vendredi 19 novembre 2021

"With a smile" ....is beautyful ! par l'OPS. Chaplin, homme orchestre kinéma-tographique en diable....Filmphilarmonie oblige!


 Indissociable de ses films, la musique a toujours fait partie de la vie de Chaplin : dès son plus jeune âge depuis les coulisses en observant ses parents sur scène, puis en travaillant dans les théâtres tout en apprenant le violon et le violoncelle. Autodidacte, il composera des partitions symphoniques (notamment pour Les Lumières de la ville et Les Temps modernes qui seront jouées lors du concert). C’est d’ailleurs pour sa musique dans Les Feux de la rampe qu’il recevra son premier Oscar en 1973. Ce ciné-concert pose un autre regard sur l’un des plus grands artistes du XXe siècle, sur scène et sur grand écran, à travers des arrangements inédits, des interprétations de ses plus grands chefs d’oeuvres (Le Dictateur, La Ruée vers l'or, Le Kid...) et des séquences iconiques et exclusives, issues notamment d’archives privées.

Jamais l’appellation "ciné-concert" n'aura pris autant de sens que lors de ce concert exceptionnel devant un public enthousiaste et réceptif, de tout age, de tout bord! Chaplin musicien, compositeur, acteur-danseur, clown et pantin de nos cœurs: un génie, démiurge de la mise en scène, méticuleux fabricant de gestes, de rythmes, de musique et de danse: le spectacle "total" ce soir là dans la grande salle du PMC crève l'écran. Chaplin en noir et blanc tout d'abord pour ses débutes en première partie d'un programme soigné, riche en documentation et références rares et délicieuses évocation d'une carrière entièrement vouée au spectacle, au divertissement cinématographique de haute voltige.Vagabond affamé, plein de malices et d'agilité, de ruse et de manigancerie, doublé par une musique pleine de suspens et de rebondissement, bâtisseur habile plein de dextérité, d'habileté, rapide comme l'éclair...Autant de scènes cultes ou inédites où Chaplin construit son personnage légendaire; pas encore de haut de forme, de canne ou de démarche, les pieds en ouverture, mais un corps musicien trempé de rythme, de saccades, de cadences folles à vous couper le souffle! La musique épouse, borde les péripéties, rehausse l'anecdote ou le gag, la narration, l'histoire de ce personnage unique et multiforme, si charmant, attachant, désopilant. La grâce l'habite, le hante,la rigueur l'obsède, maniaque exécutant de ses fantasmes, de sa fantaisie, de son côté androgyne, grimé par la délicatesse d'un maquillage cerné, appuyé, expressionniste , surligné, opérant pour exprimer toutes les facettes des sentiments et des sensations. Kinéma-tographique à l'envie, ce corps se démène, explorez l'espace du cadre, repousse les limites de la virtuosité; clown, équilibriste, circassien, grimpeur de corde ou de rideau...Un artiste rarement aussi complet, auteur de ses films, de la chorégraphie et bien sur de nombreuses musiques."Les temps modernes" comme film phare, emblématique de son génie du rythme, du mouvement, de la glissade autant que de la science fiction anticipant sur le modernisme, la machinerie, les engrenages.."Le Kid" pour nous rappeler la détresse de la vie, l'amour paternel et surtout la dramaturgie omniprésente du contexte. La musique arrive à bon point et ne cesse d'accompagner la partition visuelle pour ne faire q'une avec danse et expression du corps animé.Il faudrait tout citer tant la ligne éditoriale de ce concert est intelligente, construite et rebondissante dans les choix: Charlot barbier sur la musique des danses hongroises de Brahms est un morceau de choix, tant sons, rythme et sens sont voisins, complice en osmose totale sans fausse note de ton, de cadence, de  virtuosité visuelle. Après un entracte, suit une partie plus consacrée au personnage, musicien, acteur, conteur, acrobate. Une facette moins connue et d'autant plus pertinente qu'on n'en saura jamais assez sur ce démiurge des temps modernes.Les lumières de la ville, la danse des petits pains, le cabaret dansé de "Titine ho ma titine" galvanise l'acteur et le public rendu complice des actes farfelus, dangereux, tendres de cet aventurier en diable. Du coin de l’œil -caméra- ,près des bons et levées corporelles musicales, des silences qui parlent, des retenues ou des emballements frénétiques des gestes, postures et attitudes, on se réjouit, on se surprend à le découvrir dans cet inventaire-compilation savante et recherchée de livre d'image, de flip book, pop-up,pêle-mêle ou léporello cinématographique et musical!La danse libre d'Isadora Duncan pour "une idylle aux champs"ou Nijinsky comme source d'inspiration, la danse classique pour mieux faire corps et sens avec la mise en scène, les sentiments, les hésitations de tous ces personnages qui peuplent l'écran et l'orchestre. 


