samedi 2 octobre 2021

"Talking Music": ouvroir de musique potentielle! Conte à rebours des temps modernes!

 


Philip Venables / lovemusic

vendredi 1 octobre 2021 — 20h30
Cité de la musique et de la danse

Une parole libérée : c’est dans le registre du storytelling que Philip Venables s’illustre sur les scènes de la création musicale. Entre intimité et vie publique, enjeux identitaires et engagements politiques, le compositeur nous démontre que tout peut être dit en musique.

L’entretien intime est le motif de ce concert d’un nouveau genre, à mi-chemin entre la séance psychanalytique et le talk-show dramatique. Projetés à l’écran, incarnés sur scène et modérés par un maître de cérémonie, les récits à la première personne sont omniprésents. Ils font le lien entre les oeuvres, mais pénètrent aussi en profondeur la matière musicale, lui servant de modèle et de contrepoint.

Judicieuse idée que de faire un concert agrémenté de commentaires anecdotiques et fort intéressants sur la genèse des œuvres et des rencontres entre le compositeur fétiche du groupe Love Music , le public et les artistes convoqués sur le plateau, au creux d'un divan cosy, à exprimer leurs passions et motivations C'est vivant et conduit de main de maitre par un monsieur Loyal vêtu d'un pantalon vert et chaussé de talons hauts blancs du plus bel effet.Il sera le lien du spectacle, tissant les entrelacs distingués d'une oeuvre métissée, riche, foisonnante comme ces quasi trois heures de délectation.Raconter des histoires, faire en sorte que les textes empruntés à différents auteurs soient parlés, écrits, chantés est un chalenge musical, rythmique.C'est Philip Venables en personne qui se prête au jeu du dialogue et de l'échange!Cadeau que cette poésie théâtrale qui chante le genre, la voix parlée, le politique, le "personnel" de la vie du compositeur qui se livre pudiquement aux regards et à l’ouïe des spectateurs.

Philip Venables
Klaviertrio im Geiste (2011): quatre mouvements en hommage à la musique de Beethoven, l'"esprit" de son oeuvre, sonate de chambre pour trio-piano-violon-violoncelle- en adagio langoureux, discret, scherzo vibratile; rondo ténu, suspendu, aérien, féérique.

 
My Favourite Piece is the Goldberg Variations (2021) création française

C'est l'accordéon de Andréas Barregard qui opère à présent sur le mode confidence narrative, bordée du texte en sur titrage.Le tout ponctué de sonorités, tel un troubadour, colporteur de chapitres espacés pour conter une histoire très personnelle de famille "dégenrée", autobiographie haletante et très prenante. Le charme du conteur opère, touchant, vibrant de sincérité pudique mais bien affichée!


Numbers 81–85 (2021) création mondiale
Numbers 91–95 (2011)
Numbers 96–100 (2021) création mondiale
Illusions (2015) création française

Une oeuvre historique et inouïe fait suite dans le parcours du compositeur qui se plait à raconter, prolixe,  en compagnie de Romain Pageard Pygmalion de cette soirée de maïeutique musicologique, les sources et inspirations de son processus de création."Autochirurgie" "Dehors"....Autant de chapitres brefs pour un recueil de pièces courtes, de "nouvelles" incongrues où le texte nous guide constamment, affiché dans des polices de caractères, une calligraphie changeante, tel l'Oulipo ou autres figures de style littéraire...On l’entend dans la poésie révolutionnaire et fantasmagorique des Numbers de Simon Howard, auquel le compositeur consacre un cycle, comme dans la lettre du militant américain Sam Melville, en écho aux émeutes de la prison d’Attica où il laissa sa vie, sublimée par la musique de Frederic Rzewski.Musique lente, douce, profonde soulignée par des mélodies chantées, psalmodies : ce "courage émotionnel" de l'interprète Grace Durham faisant merveille! Et l'on file pour le clou du spectacle "illusions" introduit par Adam Starkie: un déferlement de paroles nues et crues de David Hoyle, clown démoniaque au franc parlé époustouflant de vérité , portrait vidéo aux couleurs criantes, burlesque ou satanique, selon!Dans Illusions, œuvre initiée lors des élections britanniques de 2015 et finalisée en 2017 à l’occasion des cinquante ans de la dépénalisation de l’homosexualité en Angleterre et au Pays de Galles, l’égérie LGBTQIA+ David Hoyle affirme dans ses divagations prophétiques que l’art peut bouleverser les mentalités : « Ce soir, la vie qui est en vous sera réfléchie dans l’art dont vous êtes les témoins. » On en prend plein la face et cette tonitruante conclusion en épilogue de cette soirée, fait mouche, questionne, flanque la pêche et ne se masque pas la face!Génération qui gifle, surprend, remue et replace les choses à l' "endroit", à l'envers où il faut être au bon moment.

