mardi 26 juillet 2022

LA DANSE DANS LE FESTIVAL IN AVIGNON 2022: un panel très contrasté de créations singulières...communautaires , citoyennes, vivantes..

 " VIA INJABULO" Via Katlehong avec Marco Da Silva Ferreira et Amala Dianor: très urbain....


La Cour Minérale transformée en Agora, en Forum jovial et bon enfant, voilà de quoi mettre en train, de bonne humeur. A l'invitation de Via Katlehong, c'est Marco Da Silva Ferreira qui démarre la cérémonie de danse urbaine avec "form informs", danse "pantsula comme source d'inspiration constante.Plaisir non dissimulé que cette danse "verticale" et individuelle, toujours dansée en paires sans impair...Pieds rapides et précis, corps fragmentés, dissociés, figures distordues, anguleuses.Les corps se cassent et se réparent, guéris des cicatrices,des blessures.Physique ou émotionnels, ces stigmates visibles se réparent au contact de cette danse chorale qui inonde le plateau, se fait fête et office cérémoniel pour évacuer les esprits non guérisseurs...Puis succède la seconde pièce de Amala Dianor, artiste associé à cette aventure picaresque: avec "Emaphakathini", il puise chez les danseurs de Via Katlehong, une force issue des township, incroyable jovialité et générosité de jeu, de danse, de bonne humeur.Pulsion de vie, "entre-deux" zoulou où chacun tente d'exister .Hymne à la vie, à la musique amapiano très en vogue, cette fête sur scène, partagée est plus que touchante. On y croise des jeunes qui véhiculent des glacières de plastique, en font des monuments dignes d'installations plasticiennes sans le savoir, en sorte comme des boites magiques, du coca et autres boissons à partager, sur le pouce, à la bonne franquette!C'est simple et profond, digne et respectueux de toute une condition plus que réelle de la jeunesse de l’apartheid en Afrique du Sud et ça transpire cependant le bonheur du partage: la danse et la joie comme exutoire transmissible!

"LE SACRIFICE" de Dada Masilo: sur l'autel de la danse....


A la Cour du Lycée Saint Joseph, c'est place au rituel retrouvé d'une version très personnelle de Dada Masilo du Sacre du Printemps.Danse tswana de Johannesbourg pour fédérer plus qu'une envie de la part de la chorégraphe, de replonger dans ses racines botswana pour en extraire énergie, inspiration et esprit malin de rituel sacré.Une femme seule sur le plateau erre, perdue éplorée face à un destin dramatique que l'on sent proche: elle sera l'élue de cette tribu communautaire qui ne la sauvera pas mais la portera aux nues.Entre danse et chant magnétique live de toute beauté et puissance, c'est à une imagerie ancestrale et cathartique que nous assistons. Véritable piéta, accueillant ce corps voué au sacrifice, celui de tout être qui comme dans les traditions est désigné pour sauver sa communauté. Dada Masilo renoue ici très subtilement avec les fondements de sa culture, avec brio et générosité en grande intelligence avec cette compagnie galvanisée par un sujet brûlant: se sacrifier, pourquoi, pour qui, sinon pour faire émerger du sens à vouloir changer le monde. Solitude, errance, souffrance d'un corps isolé sur scène qui se plie aux lois du groupe sans rompre pour autant .Une oeuvre sobre et profonde sur le purgatoire, l'effacement, la perte irréversible de la chair pour la sauvegarde d'idéaux très respectables.

"SILENT LEGACY" de Maud Le Pladec et JR Maddripp: transgénérations au poing.


