mercredi 13 octobre 2021

"i-Glu": côté cour, côté jardin. Graines et jeunes pousses à cultiver! A s 'emouvoir de plaisir.....



Carole Vergne et Hugo Dayot
Collectif A.A.O France 2 danseurs + 1 musicien

i-Glu est un spectacle de danse pas comme les autres, un écrin de fantaisie qui se visite en famille. Ce récit poétique entre dôme et jardin, corps, nature et mondes visuels invite au voyage à travers une expérience des sens ludique et foisonnante d’images.


 

Dans un jardin assoupi se promènent un épouvantail vacillant, un hérisson-buisson et un danseur-cueilleur. Mais que font-ils ? Entre projection d’images, intégrant paysages naturels et changeants, film d’animation et ambiances sonores et musicales, se déploie un drôle de récit qui conjugue les aventures des protagonistes et les expériences du vivant. C’est tout un monde fascinant qui apparaît au croisement de la danse contemporaine et des arts visuels.
i-Glu, avec son jardin et son dôme qui ressemble à une planète que l’on pourrait contempler de tout près – la nôtre peut-être ? – est un spectacle imaginé par Carole Vergne et Hugo Dayot. Les deux chorégraphes de la compagnie A.A.O installée à Bordeaux, se sont fait une spécialité de ces alliages surprenants qui mêlent la danse, la performance et les installations plastiques. Ainsi les deux artistes créent des objets spectaculaires à découvrir et expérimenter entre perception et illusion. Une façon d’interroger notre compréhension du monde et du mouvement

Beaucoup de jeunes pousses en herbe par ce bel après midi automnal à Pole Sud!Peu importe le flacon pourvu qu'on ait l'ivraie!Après un accueil chaleureux et bienveillant, de petits groupes d'enfants sont invités à pénétrer un "jardin extraordinaire" où ils pourront planter et semer de "petites graines" symboliques, petits cubes magiques sous le dôme central, sorte de iourte toilée réfléchissant de belles couleurs lumineuses et vagabondes..Prenez-en de la graine!.Un "épou-éventail" se dresse, immobile sur le plateau du studio: un homme casqué, botté, immobile les pieds scellés au sol dans un carré de terre battue.Telle une boule de neige énorme, se dresse un habitat étrange: des images de fleurs en éclosion, en mutation et métamorphose donnent le ton poétique, féerique et fabuleux à cet "endroit" singulier.Sur fond de musique cosmique...Orchidées ou fleurs de pommiers qui dansent, un œillet même en tutu de pétales!Un être étrange entre mannequin et épouvantail se dresse, ondule, vacille, oscille sous l'effet du vent.Sons de grillons et gamelons à l'appui.Il vole, entravé malgré tout par des semelles de plomb..Suspendu, aimanté, se déployant avec des jeux de doigts habiles, volubiles.Mime dansé, très onctueux, ondulant, happé, attiré par l'espace, malgré sa fixation au sol.A l'inverse des bottes de sept lieues, ses chaussures lourdes et encombrantes entravent ses déambulations, mais pas sa gestuelle fluide et délicieuse.Une fois ces pieds libérés, l'homme tout blanc entame une danse en duo résonnant, alors que les images changent, projetées sur la peau lisse et tendue, ronde et douce,du dôme. Souplesse, agilité de cette mouvance partagée, contagieuse, en écho et résonance avec celle de l'autre homme en blanc, déraciné de son sol appesanti.Assoupi dans ses rêves.Ambiance calme et reposée, fort délectable.Au ralenti, les gestes sont hypnotiques, en ondes contagieuses qui se répercutent dans les corps.Dialogue en glissages, frôlement, esquives et esquisses de formes vivantes.Pour une unisson complice de ses explorateurs d'espace communs, intimes.Partagés.Des appuis fugaces, des portés volages, des arrêts sur image magnétiques.Mimétisme des couleurs sur le corps-écran total du danseur qui s'identifie à son milieu!Une danse circassienne qui se fond et se répand dans des ondes lumineuses plasticiennes, dignes d'un Nikolais! Les enfants , réjouis et très calmes comme public captif idéal: enchanté et émerveillés!On se quitte sur des images de pluie de papillons dans une nuit étoilée!

