mardi 26 juillet 2022

MONTPELLIER DANSE 42 ème FESTIVAL: quand la danse va, tout va? (SUITE n°2 )

 "MONUMENT 0.9: Replay de Eszter Salamon


Un amas de cinq corps nus qui se maillent, se tordent, s'enchainent sur une musique planante...Interroger le pouvoir et le désir à travers la reconfiguration continue des corps, un objectif que la chorégraphe recherche et retrouve dans cette pièce, au Théâtre du Hangar. Voix, langage et mouvement s'y fondent et s'y confondent, s'affrontent en ligne de mire. Les spectateurs immergés dans l'espace dévolu à cette vision très proche et perceptible des corps nus qui s’enchevêtrent à loisir quasi deux heures durant. Impressionnante figuration de la chir magnifiée par de savants éclairages au plus près des corps qui se meuvent à loisir devant nos yeux, focalisés par ce magnétisme de la lenteur quasi hypnotique, enivrante.Épidermique lieu de réception des sens, la peau est reine et lisse les contours d'une danse lascive, érotique, crue et nue.Vibrations et échanges physiques comme leitmotiv de cette expérience immersive dans le champ de la perception directe et intuitive du spectateur embarqué dans cette odyssée du toucher, du sensible, du "à fleur de peau". Ralentis, lenteur et postures langoureuses, étirements voluptueux de ces corps organiques et "inorganiques", célébrés sur l'autel du son et de la lumière, sculptant les matières comme une polyphonie matérielle du vivant. Convoquant la beauté comme un hymne à la jouissance du regard, de cet ob-scène où l'on découvre l'origine du monde derrière un voile, un rideau de candeur, de pudeur revendiquée.

"EMPIRE OF FLORA" de Michèle Murray: l'allégorie du dancefloor...


Une DJ qui boutonne et déboutonne sa console pour en faire une aire de jeu musical, solo très physique, mains et bras engagés dans une gestuelle sur mesure, vive, sensuelle: du toucher musical fort joli à observer, le temps de cette mise en bouche musical, mise en évidence que la musique se regarde, en construction permanente tout au long du spectacle! Belle entrée en matière de Lolita Montana alors que viennent s'immiscer quatre danseurs sur le plateau nu, chacun habité par des mouvements singuliers: danse et qi kong pour l'un qui caresse l'air et fait s'ouvrir l'espace, ou style déhanché pour un autre. Grâce et puissance, puisées au coeur du processus de création de Michèle Murray qui n'a de cesse d'interroger la matière chorégraphique, instantanée ou très construite.Sauts et dextérité des doigts de pieds pour l'ensemble qui tricote une toile aux costumes sobres. Musique au bout des doigts, danse au croisement des plantes des pieds, la danse de Michèle Murray se veut celle du printemps des corps et de la transformation. Fulgurance énergétique et  saturation sensorielle comme credo, jeu chorégraphique et foisonnement des formes comme leitmotiv. La pièce est réussie en ce sens qu'elle honore ses perspectives à fond et offre un moment unique de tension-détente régénérant! 

" OHAD NAHARIN" Batsheva Dance Compagny 2019 Création: podium capharnaüm....


Un podium-plateau de défilé, les spectateurs de chaque côté comme les "acheteuses" de grands couturiers...de la danse. Un show-bussines étrange à l'intérieur du vaste Corum de Montpellier. Un éclair de génie de scénographie pour cette performance de voguing gaga...Ligne de démarcation aussi, passage, frontière où l'on jouerait à saute mouton si le monde n'était pas si ravagé de contradictions.Les danseurs s'y collent avec cette rage, cette passion qui les fait trépigner, marteler les planches, tout en exécutant sur cette passerelle des mouvements, bonds et rebonds virtuoses, à la "gaga" bien entendu.Le don de soi est extrême, unique et la horde toujours au garde à vous d'une obéissance à la loi de la pesanteur et l'aérien.Tambour battant, les corps déferlent, s'agrippent au sol, se croisent, tumulte magnétique, hypnotique.Joie ou détresse d'instants suspendus à la grâce de certains danseurs inégalables. Musique au diapason. Un réel bonheur d'être parmi eux, accueillant même les corps alanguis de certains sur nos genoux,dans des linceuls mythiques ou des sarcophages où le repos et l'abandon font office d'une confiance totale entre spectateur et acteur.Dépense,perte, furie par six entrées et sorties exiguës, aire de jeu, d'apparition ou de disparition fort bien conçues. Une pièce rare digne d'un Festival hors norme!