Dans le cloitre des Célestins, c'est une claque que l'on prend.Une "gamine" est seule sur le plateau dans un carré de lumière et s'agite, convulsive, agressive devant nous. Stupeur: elle a 8 ans, Adeline Kerry Cruz et se démène comme une star, franche et assurée, gavée de krump, nourrie à la danse par passion et vocation. Troublante figure quasi adulte qui se confronte à Audrey Merilus, danseuse noire, adulte formée à la danse contemporaine.Tandem, duo, couple? Pas exactement mais bien complice et partenaire de cette performance hors norme, énorme phénomène dérangeant, spectaculaire prestation incongrue, inattendue, inclassable, étrange.Virulente, engagée, la danse d'Adeline contraste avec les envolées spatiales de son double, son avatar qui se lance dans l'espace du cloitre, alors qu'elle se fige face à nous et nous harangue quelque part sur notre condition de spectateur.Danses héritées de cultures différentes, ce choc chorégraphique opère comme une expérience insolite et unique dont l'essence serait l'inconnu, le frictionnel. Silences, vibrations, bruit au poing pour accompagner le souffle, la virtuosité de ces corps en mouvement ou en pétrification.Le "mentor" d'Adeline, véritable "petit père" officiel de la "fillette" apparait sur scène, non pas pour la couvrir, mais révéler l'origine de son apprentissage Une transmission généreuse et radicale, exigeante et sans concession malgré son jeune âge: Jr Maddripp en géant, Gargantua de la scène devant ce Petit Poucet troublant qui vient déranger les lieux communs sur le métier de danseur.Incarner le mouvement, habiter le silence, semer le trouble et rendre à la danse sa physicalité première"émancipatrice et transgénérationnelle.... 

"FUTUR PROCHE" de Jan Martens: dévorer l'espace....


La Cour d'Honneur du Palais des Papes va s'ébranler des variations chorégraphiques signées Jan Martens en compagnie des danseurs survoltés de l'Opera Ballet Vlaanderen...Ils nous attendent assis sur un très long banc, tenue de sport, décontractés, souriants, tranquilles. Et tout démarre en musique: celle de clavecin de Elisabeth Chojnacka qui ne cessera quasi jamais plus d'une heure durant. Accents métalliques, toniques pour accompagner la troupe de danseurs, ivre de mouvement, jetés à corps perdus dans l'immense espace scénique du plateau, vide.Émotion directe, empathie simultanée avec cette horde de corps qui s'anime, se bouscule sans se toucher, se projette à l'envi pour une vision fugitive, fugace, fulgurante.C'est opérationnel et les tours comme des poupées mécaniques qui ne cessent leur manège font office de vocabulaire contemporain hors pair. Car se servir de la technique inouïe de cette discipline pour inonder le plateau d'une telle dynamique  est petit miracle.Ils tournoient sans cesse sous la pression, la tension de la musique magnétisante qui fait naitre une danse rythmique inédite.Percussive, ascensionnelle, directionnelle et parfaitement plaquée aux corps des danseurs galvanisés.Des solo zoomés par le regard,magnifiques en surgissent, s'en détachent sans briser l'esprit de communauté, sauvage, urgente expression des corps.Des images surdimensionnées sur le mur de fond du Palais se glissent aux pieds des danseurs qui ne disparaissent pas pour autant.Une grande vélocité des déplacement, une ivresse du tour, des déboulés, des jetés font de cette architecture mouvante, un manifeste du neuf très audacieux.Le "ballet" des corps magnifiés dans leur singularité sans effacer la technique, l'homogénéité des corps "classiques font de cette oeuvre un manifeste musical et chorégraphique de haute voltige.

Le festival d'Avignon décèle à coup sur des talents inédits ou confirmés qui ouvrent des perspectives inédites à l'art chorégraphique de notre temps: la danse comme médium et vecteur de manifestes humains et communautaires de grande importance. Une prise de conscience évidente sur les corps citoyens ou magnifiés pour un bouleversement des comportements à vivre de toute urgence.


lundi 25 juillet 2022

AVIGNON LE FESTIVAL "IN": des inclassables....Des singuliers de l'art scénique...

 " VIVE LE SUJET" série 3 

Que des créations bien entendu comme à l’accoutumée! Des disciplines se croisent, s'entendent, se détendent ou se combattent: des artistes s'y rencontrent ,échafaudent (rapidement) des opus singuliers de 30 minutes et les voici occupant le jardin de la vierge du lycée St Joseph....

"PARTIE" de Tamara Al Saadi: sois bon soldat....