Sur le plateau, un dôme géodésique — l’i.glu Lieu d’habitat dans le lieu habité — le Jardin.Le tout recouvert d’une toile de ciel.Le Jardin comme «espace de prolifération euphorique de la nature», comme prétexte de surgissement de formes et de matières colorées, dessinées…Le dôme comme surface de projection et d’apparition de paysages.i.glu, projet chorégraphique et sensoriel où évoluent quatre protagonistes : un épouvantail, un danseur-cueilleur, un dôme et un musicien sous le regard bienveillant d'un hérisson-buis.i.glu comme un lieu existentiel qui ouvre et engendre d’autres formes d’apprentissage par le déploiement et le foisonnement du motif végétal comme expérience visuelle.

 

A Pole Sud le 13 OCTOBRE

mardi 12 octobre 2021

"Hilda": une marchandise à tout prix! Technicienne d'une surface de réparation irrévocable !

 


Madame Lemarchand, bourgeoise d’une ville de province, convoque Frank Meyer, ouvrier précaire travaillant au noir. Elle veut recruter sa jeune épouse, prénommée Hilda, pour faire le ménage, s’occuper de ses enfants, et lui tenir compagnie. Marie NDiaye compose un drame effroyable de la domination à la mécanique vampirique implacable, dans laquelle Madame Lemarchand, insatiable, est poussée à demander toujours plus à Hilda. Quelles seront les armes de résistance ? Élisabeth Chailloux met en scène la pièce avec l’actrice et cantatrice Natalie Dessay : une langue concrète, musicale et envoûtante, œuvrant au décalage étrange avec le réel.

Décor sobre, intérieur sur fond de panneaux mobiles opaques: un fauteuil club, une femme assise en robe rouge sur le plateau...Et tout démarre à fond de cale: cette femme c'est la future"patronne" d'une femme de service embauchée par "une maitresse de gauche", à tout prix! Etrange transaction humaine sur fond d'humanisme bourgeois caricatural à souhait. Patronne et "matrone", Natalie Dessay excellence dans ce phrasé loquace, volubile, tranchant d'autoritarisme, de tyrannie féroce et perverse.Hilda sera ce fantôme, Arlésienne du propos qu'on ne verra jamais et qui hante les fantasmes d'une femme aux abois, quasi hystérique tant son pouvoir sur l'autre fait des ravages, soumet et asservit ses partenaires.Frank, Gauthier Baillot, en sera la proie,la victime soumise et débordée devant l'autorité malsaine et calculée de cet être redoutable et arriviste.Six séquences pour cette odyssée qui trahit et révèle l'hypocrisie autant que la haine de l'autre.Coup de cloche pour chaque chapitre et l'on tourne la page, le décor où vivent les deux protagonistes mute. L'argent est aussi le moteur de toutes ces transactions humaines où l'on ne peut racheter sa femme car on a éclusé le salaire avant le travail payé d'avance: les pièges se tendent devant Frank, ligoté, acculé à un triste sort de vaincu. Hilda est une chose, un objet de désir, "une petite danseuse de chair au fond du flacon" qu'on atteint en le brisant.Vampire insatiable, Natalie Dessay emballe et subjugue, agace et déçoit parfois tant le débit de sa voix et ses intonations demeurent linéaires et sans surprise ni contraste ou modulations...La mise en scène poussant à bout ce duo fébrile sur le qui vive et l'aridité d'un texte où la perversion se déploie au fur et à mesure crescendo, submergeante...Au final c'est la "patronne" qui se métamorphose en Hilda, celle qu'elle aurait voulu transformer à sa guise en femme de service domptée, éduquée, reniant ainsi son identité pour en faire l'objet de ces ambitions!

Marie NDiaye, autrice associée au TNS depuis 2015, a écrit une quinzaine de romans, dont La Vengeance m’appartient (Gallimard, 2021). Écrivant également pour le théâtre, elle a fait paraître récemment Royan. La professeure de français (Gallimard, 2020) et Berlin mon garçon suite à une commande de Stanislas Nordey (Gallimard, 2019). Élisabeth Chailloux, directrice artistique de la compagnie La Balance, a co-dirigé le Théâtre des Quartiers d’Ivry avec Adel Hakim de 1992 à 2019. Elle a notamment mis en scène des textes de Bernard-Marie Koltès, Philippe Minyana et Normand Chaurette.

7 oct au 17 oct 2021  au TNS

dimanche 10 octobre 2021

"3 works for 12": Alban Richard, Treize à la douzaine pour un "cirque"magnétique, une arène dangereuse!