"DANSEUSE" de et par Muriel Boulay au Hangar Théâtre: qui s'y pointe....


Elle est avec nous en intimité, proximité complice pour nous dévoiler et conter ses "souvenirs de danse, les méandres de sa carrière en récit "réel et rêvé", telles les pages d'un journal intime Petit rat de l'Opéra devenue par intuition interprète chez Gallotta, figure discrète et modeste de la danse-nouvelle-contemporaine-elle avoue au jour le jour en sortant de sa boite à souvenir que la danse fondatrice de sa vie fut compagne et destin naturels. C'est troublant, quasi trop "modeste" mais si révélateur du métier de danseur: les mots superflus n'ont jamais remplacés la beauté des gestes, qu'ils soient issus du glossaire classique autant que des nouvelles écritures-signatures contemporaines de tout poil.Muriel Boulay touche au bon endroit, au bon moment où se construit une "autre mémoire-histoire" de la danse et les strates de souvenirs s'entrouvrent pour le spectateur comme un palimpseste, un grimoire magique qui fait sens ."Chaussons et petits rats", "Saisons de la Danse", réveillez-vous, vos secrets seront les nôtres!Conteuse aux bras ouverts, elle fait don de soi et danse en marquant, en filant les plus beaux adages du patrimoine dansé....par son corps traversé par l'histoire à construire.Irremplaçable témoin, passeuse des feux olympiens de l'histoire chorégraphique. Celle qui sa muse: Terpsichore en coulisse!


"ON EARTH I'M DONE" de Jefta van Dinther/Cullberg



 "On Earth I'm Done"Partie 1: Mountains :on y échappe pas....


C'est dans une toile de Edward Hopper ou des photographies de  Dennis Hopper que l'on est projeté: panorama autoroutier désert, néon et laser au poing: un univers singulier, désolé, muet...Ou chez le très cinématographique Wim Wenders...Ambiance, atmosphère garanties: un être hybride, créature mi homme-mi-femme s'y abandonne, super woman déroulant le drap suspendu à ses rêves, lambeau, tombeau ou linceul archéologique du temps ...Plissé qui se déroule sans fin, vie dans les plis de l'incongru, une heure et plus durant: cela fascine ou agace mais ne laisse indifférent. Prouesse d'étirer le temps, d'habiter l'espace en solo dans un décor de cataclysme annoncé."Déterrement du sol, rétrécissement du ciel", désir d'être et de murmurer en borborygmes son sort détestable ou enviable..Question de survie à coup sur, accroché au cordon ombilical, van Dinther accroche à nos vies les cimaises de l'espoir.Un univers très animal, instinctif et truffé de voies de traverses à réfléchir sur le champ.

"On Earth I'm Done"Partie 2: Islands: demain sera un autre jour....


Une meute vêtue de rouge sang vermeil devient l'hote du plateau: les créatures engendrées par notre anti-héroine?Sans doute..Survie et danse comme arme de combat, toujours dans cette horde, archipel de corps éparpillés ou groupés, luttant pour un ordre d'organisation alternatif, un état d'exception, mis en quarantaine du monde naturel.Communauté dans cour des miraculés, c'est un chapitre de sciences-friction qui s'ouvre et ni prologue, ni épilogue ne seront dictés. A nous d'emprunter les voies de la reconstruction pour chorégraphier l'absurde ou le désespoir: reste que les danseurs s'y prêtent à l'envi et que ce spectacle, épopée du futur se place en première ligne de mire des questionnements esthétique de la représentation de l'apocalypse environnementale.Une réussite sans concession au sein du Théâtre Jean Claude Carrière qui accueillait cette forme intrigante en son sein.