1914/1918: toujours d'actualité pour ces quatre protagonistes sur le plateau:la broyeuse idéologique de la Grande et longue guerre opère sur les personnages principaux. C'est une évocation plasticienne et sonore des textes de Tamara, ici comédienne qui se coltine le rôle du soldat avec émotion et assurance: celle d'un volontaire convaincu et livré au sacrifice ultime. La présence de Eléonore Mallo, ingénieure du son et bruiteuse est ici fort précieuse: guidant, servant la narration de ses instruments bizarres de récupération, sonnant son glas ou ses commentaires sur l'univers de cette tranche de vie de tranchée. A son établi magique, elle orchestre, fait vivre et voir l'origine des bruitages et fait ainsi de cet "accessoire" un véritable nid de création sonore A ses côtés se déroule le drame d'un être sacrifié, très émouvant, bercé par ses complices de plateau. Une belle réussite, évocatrice et sensible où le texte prend toute son ampleur servi par des corps au service de la mémoire.

"PROMETTRE" de Erwan Ha Kyoon Larcher: l'intime de trop....


Un duo maladroit de deux danseurs soit disant porteur du concept de "transformation au coeur de toute chose": mais de quoi s'agit-il hormis une démonstration de savoir vivre ou être de deux amants homosexuels dont les ébats ne nous concerne pas.Benjamin Karim Bertrand dans cette expérience ajoute du sensible, du sensuel mais ne raconte rien de plus qu'une histoire d’alcôve que nous ne saurions partagée. Cela devient voyeurisme et intrusion et le malaise parvient lentement.

"VIVE LE SUJET" série 4

"SILEX ET CRAIE" (Calcédoine et Coccolithe)de Vincent Dupont:à quoi on joue?....


Deux compères se retrouvent, masqués COVID, façon art-plastique desingné transparent comme des masques africains tatoués.Jolie façon d'avancer "masqué" et de se rassembler à deux pour faire la paire: sautiller, bondir léger, s'amuser mais sans grand intérêt tant on connait leur potentiel de créativité, à l'un , à l'autre. Deux grandes figures de la danse et de la performance s'ébattent gaiement, se lâchent joliment sans faire vibrer les cordes de la nostalgie, certes. Et c'est bien mieux: mais un peu plus de temps aurait été nécessaire pour affiner ce lâcher prise, ce laisser aller si cher à cette génération de grand révolutionnaire de l'art et de la pensée chorégraphique....

"LADILOM" de Tünde Deak: l'air de rien, un air qu'on voit danser...


C'est tout le charme d'une rencontre fertile en échanges et questionnement: ici, les deux protagonistes, l'une Hongroise de souche, autrice et metteuse en scène, Tünde Deak et l'autre, chanteuse, comédienne, Léopoldine Hummel cherchent racines, inspiration pour retrouver les origines d'un petit phrasé de chanson, berceuse ou comptine de leur enfance. Dans une scénographie originale, cadre TV ou alcôve sereine, on échafaude des plans, remue terre et ciel pour trouver des traces et tout revient à la mémoire avec grâce, tac et sensibilité Invitation au voyage pour ces deux malicieuses femmes aux regards et sourires complices.Fredonner tout bas des airs transmis qui nous structurent, nous font grandir dans une langue étrangère...Tralala! Ce n'est pas n'importe quoi! Filons donc ce fil d'Ariane avec bonhomie et délectation sans autre forme de procès...

"DU TEMPS OU MA MERE RACONTAIT" de Ali Chahrour à la Cour Minérale de l'Université



Un rituel familial où le danseur-chorégraphe  crée une gestuelle issue des mythes arabes et du contexte politique, social et religieux, qui "est le sien".C'est une ode, une quête émouvante aux origines, autant qu'à l'actualité qui brise destin et famille, disperse les vivants et rassemble les morts dans la fosse commune..Dans un Liban déchiré, se trament des récits poignants: celui d'une mère, Laila, de son enfant Abbas qu'elle protège et qui va danser cet exil du coeur, cette perte aussi d'une seconde mère éplorée par la disparition douteuse de son fils... d'un attachement à une culture, une filiation.Des destins se croisent, se chantent, se chorégraphient, images puissantes, une musique envoutante, enivrante qui possède les corps.L'Amour filial touche et la pièce, rare objet de désir  comme si nous étions inviter à pénétrer l'intérieur d'une maison...Gestes et postures proches de la danse où chacun des interprètes, prêtent engagement et volonté d'être à cet "endroit" pour faire rayonner déséquilibre interne et chaos ordinaire du quotidien maléfique d'êtres blessés.

"TUMULUS" de François Chaignaud et Geoffroy Jourdain à la Fabrica :tombeau nimbus....