 

photo agathe poupeney

Dans ce spectacle chorégraphique pour 12 danseur·se·s, Alban Richard se penche sur la musique minimaliste du milieu des années 1970, alors qu’elle influence de jeunes artistes qui choisissent d’en emprunter les architectures tout en s’attachant à d’autres modes de pensée et d’autres énergies. Là où Louis Andriessen substitue le chromatisme à la tonalité des premiers minimalistes, David Tudor établit un lien entre l’écriture répétitive et l’électronique musicale naissante en laissant libre cours à l’instabilité des processus. Quant à Brian Eno, il retient l’idée d’une écoute fusionnée avec son environnement et initie le courant ambient qui marquera durablement la pop et l’électro. 

centre chorégraphique national de Caen en Normandie

Programme musical
Louis Andriessen Hoketus (1976): c'est de façon frontale que nous abordons la grappe, la meute: en alternance les 12 danseurs alignés, de face, en canon et alternance, jouent à qui perd gagne en hauteur, décalage mécanique, avancées, reculés savamment calculés! Alban Richard nous fait son "Dance" à la Lucinda Childs, rigoureuse partition chorégraphique comptée aux entrées et sorties directionnelles, aux croisements impeccables, millimétrés au cordeau!C'est à couper le souffle et hypnotisant: les costumes, sport sophistiqué et très design-mode chamarrés. Des emboitements, puzzles acrobatiques dans la construction architectonique des ensembles, des échappées belles aussi pour libérer les corps, les projeter dans l'espace. Comme une horde, meute lâchée, maitrisée, vol d'oiseaux en bande d'étourneaux, nuées ou murmurations. Des marches communes, courses et voltes se tracent peu à peu, des solos se détachent, sauts et tours, hochements de têtes dans un rythme infernal tenu, incessant. Des tours à l'inverse des aiguilles d'une montre....Une performance qui se s'épuise jamais! Une petite pause aux vestiaires, à vue comme lors d'un match sportif pour respirer!



Brian Eno Fullness of Wind (Discreet Music, 1975)
: un beau quatuor de femmes, délicieuses créatures aux gestes fluides pour contraster avec la première pièce du programme.Très douce, dans une grande liberté apparente sur une musique détendue, lascive, quasi classique!


  David Tudor Pulsers (1976)

 Après une seconde pause, changement de costumes à vue pour métamorphoser les danseurs en athlètes performeurs "sportifs"! Costumes fluo, plein de couleurs, très seyants, évocateurs de compétition sportive, tous distincts et personnalisés.Déflagrations de solos en salves projetées, torsions des corps, spasmes de possédés, danse hystérique, ravageuse, très efficace! Comme autant de molécules, d’électrons libres, en profusions de propositions d'écriture gestuelle organisée et sur mesure.Quelques "poses-décors" pour figer des instants si précieux d'accalmie dans ce furieux groupe compacté par l'enthousiasme, galvanisé par la musique.Mécanique infernale des temps modernes, galops, tours de derviches, voltes, spirales à l'envi! On n'achève pas les danseurs, en chutes, rebonds, suspension, soulèvement constants.Une performance aérobique et athlétique remarquable tant la musicalité efface les travers de la "performance" pour la performance... Ces olympiades désorientent, déboussolent, les directions se fracassent sans se bousculer dans des couleurs vives, musicales autant que plastiques: des tableaux mouvants qui déconcertent, décalent dans une polychromie totale de sons et de mouvements vibratoires. Alban Richard, peintre d'une échappée belle irrésistible, tendue, volatile, futile, interprétée à la perfection minutée d'un ensemble hétérogène où l'identité demeure, l'altérité fait des uns et des autres des "soyez vous même" dans les touches et masses chorégraphiques denses et vertigineuses. Sur la piste, au chœur du stade ou dans l'arène rien ne s'épuise sur la surface de "réparation"!

conception, chorégraphie, lumière Alban Richard
assistants chorégraphiques Max Fossati, Daphné Mauger
interprètes Anthony Barreri, Constance Diard, Elsa Dumontel, Mélanie Giffard, Célia Gondol, Romual Kabore, Alice Lada, Zoé Lecorgne, Jérémy Martinez, Adrien Martins, Clémentine Maubon, Sakiko Oishi

régie son Denis Dupuis
son Vanessa Court
lumière Jérôme Houlès
costumes Fanny Brouste
réalisation costumes Yolène Guais
régie plateau Olivier Ingouf
conseillère en analyse fonctionnelle du corps dans le mouvement dansé Nathalie Schulmann


samedi 9 octobre 2021 — 19h00
La Filature, Mulhouse