"NECESITO", pièce pour Grenade de Dominique Bagouet par L'Ensemble Chorégraphique CNSMD de Paris:

Retrouver le style, l'énergie, la malice, l'humour de Dominique Bagouet: un challenge que Rita Cioffi relève allègrement pour passer toute cette mémoire de la matière corporelle sans exiger mimétisme et reproduction à la lettre des "faits et gestes" d'une signature si singulière de la danse-nouvelle ou contemporaine."Ne pas célébrer, mais jouer au sens noble du terme": pour le credo de cette reconstitution-transmission pour de jeunes danseurs interprètes .Bravoure, et joie de danser des variations malgré tout complexe qui induisent un sens iné de la scène, du jeu, des clins d'oeils aux styles d'emprunt de Bagouet. Faire sans défaire, passer son tour et enseigner l'autre, respecter un esprit, un état de corps à l'écoute du monde. La maturité fait sans doute défaut à certain, surement pas à deux autres, véritables danseurs inspirés par ces propositions à multiples entrées. "Necesito", c'est aussi l'urgence de danser, d'évoluer, d'incarner une danse unique, maline mutine. Alors cette re-création est aussi cour de récré où s'affronte les talents, les audaces de ces jeunes propulsés avec bienveillance dans le monde du "milieu" professionnel: on quitte la barre et l'on devient un "homme du milieu".

Montpellier Danse, désormais acquis à toutes formes d'audaces ne cessera de nous monter la diversité des genres, tous sens confondus.Merci et à l'an prochain cher Directeur!

MONTPELLIER DANSE 42 ème festival: Nacera Belaza: droit de cité.

 Le Festival Montpellier Danse 2022 affichait un bon cru, varié, fidèle à de grands noms de la danse, autant que soutien ou défricheur de talent.Ici, un petit panorama d'une dernière partie du programme pour ne pas oublier qu'un grand directeur talentueux sait oeuvrer pour séduire, éveiller, ébouriffer public et professionnels sur les sentiers de la découverte...

NACERA BELAZA en majesté..Trois pièces pour honorer un travail chorégraphique pugnace et magnétique.

"L'ENVOL":l'outre-noir sublime...


Les contours lumineux d'un corps vague dans le lointain.La distance, la perspective se fond dans l'obscurité singulière de l'espace-temps de la salle du studio Bagouet. Quatre ombres à l'inverse se déplacent dans la caverne, inventant une expérience rétinienne extra-ordinaire, sensorielle, unique pour celui qui regarde ce spectacle rétrospectif de l'oeuvre au noir, sombre de Nacéra Belaza. La musique envahissante de fréquences et ondes magnétiques occupe l'espace.Répétition du geste, lenteur infinie, étirement du temps, naissance de la danse: tous les ingrédients de "fabrication" des pièces de Nacera Belaza demeurent présentes et subliment le champ de la danse.Danse introspective, minimaliste, quête spirituelle.Vertige, envol, exigence du déplacement, du délogement, de l'exil.La position de résistance perdure, le combat de la chorégraphe s'imprime dans son écriture, pugnace bravoure de la répétition sempiternelle de gestes ancestraux: le tour, la volte qui engendrent hypnose, vertige, déséquilibre.Entre le calibre et l'impatience au risque de déplaire dans l'effort de l'ascension du chemin escarpé.Se hisser toujours, patiente et déterminée.

"LE CRI/L'ONDE":l'intime à son paroxysme


Cette pièce vient renforcer l'univers, l'atmosphère unique des créations de la danseuse-chorégraphe.Le cri comme ancrage qu ne cède pas, une idée simple, vitale et sans fin."Un mouvement qui va de l'intime jusqu'à la surface, jusqu'à la disparition". Ce chemin qu'elle emprunte inlassablement dans chacune de ses pièces contient la quintessence de son oeuvre:le point d'origine de la danse, l'infime mouvement qui se perçoit dans l'obscurité naissante du plateau, vidé de décor, d'apparat, de narration superflue. Sobriété, frugalité nourrissent son propos inlassablement réitéré: sculpter le vide, lui donner corps, le rendre palpable."Ceci n'est pas de la danse, ceci est un trait, un seul mouvement, celui d'échapper à soi". Des mouvements circulaires éoliens, des tours, des silhouettes qui se dessinent en fond de scène ou en proximité animent l'espace, le font exister, apparaitre. Une expérience corporelle inédite pour mieux percevoir la pensée, les origines de Nacera Belaza. Une ode à la simplicité, la beauté du presque rien, de l'invisible, de l'indicible.

"LA PROCESSION": la longue marche de Nacera....