Et le "moon walk" en sus !


Un régal qui n'en finit pas d'enchanter, d'émouvoir, de déplacer notre perception sensorielle pour animer nos âmes d'enfant, notre maturité d'adultes capables de se glisser dans ces univers multiples, autant poétiques que politiques, malins ou dérisoires, désenchantés autant que porteur d'espoir "smile is beautyful" et les rêves dansant de nous habiter encore longtemps en ce début de soirée de pleine lune...de miel: l'image finale de ce couple amoureux allant de l'avant sans jamais se retourner!

Fernando Carmena est l'instigateur, bâtisseur de ce programme gigantesque et dantesque: "Charlot et le chronomètre" comme lien subtil entre cinéma, danse et musique, lumières et rythme, les fondamentaux du cinématographe: l'écriture et la partition-composition de toute bonne compagnie tout au long de sa carrière. Et l'Orchestre Philharmonique de "jubiler" et se s'enthousiasmer pour cette musique, glamour, divertissante, haute couture entre image et sons, "sur mesure" d'un art pluridisciplinaire très inspiré par l’inouï et le jamais vu!

Frank STROBEL direction  Fernando Carmena, directeur de création au Europaische Filmphilarmonie

Palais de la Musique et des Congrès LE 18 Novembre

mercredi 17 novembre 2021

"L"avenir" de Magrit Coulon, c'le chantier ! Au 104 une mise à nu du processus de création!

 


Comment les histoires et les rituels nous aident-ils à survivre et à trouver l’apaisement dans l’incertitude ? Telle est la question à laquelle Magrit Coulon se confronte avec L’Avenir en convoquant la malice des Congrès de Banalyse, rendez-vous expérimentaux au cours desquels les participant·e·s se retrouvaient pour faire récit de l’insignifiant et mettre en scène le vide. Rendez-vous est pris dans une gare au milieu des montagnes, où l’on rencontre aussi des artistes solitaires et d’étranges figures costumées, à la recherche de cet endroit de possible, sur la crête entre fiction et réalité. 

Un bon moment de partage entre les protagonistes d'un spectacle à venir, un chantier léger et très bien articulé en mots et paroles pour éclaircir les intentions des créateurs, prolixes en verbe et en rêves de création.

Un temps d'échanges, d'expérimentation sur l'espace à vivre en live pour un public curieux et désireux d'aborder une œuvre en amont. Que deviendront ces projections, ces envies, ces positionnements sur la mise en scène d'une pièce encore incertaine....On mise sur un bel avenir de production, de réflexions pour un "produit" à découvrier avec quelques clefs de lecture suplémentaires...

Au 104 le 10 NOVEMBRE 19H....

"J'aime": Laure Werckmann et Nane Beauregard : le bel amour , le don de soi.


 « J’aime sa liberté que ses yeux se plissent quand il me sourit son recul son assurance ses yeux verts la rondeur absolument parfaite de ses pupilles la façon dont elles se détachent sur le blanc de son œil sa désinvolture ses certitudes même quand je pense qu’il se trompe… »

J’aime à la scène c’est l’histoire d’une femme qui cherche à révéler ce qu’elle aime pour apprivoiser ce qu’elle est, sa multiplicité, et y trouver sa force. Pour cela, elle entre dans un espace où la parole peut se déployer. Un cabinet, une pièce à l’écart, là où le dire n’est pas contraint mais attendu et espéré, là où le dire travaille l’être. Au plateau, peu d’éléments pour une infinité de combinaisons : ampoules soufflées, guindes, poulies, sol apparemment tangible alors qu’il n’est que de farine…

J’aime est un spectacle qui tient dans nos paumes, il croit en la capacité du simple à bouleverser les cœurs.