Une soirée exceptionnelle autour d'un compositeur, conçue et façonnée par le collectif Lovemusic dans la cour des Grands de la musique d’aujourd’hui. Un conte à rebours de toute pertinence, insolence qui gifle et frappe juste.

Frederic Rzewski
Coming Together (1974):dix musiciens réunis, un récitant magistral en la personne de Emiliano Gavito à la voix stoïque, grave toujours en équilibre imperturbable durant toute la pièce.Litanies où voix-texte et musique se rejoignent, se rencontrent en leitmotivs qui se répètent, viennent et reviennent éclairer le champ musical pour border le texte en flots continus.Les mots infléchissent la musique qui s'y plie et replie à l'envi en tension continue et ascendante. Ce récitatif est de toute beauté, retenue puis éclatant dans une apogée tonique surprenante.Très rythmée, la pièce tient en haleine comme un rituel, une cérémonie solennelle où chacun tient le ton et ne cède pas.

Collectif lovemusic
voix | Grace Durham
flûte et récitant | Emiliano Gavito
clarinette et récitant | Adam Starkie
violon | Jacobo Hernández Enriquez
violoncelle | Lola Malique
alto | Léa Legros Pontal
contrebasse | Charlotte Testu
trompette | Valentin François
trombone | Adrian King
piano | Lise Baudouin
percussion | Rémi Schwartz

accordéon | Andreas Borregaard
comédien | Romain Pageard
mise en scène | Oscar Lozano Perez

A la Cuité de la Musique et de la Danse dans le cadre du festival MUSICA

"Devenir imperceptible" : le chant de la terre.

 


Devenir imperceptible est une pièce paysagère où le sonore se joue de notre perception. Seule au plateau, l’interprète-danseuse évolue dans un environnement composé de mille-cinq cents litres d’écorce de pin, d’appeaux et de tuyaux d’orgue, mais aussi d’un étrange instrument inventé pour l’occasion : l’engoulevent, du nom d’un petit oiseau nocturne dont le plumage est un camouflage parmi les écorces ou les feuilles mortes. La scénographie se transforme en paysage sonore – géographie fantasmée. Les récits sont multiples, purement sensibles : essayer de parler oiseau, chercher à se fondre dans l’environnement, y disparaître, hésiter entre la vue et l’ouïe, danser.