De la Place du Marché aux Fleurs, une procession s'ébranle, lente marche salvatrice: une dizaine de personnes, lambda se déplace, solennelle ou sobre chenille au coeur de la cité, sans gêner ni perturber.Le passant, le chaland la traverse, dérange, perturbe ou s'interroge, ignore le phénomène singulier qui se déroule.Ou se met de la partie, rejoint le groupe, anonyme participant.La lente et longue descente de la rue de l'Université impressionne.Non, ce n'est ni une parade, ni une cavalcade ou redoute mais une déambulation aux sons étouffés , muets de mélodie, longue plainte qui poursuit cet étrange cortège.Tout en noir, fibres sonores tissées d'ondes étirées.Marche, immersion insolite du spectateur dans un contexte inhabituel.Retour au sein de l'Agora de la Danse, entre cour et arche, les femmes, les hommes issus de cette longue déambulation, se rencontrent, se rejoignent en cercle, le contact des corps opère un lent balancement impulsif et organique. Recueillement, concentration des regards lointains, silhouettes banales, humanité à nue.On est bouleversé, en empathie...La perspective de cette marche-démarche en fait un moment théâtral sidérant.Pièce unique, imaginée in situ, cette procession est une immersion insolite du spectateur dans un contexte inhabituel. Un "cadeau", un don de la chorégraphe et des participants amateurs à la Cité de Montpellier....qui danse! 

LA DANSE DANS LE FESTIVAL IN AVIGNON 2022: un panel très contrasté de créations singulières...communautaires , citoyennes, vivantes..

 " VIA INJABULO" Via Katlehong avec Marco Da Silva Ferreira et Amala Dianor: très urbain....


La Cour Minérale transformée en Agora, en Forum jovial et bon enfant, voilà de quoi mettre en train, de bonne humeur. A l'invitation de Via Katlehong, c'est Marco Da Silva Ferreira qui démarre la cérémonie de danse urbaine avec "form informs", danse "pantsula comme source d'inspiration constante.Plaisir non dissimulé que cette danse "verticale" et individuelle, toujours dansée en paires sans impair...Pieds rapides et précis, corps fragmentés, dissociés, figures distordues, anguleuses.Les corps se cassent et se réparent, guéris des cicatrices,des blessures.Physique ou émotionnels, ces stigmates visibles se réparent au contact de cette danse chorale qui inonde le plateau, se fait fête et office cérémoniel pour évacuer les esprits non guérisseurs...Puis succède la seconde pièce de Amala Dianor, artiste associé à cette aventure picaresque: avec "Emaphakathini", il puise chez les danseurs de Via Katlehong, une force issue des township, incroyable jovialité et générosité de jeu, de danse, de bonne humeur.Pulsion de vie, "entre-deux" zoulou où chacun tente d'exister .Hymne à la vie, à la musique amapiano très en vogue, cette fête sur scène, partagée est plus que touchante. On y croise des jeunes qui véhiculent des glacières de plastique, en font des monuments dignes d'installations plasticiennes sans le savoir, en sorte comme des boites magiques, du coca et autres boissons à partager, sur le pouce, à la bonne franquette!C'est simple et profond, digne et respectueux de toute une condition plus que réelle de la jeunesse de l’apartheid en Afrique du Sud et ça transpire cependant le bonheur du partage: la danse et la joie comme exutoire transmissible!

"LE SACRIFICE" de Dada Masilo: sur l'autel de la danse....


A la Cour du Lycée Saint Joseph, c'est place au rituel retrouvé d'une version très personnelle de Dada Masilo du Sacre du Printemps.Danse tswana de Johannesbourg pour fédérer plus qu'une envie de la part de la chorégraphe, de replonger dans ses racines botswana pour en extraire énergie, inspiration et esprit malin de rituel sacré.Une femme seule sur le plateau erre, perdue éplorée face à un destin dramatique que l'on sent proche: elle sera l'élue de cette tribu communautaire qui ne la sauvera pas mais la portera aux nues.Entre danse et chant magnétique live de toute beauté et puissance, c'est à une imagerie ancestrale et cathartique que nous assistons. Véritable piéta, accueillant ce corps voué au sacrifice, celui de tout être qui comme dans les traditions est désigné pour sauver sa communauté. Dada Masilo renoue ici très subtilement avec les fondements de sa culture, avec brio et générosité en grande intelligence avec cette compagnie galvanisée par un sujet brûlant: se sacrifier, pourquoi, pour qui, sinon pour faire émerger du sens à vouloir changer le monde. Solitude, errance, souffrance d'un corps isolé sur scène qui se plie aux lois du groupe sans rompre pour autant .Une oeuvre sobre et profonde sur le purgatoire, l'effacement, la perte irréversible de la chair pour la sauvegarde d'idéaux très respectables.