Laure Werckmann : « J’aime est ma première mise en scène, après avoir passionnément arpenté les plateaux comme interprète.C’est une mise en scène d’actrice, pensée depuis la scène vers le public, et à partir de J’aime, le premier roman de Nane Beauregard édité chez POL en 2006, unique phrase sans ponctuation d’une femme qui dit ce qu’elle aime chez l’homme qu’elle aime. »

Et si l'Amour ne se contait qu'à travers les mots, au filtre des lèvres d'une comédienne douée d'une rare présence, et si le jeu d'une actrice parvenait à transcender un texte, une écriture, et si le plaisir qu'on y prend était incommensurable...Alors, on se ferait un immense câlin, un remarquable pouvoir de dresser le festin jouissif du théâtre tel qu'on souhaiterait le rencontrer. Car il s'agit bien ici de rencontres, d'affinités, de complicité entre autrice et metteuse en scène, entre écrivaine et actrice qui ne font qu'une bouchée délicieuse d'un repas délectable du verbe, du geste, du corps. Dans un espace restreint à celui d'un fauteuil, planté dans une diagonale de lignes tracées à la craie ou la farine, sous les lumières intimes d'abat-jour suspendus, ampoules chaleureuses rayonnant de douceur.Elle arrive du haut des tribunes et s'installe prudemment, pudiquement sur ce réceptacle douillet: timidement, hésitante, prude, discrète et démarre un monologue, soliloque tendre et susurré du bout des lèvres à l'attention de celui qu'elle aime et peu à peu parvient à créer une fusion, une empathie avec cet "absent" tant chéri.Métamorphose lente des attitudes en regard au contenu du texte, osmose entre ce sujet irréel, virtuel qui occupe sans cesse ses pensées. Proche de nous autant que lointaine évocation d'un amour respectueux, sincère qui peu à peu se transforme en dévoration, passion, rage. Le corps, les poses, les attitudes de cette femme sont aiguisés par une faim de loup dévorante d'amour tendre puis farouche. La mutation de son jeu, de ses gestes et intentions dramatiques questionnent l'identité, l'altérité de celui, de celle qui aime sans limite, sans borne, débordant de tumultes, de revirement, approfondissant les mécanismes de ce qui meut l'âme et le corps de l'amoureuse, proie de ce destin univoque voué à aimer. C'est beau et touchant, allant directement à nos sens et émotions pour satisfaire le poids des mots, le choc des images, la beauté de ce corps qui se dénude, se dévoile à l'envi, à loisir. Et l'on se fait voyeur obscène de cette transformation, de ses changements à vue qui passe d'un état à l'autre, subtilement incarnés par une femme qui joue, qui se joue de cette fatalité: aimer !Les lumières signées Philippe Berthomé créant une ambiance, une atmosphère chaleureuse, épanouie de désir discret, intime. La scénographie alliant secret et révélations, infimes touches de sensualité, d'érotisme à fleur de peau.La musique signée Olivier Mellano , compagne de route de cette destination amoureuse incertaine.

Le jeu de Laure Werckmann alliant pudeur et offrande, don de soi et virtuosité de l'incarnation des mots de Nane Beauregard dans le corps, du bout des lèvres et de la mémoire: une performance délicate et sincère, osée et impudique d'une femme qui se glisse dans les plis des aveux au fil du texte qui ne cesse de révéler des mystères: ceux de l'âme et de la chair éprises de sentiments au delà de la raison pure! Quelques traces de pas comme empreintes esquissées au sol, légères, témoins d'un passage furtifs, dansant dans la poussière blanche des étoiles du désir.

Du 16 au 20 novembre 2021 aux TAPS Laiterie

Compagnie Lucie Warrant