Des sifflets dans l'obscurité tenace, des oiseaux comme des appeaux lointains, un cor-tube qui résonne suspendu..Le tableau sonore est éclairé par une lune timide rougeoyante.Dans cette pénombre persistante, inquiétante, se dessine une silhouette gracile qui oscille avec les sons qui s'accumulent en couche sonore, peu à peu.Une forma humaine se distingue au coeur d'un rond noir, flaque, lac opaque sur le plateau.La musique se fait obsessionnelle, répétitive et sourd d'instruments bizarres: tuyaux d'orgues reliés par des câbles emplis d'air.Une danse aérienne fait trace dans l'espace, silhouette noire, découpée sur fonds de craquements sonores: ceux de débris de pommes de pin jonchant le sol; insecte ou araignée, le corps se pose, s'arc-queboute sur des sons de gants de plastique broyés.Le cercle sacré de chamane inquiète et la créature en fait le tour, troublée, hésitante.Le son de ses pas dans les écorces de pins brunes.Crissements, avalanches feutrée, tonnerre , éboulement minéral qui gronde et menace.Lac ou plate bande, ce rond de sorcière intrigue tel du land art à la Richard Long ou Serra. Le corps en déséquilibre, oscillant ou semblant s'effondrer...Des mouvements brefs, anguleux l'animent comme des secousses sismiques, soubresauts, sautillements toujours dans un déferlement sonore diffus. Ça dégringole, se fendille, baille à l'envi offrant failles et brèches comme des claquettes contemporaines sur le sol hérissé.Le tapis d'écorces de récupération comme piste de dance-floor!Un filet délivre cette pêche miraculeuse en un rouleau d'automne; la créature étrange s'y vautre, échoue sur cette surface accueillante, lit de feuilles mortes, mi ensevelie dans la terre; elle trace ses marques, formes reposoir au sol pour sa tête.Scarabée sur le dos, ses pattes s’agitent sur un son d'alerte: pause-statue immobile, l'animal-femme au cou bleuté d'oiseau de nuit Vision onirique d'un paradis, symphonie de sons, polyphonie acoustique irréelle.Recroquevillée au sein de cette terre fertile, ce compost végétal d'arbre caduc, la bestiole avance, progresse, vit et nous regarde!Esthétique, sonorités incongrues pour un spectacle hors du commun, émouvant, attachant.Pauline Simon en hybride dégenré pour révéler les sculptures de Bastien Mignot sur des terres inconnues...

mise en scène et musique Clément Vercelletto
interprète Pauline Simon
scénographie Bastien Mignot

lumière | Florian Leduc
lutherie | Léo Maurel
conseil costume | Valentine Solé
regard extérieur | Madeleine Fournier

création mondiale

Au TJP le 1 OCTOBRE dans le cadre du festival MUSICA

jeudi 30 septembre 2021

"Drift Multiply" de Tristan Perich: accordez vos violons d'Ingres! Beaux parleurs !

 


Après sa pièce pour orgue donnée à l’église Saint-Paul le 23 septembre, Tristan Perich présente une autre page monumentale, dans un format inédit : un orchestre de 50 violonistes, chacun accompagné par un hautparleur – soit 100 voies sonores déployées dans l’espace. Drift Multiply est un gigantesque paysage sonore, un océan où le compositeur sonde « le seuil entre le monde abstrait du numérique et le monde physique qui nous environne ». Un concert exceptionnel, qui voit pour la première fois réunis sur scène les violons de l’Orchestre philharmonique de Strasbourg et de l’Orchestre symphonique de Mulhouse.

C'est une impressionnante assemblée de violons devant nous sur une agora musicale....Un flot de sonorités sourd des cordes qui s'animent, répétitives sous les archets.Musique magistrale de cathédrale gothique flamboyante, animée par tous ces violons en batterie, en rangée impressionnante Le deuxième mouvement sera celui d'une fine pluie battante qui enfle et  émane des hauts parleurs: pluie diluvienne par instant qui semble s'abattre sur la toiture des grandes halles de la citadelle.Musique et sonorités énigmatiques, hypnotiques, envoutantes...Hallebardes en cascades....Un concert où l'écriture de Tristan Perich trouve tout son déploiement, sa démesure dans de strictes mesures, son envergure cosmique et spatiale En spirales tournantes, résurgences de tourbillons, de flux et reflux de marée attirés par l'aspiration céleste des astres.Une soirée riche et splendide d'émotions, de résonances, de vibrations....Les deux orchestres réunis pour une "unisson" spatiale remarquable.Tous "au violon" sous la houlette d'un chef qui ne se laisse pas submerger par ce flot palpitant de sonorités immergeantes, envahissantes, submergeantes.

Tristan Perich Drift Multiply (2019) création française

Orchestre philharmonique de Strasbourg
Orchestre symphonique de Mulhouse

direction musicale | Douglas Perkins

Aux Halles Ciadelle dans le cadre du festival MUSICA