dimanche 19 septembre 2021

"Terra mémoria": le quatuor Adastra sur les terres de l'éternel "vivant" !

 



 
Dans son livre Au bonheur des morts, la philosophe Vinciane Despret affirme que les défunt·e·s restent parmi nous et interfèrent dans nos vies : « La charge de leur offrir “plus” d’existence nous revient », affirme-t-elle. Cette vision constitue la trame profonde du programme du Quatuor Adastra. 
 
Clara Olivares
Murs et racines (2021)
création mondiale  Clara Olivares,  rend hommage à Christophe Bertrand – parti tôt mais toujours parmi nous – dont la découverte du Quatuor II à Musica en 2011 la décida à s’engager dans la composition. Et cela se révèle dans la douceur des cordes, le phrasé et la syntaxe lente, ascendante de l'unisson des cordes, comme feutré, presque étouffé, simple et quasi silencieux. Hommage discret et pudique, respectueux et cependant plein d'alan et de virtuosité!
 
Kaija Saariaho
Terra Memoria (2006)  Kaija Saariaho dédie Terra memoria « à ceux qui nous ont quittés », transformant la matière musicale en métaphore du souvenir et de sa réanimation.Avec son talent "habituel" on retrouve ici l'écriture sobre et relevée de la compositrice La "petite" formation de chambre lui donnant l'occasion d'exprimer à mi-mot, à mi-voix un sentiment profond de gravité tinté d'accent céleste et brillants rehaussés par une interprétation extrêmement précise, dans l'apnée de silences suspendus aux regard de chacun des interprètes à l'affut les uns des autres....
 
Christophe Bertrand
Quatuor II (2010):c'est le coup de claque, la gifle du concert qui révèle une fois de plus le talent du "défunt": audace, tonicité, vivacité des cordes, les archets, tendus vers le ciel en autant d'interruptions scandant l’œuvre qui vogue dans le vent turbulent du rythme et des intonations riches en harmoniques. Tectonique de l'écriture affirmant une présence et une profondeur glaçante autant que chaleureuse. Une pièce pleine de charme réel, sans fard, abrupte parfois au caractère bien trempé, debout, droite et cependant pleine de liberté! Le quatuor au mieux de sa forme au sein de la petite salle de la Halle Citadelle, pleine à craquer pour cette matinée dominicale.

Quatuor Adastra

1er violon | Julien Moquet 2e violon | Ernst Spyckerellealto | Marion Abeilhou violoncelle | Antoine Martynciow

 
dimanche 19 septembre 2021 — 11h00
Les Halles Citadelle dans le cadre du festival Musica

 


samedi 18 septembre 2021

"Rothko untitled 2": s'immerger dans l'espace théâtral du peintre

 


"Comment peut-on partager l’émotion que l’on ressent face à une œuvre d’art ? Claire ingrid Cottanceau, artiste plasticienne et performeuse, et Olivier Mellano, compositeur et guitariste, proposent une expérience sensorielle, rêvée à partir de la peinture de Mark Rothko (1903-1970). Il n’est pas ici question de biographie ni de commentaire des œuvres. Elle a créé un espace fait de lumières surgies du noir, aux couleurs changeantes, comme des tableaux mouvants, et elle donne voix au Poème de la chapelle Rothko de John Taggart. Lui joue en direct de la guitare électrique, sa composition guide et accompagne la rythmique du poème et le trio vocal des Voix Imaginaires. La chorégraphe Akiko Hasegawa les rejoint ici le temps d’une performance dansée. Une invitation à perdre les repères d’espace et de temps, à se laisser porter par la vibration du présent."