"SILENT LEGACY" de Maud Le Pladec et JR Maddripp: transgénérations au poing.


Dans le cloitre des Célestins, c'est une claque que l'on prend.Une "gamine" est seule sur le plateau dans un carré de lumière et s'agite, convulsive, agressive devant nous. Stupeur: elle a 8 ans, Adeline Kerry Cruz et se démène comme une star, franche et assurée, gavée de krump, nourrie à la danse par passion et vocation. Troublante figure quasi adulte qui se confronte à Audrey Merilus, danseuse noire, adulte formée à la danse contemporaine.Tandem, duo, couple? Pas exactement mais bien complice et partenaire de cette performance hors norme, énorme phénomène dérangeant, spectaculaire prestation incongrue, inattendue, inclassable, étrange.Virulente, engagée, la danse d'Adeline contraste avec les envolées spatiales de son double, son avatar qui se lance dans l'espace du cloitre, alors qu'elle se fige face à nous et nous harangue quelque part sur notre condition de spectateur.Danses héritées de cultures différentes, ce choc chorégraphique opère comme une expérience insolite et unique dont l'essence serait l'inconnu, le frictionnel. Silences, vibrations, bruit au poing pour accompagner le souffle, la virtuosité de ces corps en mouvement ou en pétrification.Le "mentor" d'Adeline, véritable "petit père" officiel de la "fillette" apparait sur scène, non pas pour la couvrir, mais révéler l'origine de son apprentissage Une transmission généreuse et radicale, exigeante et sans concession malgré son jeune âge: Jr Maddripp en géant, Gargantua de la scène devant ce Petit Poucet troublant qui vient déranger les lieux communs sur le métier de danseur.Incarner le mouvement, habiter le silence, semer le trouble et rendre à la danse sa physicalité première"émancipatrice et transgénérationnelle.... 

"FUTUR PROCHE" de Jan Martens: dévorer l'espace....


La Cour d'Honneur du Palais des Papes va s'ébranler des variations chorégraphiques signées Jan Martens en compagnie des danseurs survoltés de l'Opera Ballet Vlaanderen...Ils nous attendent assis sur un très long banc, tenue de sport, décontractés, souriants, tranquilles. Et tout démarre en musique: celle de clavecin de Elisabeth Chojnacka qui ne cessera quasi jamais plus d'une heure durant. Accents métalliques, toniques pour accompagner la troupe de danseurs, ivre de mouvement, jetés à corps perdus dans l'immense espace scénique du plateau, vide.Émotion directe, empathie simultanée avec cette horde de corps qui s'anime, se bouscule sans se toucher, se projette à l'envi pour une vision fugitive, fugace, fulgurante.C'est opérationnel et les tours comme des poupées mécaniques qui ne cessent leur manège font office de vocabulaire contemporain hors pair. Car se servir de la technique inouïe de cette discipline pour inonder le plateau d'une telle dynamique  est petit miracle.Ils tournoient sans cesse sous la pression, la tension de la musique magnétisante qui fait naitre une danse rythmique inédite.Percussive, ascensionnelle, directionnelle et parfaitement plaquée aux corps des danseurs galvanisés.Des solo zoomés par le regard,magnifiques en surgissent, s'en détachent sans briser l'esprit de communauté, sauvage, urgente expression des corps.Des images surdimensionnées sur le mur de fond du Palais se glissent aux pieds des danseurs qui ne disparaissent pas pour autant.Une grande vélocité des déplacement, une ivresse du tour, des déboulés, des jetés font de cette architecture mouvante, un manifeste du neuf très audacieux.Le "ballet" des corps magnifiés dans leur singularité sans effacer la technique, l'homogénéité des corps "classiques font de cette oeuvre un manifeste musical et chorégraphique de haute voltige.

Le festival d'Avignon décèle à coup sur des talents inédits ou confirmés qui ouvrent des perspectives inédites à l'art chorégraphique de notre temps: la danse comme médium et vecteur de manifestes humains et communautaires de grande importance. Une prise de conscience évidente sur les corps citoyens ou magnifiés pour un bouleversement des comportements à vivre de toute urgence.