jeudi 23 septembre 2021

"Artificial environments":des objets picturaux sonores inédits

 


Joanna Bailie observe des situations, les saisit sur le vif, les donne à voir et à entendre. Il y a chez elle quelque chose de la peintre ou de la photographe. Elle introduit le monde extérieur dans la salle de concert, mais ses paysages sonores, loin d’être de purs objets de contemplation, embrassent également la fiction, la mémoire et le sens critique – avec une touche d’espièglerie so british. Dans ses Artificial Environments ou sa nouvelle pièce A giant creeps out of a keyhole, des enregistrements de terrain minutieusement orchestrés se superposent à la vidéo ou à une imagerie mentale, tandis que la compositrice guide l’écoute de sa propre voix.


Joanna Bailie
Balloon-anvil (2018) pour vidéo et électronique, création française

Une image de cartoon, un coyote sans doute, une enclume et un ballon se révèle lentement sur l'écran vidéo, sur fond jaune et oscille au son d'une musique unilatérale: les contours de l’icône se précisent, dessinent un environnement hostile: montagne, crevasse, abime. On songe à des aventures rocambolesques de cet animal, étiré, pris au piège et la lumière crue déséquilibre cet édifice musical étrange, atypique...


Artificial Environments 1-5 (2011) pour ensemble et électronique

Ce sont ici les cordes et le piano qui vont soutenir la vidéo, les sur-titres et cette voix lointaine qui guide la narration. Calme, évocation d'une nature et d'un espace à vivre, tout ici concourt au voyage, certes abstrait plus que matérialisé: quatre petits chapitres comme des pages d'un livre qu'on tourne alors que la grâce des gestes de Lin Liao fait le reste.

A giant creeps out of a keyhole pour ensemble électronique et vidéo (2021) création mondiale

Du grand art de la superposition autant que des correspondances entre bande son et formation acoustique. La pièce déroule ses accidents sonores, ses volutes aériennes, ses sons empruntés au quotidien comme aurait su le faire Cage.

Ensemble Contrechamps
direction musicale | Lin Liao

A la cité de la musique et de la danse le 22 Sptembre 20H 30

mardi 21 septembre 2021

"Deaf not mute" : sourd pas muet ! La leçon de "sourdine" en saynètes très "éloquentes" !Tirer la langue aux sous-titres!

 


Christine Sun Kim est une figure incontournable des arts sonores aujourd’hui. Sourde profonde de naissance, elle a développé une réflexion fondamentale sur l’écoute tout en luttant contre les préjugés dont est encore souvent victime sa communauté. Avec Deaf, not mute (Sourd·e, pas muet·te), elle prend la position de cheffe d’orchestre et dirige les musiciens dont les instruments sont altérés et assourdis. La partition, visible à l’écran, est composée à partir de sous-titrages descriptifs issus du cinéma et de la télévision. L’artiste nous montre ainsi que le son, au-delà du phénomène acoustique, peut être un puissant moyen d’expression – une voix politique. 

 Christine Sun Kim
Closer Captions, vidéo (2020)
conférence signée: à partir du constat que le sou-titrage de films concernant la musique est trop souvent incomplet, indigent, voire absent de sens, l'artiste offre ici un terrain de débat et de découverte de ce phénomène De même en audio description pour les mal voyants, il est rare de trouver des interprétations, transpositions justes, pertinentes Et la poésie, le style, la syntaxe sont insuffisants, voire absents de la problématique.


Deaf, not mute pour ensemble et vidéo (2019) création française  

Alors vint l'idée d'une collaboration avec des musiciens capables de se pencher sur le sujet et de se coller à cette suggestion: mettre en musique le sous-titrage inventif de Sun Kim et d'en faire une œuvre chamarrée, accessible à tous! Résultat convaincant, malgré une véritable gymnastique intellectuelle à opérer.Comment "entendre" pour l'artiste les sons, phrasés et autre sources sonores engendrées par les percussions et instruments à vent.Et bien d'autres problématiques liées à la mutité, à notre rapport à celui qui n'entend pas mais vibre et ressent la musique comme il est difficile de la décrire !Concert fait de saynètes musicales inspirées par du sous-titrage "signé" Christine Sun Kim! Joli florilège de sonorités, de gestuelle comique et très engagée de la part des musiciens, mimant à merveille des corporéités de situations physiquement ressenties et traduites par des gestes éloquents!Un débat complexe s'ensuit entre les artistes et le public, le plus croustillant étant le nombre impressionnant de traducteurs d'une langue à l'autre, celle des signes autant que les langues dites étrangères!

On songe à Hand Sign de Michel Paysant 


 

Ensemble Contrechamps
direction musicale | Christine Sun Kim

A la cité de la musique et de la danse le 21 SEPTEMBRE dans le cadre du festival Musica

dimanche 19 septembre 2021

"Terra mémoria": le quatuor Adastra sur les terres de l'éternel "vivant" !

 



 
Dans son livre Au bonheur des morts, la philosophe Vinciane Despret affirme que les défunt·e·s restent parmi nous et interfèrent dans nos vies : « La charge de leur offrir “plus” d’existence nous revient », affirme-t-elle. Cette vision constitue la trame profonde du programme du Quatuor Adastra. 
 
Clara Olivares
Murs et racines (2021)
création mondiale  Clara Olivares,  rend hommage à Christophe Bertrand – parti tôt mais toujours parmi nous – dont la découverte du Quatuor II à Musica en 2011 la décida à s’engager dans la composition. Et cela se révèle dans la douceur des cordes, le phrasé et la syntaxe lente, ascendante de l'unisson des cordes, comme feutré, presque étouffé, simple et quasi silencieux. Hommage discret et pudique, respectueux et cependant plein d'alan et de virtuosité!
 
Kaija Saariaho
Terra Memoria (2006)  Kaija Saariaho dédie Terra memoria « à ceux qui nous ont quittés », transformant la matière musicale en métaphore du souvenir et de sa réanimation.Avec son talent "habituel" on retrouve ici l'écriture sobre et relevée de la compositrice La "petite" formation de chambre lui donnant l'occasion d'exprimer à mi-mot, à mi-voix un sentiment profond de gravité tinté d'accent céleste et brillants rehaussés par une interprétation extrêmement précise, dans l'apnée de silences suspendus aux regard de chacun des interprètes à l'affut les uns des autres....
 
Christophe Bertrand
Quatuor II (2010):c'est le coup de claque, la gifle du concert qui révèle une fois de plus le talent du "défunt": audace, tonicité, vivacité des cordes, les archets, tendus vers le ciel en autant d'interruptions scandant l’œuvre qui vogue dans le vent turbulent du rythme et des intonations riches en harmoniques. Tectonique de l'écriture affirmant une présence et une profondeur glaçante autant que chaleureuse. Une pièce pleine de charme réel, sans fard, abrupte parfois au caractère bien trempé, debout, droite et cependant pleine de liberté! Le quatuor au mieux de sa forme au sein de la petite salle de la Halle Citadelle, pleine à craquer pour cette matinée dominicale.

Quatuor Adastra

1er violon | Julien Moquet 2e violon | Ernst Spyckerellealto | Marion Abeilhou violoncelle | Antoine Martynciow

 
dimanche 19 septembre 2021 — 11h00
Les Halles Citadelle dans le cadre du festival Musica