Une nuée de brumes opaques déferle sur le plateau, diffuse comme une marée de vagues, fluide, évanescente. On entre peu à peu dans le flou de la peinture roue, noire de Rothko, ici immense toile moirée de lumières. S'introduire ainsi dans l'espace éperdu du peintre, dans son univers dont on rêve de défier l'apesanteur autant que la suspension mobile des teintes qui flottent, est rendu possible par une scénographie habile à traverser les frontières. Entre textes lus à demie teinte, voix de chanteurs inspirés par les accents médiévaux et danse, se distille l'esprit de la peinture du plasticien des profondeurs. S'y révèle par instants comme une photographie mouvante, les contours d'un corps qui danse. Telle une évocation de la danse des profondeurs, le buto, la danseuse se fond dans l'atmosphère et vogue dans l'espace comme une icône qui se révèle, se répand sur et dans la toile. Faire vivre et vibrer les gestes du peintre, déborder du cadre, respirer la profondeur de champs.La scène comme une dimension supplémentaire de la peinture, honorée aussi par la musique live d'un guitariste en proie aux tressaillements de la luminosité. Ça vibre à l'envi et l'on pénètre alors dans la densité de la matière picturale, évoquée autant par la musicalité des mots que par les notes de musique forte et massive. Le rouge et le noir comme densité affirmée de la présence vibrante d'une œuvre augmentée, adaptée à un autre territoire: le plateau et ses chanteurs et lecteurs. Et quand survient le mouvement dansé, c'est une marque idéalisée de la présence révélée de la vibration dans l'oeuvre de Rothko. Une dimension spirituelle qui sied à merveille à celui qui interrogea avec tant de perspicacité la véracité de la profondeur de champs et de la tentation de traverser en passe muraille l'opacité du miroir.

Au TNS jusqu'au 20 Septembre, présenté dans le cadre du festival MUSICA 

Claire ingrid Cottanceau est artiste plasticienne, actrice et collaboratrice artistique de nombreux metteur·e·s en scène. Le public du TNS a pu la voir dans Incendies de Wajdi Mouawad, mis en scène par Stanislas Nordey (2016). Olivier Mellano est compositeur, improvisateur et a participé à de nombreuses créations théâtrales, composant la musique et jouant parfois en direct sur le plateau. En 2018, ils ont présenté au TNS leur première création commune, NOVA - Oratorio, d’après des extraits de Par les villages de Peter Handke.

"Schnee" par l'ensemble Recherche : tombe la neige.....

 


Hans Abrahamsen
Schnee (2008)

Affilié au courant de la « nouvelle simplicité » dans les années 1970, le compositeur danois Hans Abrahamsen a assumé dès ses débuts un retour à la mélodie et à l’harmonie tout en suivant les enseignements de György Ligeti. Sa pièce phare Schnee, d’une économie de moyens radicale, est une réflexion sur le motif du canon, sur les jeux de perspective et l’absorption de l’écoute. Il neige en musique. Toujours identiques et pourtant toujours différents lorsqu’on les observe à la loupe, les flocons sonores sont égrenés dans l’espace. Doucement, ils passent d’un instrument à l’autre, fondent ou se figent dans une atmosphère hypnotique. 
 
Et sous les archets des cordes s'égrènent les sonorités comme autant de touches impressionnistes d'un tableau de Pissarro...Tintinnabules quasi insonores, discrètes pour former un léger tapis blanc de cristaux étincelants. Alors que le piano ponctue en touches fugaces ces infimes notes qui glissent comme un voile sur la vitre d'une fenêtre. Ici tout invite à la poésie, au calme et à la sérénité; Interviennent les vents pour souffler à la surface de l'espace, la musique toujours belle et retenue, suspendue aux légers caprices du souffle d'Eole. Et si la blancheur soutenait la douceur et le recueillement, ce serait bien celle de cette oeuvre, liée au conte, à l'histoire qui relaie la narration des instruments Et si chacun d'entre eux était fée et elfes pour conter l'éphémère, la chute légère et diaphane des flocons de neige. Les percussions comme autant de caresse sur le bois d'un établi devant le cercle joyeux du gong.Schneewittchen en héroïne tout de blanc vêtue, virginale, offerte en rêverie et autre voyage à travers le temps et l'espace sonore.

flûte | Mario Caroli
hautbois | Eduardo Olloqui
clarinette | Shizuyo Oka
violon | Melise Mellinger
alto | Paul Beckett
violoncelle | Åsa Åkerberg
percussions | Christian Dierstein
piano | Klaus Steffes-Holländer

Dans le cadre du festival MUSICA présenté avec l'Opéra National du Rhin

samedi 18 septembre 2021 — 11h00
Les Halles Citadelle