grondement de l'avalanche.Sylvain Huc en géologue du corps, stratifiant les couches , palimpseste ouvert du mouvement des plaques.

Au théâtre de la Vignette


"Counting stars with you (musiques femmes) de Maud Le Pladec: manque de souffle....

La musique traverse les préoccupations chorégraphiques de l'artiste depuis longtemps: il est ici question d'aller plus loin en faisant émettre, chanter, psalmodier les danseurs eux-mêmes Souffles, voix, émissions a cappella, les vecteurs du son corporel sont multiples, le chorus est berceau de la tragédie.Six danseurs s'inspirent du chant médiéval polyphonique, en solo, en choeur, ancrés au sol ou lors de divagations dansées.Le chant semble plus ou moins maitrisé alors que la pièce va bon train sans encombre. Au final, c'est un show parodique, micro en main, qui met du piment dans cette démonstration inégale de l'impact de la voix dans l'art chorégraphique.Ça sonne hélas souvent faux et les notes s'emballent au profit d'un méli-mélo prétentieux et vraisemblablement trop ambitieux Questionner la musique, c'est d'abord en faire et ne pas simuler des compétences à demi assumées.

Au Théâtre de l'Agora


"Chapter 3 : The Brutal Journey of the Heart" de Sharon Eyal et Gai Behar: tectonique du coeur !

Neuf danseurs détonants sont lancés sur le plateau comme des salves ou catapultes et la tornade démarre! En justaucorps seyants comme une seconde peau tatouée à la Wim Delvoye, les voici, entrainant dans une spirale musicale et spatiale à vous couper le souffle! Une performance que la chorégraphe visionnaire pose et impose aux danseurs, galvanisés par cette danse "gaga" mêlée de rebondissements surprenants.A tout corps, à tout coeur pour cette as, cette dame de coeur illustrés sur les costumes par Maria Grazia Chiuri: on songe aux coeurs de Jime Dine -exposés d'ailleurs à l'Hotel Richer de Belleval- Chorus ou individus déjantés, la danse prend ses quartiers une heure durant, flux sans cesse ré initié par une énergie, un tonus incroyable...Unissons décalées, déstructurées,où chacun se meut, bassin déplacé, doigts écarquillés, sur la pointe des pieds toujours, faisant figures de faunes aux sabots surélevés! C'est satanique en diable, hypnotique à fond tant l'engagement est de tous les instants. Pas de relâche ni d’entracte pour cette performance hallucinante, envoutante!Joie, jubilation cathartique au menu.Sur des musiques dingues on ressent une empathie totale avec les danseurs Quelques "poses"arrêts sur image salvateurs pour calmer la tectonique furieuse, rageuse d'architectures corporelles sidérantes

A l'Opéra Comédie


"Transverse orientation" de Dimitris Papaioannou: tableaux vivants

Son art est pictural, protéiforme: démiurge de la mise en scène chorégraphique, le chorégraphe excelle dans les extrêmes et offre des icônes saisissantes, en mouvement, déplacements toujours surprenants, inventifs.Des tableaux se font et se défont à l'infini, à l'envi. Du taureau du Minotaure dans un labyrinthe de propositions picturales à l'oeuvre il fait un personnage aux côtés des huit danseurs sur l'immense plateau du Corum. La danse résonne en hybrides, en monstres de chair nue et passive; une vierge accouche, un printemps de Botticelli se dessine, Vivaldi exulte...Ce chaos est resplendissant, bizarre, énigmatique, impressionnant les sens en éveil.Tectonique des plaques, la mise en scène est digne d'un Fellini...grec! Une nymphe se baigne et se dilue dans un lac idyllique bain de jouvence,paysage romantique à souhait.Peu ou quasi pas de danse, absence délibérée de Terpsichore pour cette muséographie de la lumière changeante.Des êtres manipulés sur une échelle, illustration en silhouettes noires comme autant de petits démons, pantins à tête d'épingle surdimensionnées aux allures de pions, de marionnettes Des images et encore des images foudroyantes de construction, de beauté, s'enchainent.Humour stylé animé des meilleures intentions picturales!Nudité aussi dépouillée pour montrer le corps qui s'expose, se montre dans sa plastique sculpturale.Réanimant le défilé d'une histoire de l'Art possible. En format renaissance, 16 ème très cinématographique, cette oeuvre dans sa largeur, amplitude et envergure est un chef d'oeuvre de meilleur ouvrier de danse. Esthétique du beau et de la métamorphose des corps qui s'imbriquent, siamois hydre à deux têtes ou chimères fantastiques.Mystique et spiritualité de concert.Une sirène debout sur sa queue qui oscille pour figure de proue de ce navire chavirant, ivre de spendeur décousue.

Au Corum


"en son lieu" de Christian Rizzo: à l'endroit, vous êtes ici !

Le solo est une "petite forme" qui va si bien à Christian Rizzo! Renouant avec ce style court et sobre, la pièce est portée par Nicolas Fayol, danseur hip-hop, pétri de délicatesse, de fluidité, de rebonds subtils.Apuis au sol, reptations, vélocité pour exprimer une solitude volontaire, ancrée, vécue au plus profond des muscles. Marcheur, arpenteur, plié, glissé il va et vient dans une forêt de micro sur pieds sur fond de cloches suisses dans des paysages alpestres ainsi convoqués: par le son, le frisson des fréquences, des tintillements sonores.Des fumées envahissent ce désert comme dans une oeuvre du plasticien Laurent Grasso et ses brouillards menaçants qui avancent de front sur vous!Des lumières rougeoyantes de soleil couchant façonnent une atmosphère unique d'au delà, d'errance, de beauté.La grâce et la rédemption se font jour dans une nudité silencieuse, ralentie, apaisée.En son temps et lieu, ici et maintenant dans une altérité confondante de sobriété.

Au studio Bagouet


"Deleuze/Hendrix" de Angelin Preljocaj: l'éthique du corps spinozien

Angelin excelle dans les rencontres, de pensées, d'espaces, de disciplines: le voici en compagnie d'un philosophe qui questionne le corps et d'un musicien habité par la performance. Une gageure à la hauteur de l'ambition de pouvoir et savoir restituer une pensée en mouvement, un savoir évoluer au fil du temps.Les prises de Paroles de Deleuze lors de ses collèges sauvages de ses interventions révolutionnaires sur des sites éphémères sont à écouter alors qu'évoluent face à nous sa danse tonique, duelle, en portés et portées musicales adéquates.L'immortalité comme sujet de débat spinozien entre autre Au tableau de ces facultés universitaires, des graffitis "moi" "chien" que les danseurs griffonnent comme des icônes corporelles, empreintes de corps plaqués à la Keth Haring. Composition constante et changeante des huit danseurs sur une musique galvanisante: justaucorps pour faire apparaitre tous les signes, phares de la danse de Preljocaj: virtuosité, enthousiasme de ces transports jubilatoires...Courbes, traces et signes dans l'espace.Les unissons sont drastiques, tirées au cordeau; la rigueur performante est au diapason du discours deleuzien: de "crétin" à "idiot" que peut raconter le corps sinon en rire. La sensualité toujours présente dans cette ambiance réfléchie qui avance et chemine sur la peau du monde.Cela ne fait pas "un pli" !

Au Théâtre de l'Agora

Une fois de plus le Festival Montpellier Danse donne l'occasion de rencontrer les chemins de la création chorégraphique au carrefour du monde.