Un démiurge du genre, magicien de la scène, inventeur du beau, inqualifiable François Chaignaud dont la trajectoire sera toujours celle du "étonnez-moi"sans jamais fléchir ni plier...La scénographie de cette odyssée fantastique est celle d'un tumulus, montagne sacrée celtique que vont conquérir des figures singulières aux costumes plus chatoyants et bigarrés que jamais Cette montagne accouche de drôles créatures hybride,grotesques ou simplement ornée du sigle de la beauté.Montage magique, totem ou chorten mystique, vision pantagruélique d'un sommet autour duquel se meuvent sans cesse des corps exposés.Procession infinie de treize membres d'une même famille de détraqués convoqués autour d'un mausolée.Des chants polyphoniques de la Renaissance, un choeur contemporain des Cris de Paris et tout se joue au souffle près. Magnifique "spectacle" à voir défiler cette parade complexe, changeante, bigarrée. Un "monte vérita" pour François Chaignaud à la démesure de ses rêves, ses désirs. Les voix de la délectation se font entendre dans cette utopie sonore créative, inouïe aux accents prodigieux de romances pour un temps présent...Un "ouvrage" d'atelier, d'établi sonore, une performance sempiternelle de tours et ritournelle hypnotique et très esthétique.Monticule ou sépulture, ce tumulus n'est pas nimbus mais prometteur de disparition, d'ensevelissement.Palimpseste ou chantier ouvert, machine théâtrale, tombeau: "tumer" comme "danser" qui au moyen âge veut dire se renverser vers l'arrière au point de tomber et de braver la mort....

"LADY MAGMA" de Oona Doherty  à la Chartreuse de Villeneuve lez Avignon: et viva la donna mobile !


Haranguer les foules, faire se réunir le public autour d'elle avant la performance, c'est son secret de fabrication, sa signature pop de cette femme metteure en scène engagée dont le propos ici sera sera celui de la "matrice", celle qui habite le corps d'une femme, celle qui est source de "l'origine du monde", le sexe...Mères, filles, tout ici sera pré-texte à afficher ce trouble profond qui émeut une femme.Très proche des corps des danseuses allongées sur un tapis persan, le public est bousculé par cette complicité charnelle et partage cette sorte d'hystérie freudienne..Le physique est volontairement mis au premier rang: êtres de chair, secouées par les spasmes de l'accouchement, les contractions du corps. Ode et manifeste, cet opus ébranle et le jeu sur l'extérieur, le ciel, le cloitre de la Chartreuse transfigure la scène en clairière de divinités accessibles. Femmes, je vous aime, je vous désigne et vous montre . Nées au monde, projetées dans le vivant pour transmettre le vivant. Le message est clair : bacchanales, culte gourou des années 1970 faisaient sens et signe: que faire aujourd'hui pour réactiver un certain militantisme de proximité. Le spectacle serait-il dévoué à celà?

"ON Y DANSE AUSSI L'ETE" Les Hivernales d'Avignon CDCN d'Avignon : cuvée Festival Avignon le Off 2022

 Cette année 2022, huit propositions chorégraphiques au menu des Hivernales...

Alors, on s'y jette avec curiosité et fidélité: la porte est grande ouverte, le public nombreux....

"REPERCUSSIONS" de et avec Ana Perez: du talent, des talons....


Un solo de femme éperdue, franche et déterminée pour ouvrir une matinée estivale, c'est une lumière qui se fragilise pour mieux explorer les racines, les mutations d'un flamenco bordé d 'une trajectoire des Antilles au Cap Vert en passant par l'Espagne: les chocs, résonances , échos et revers s'y font entendre, les pieds martelant le sol, rageusement ou délicatement. La femme qui danse pour nous, devant nous est puissante et son langage métissé par ses origines reflète la multiplicité de l'écriture flamenca d'aujourd'hui: finies les légendes folkloriques, place au son, aux gestes barbares et engagés, à la métamorphose d'un vocabulaire désormais hors code qui va et se dirige vers une poésie de l'instant garantie.

"FORCES" de Leslie Mannès, Thomas Turine, Vincent Lemaitre: zombies telluriques.....


L'ambiance lumière y est cathartique, des bordures de corps fluorescents se distinguent peu à peu dans une scénographie pesée, construite pour que l'oeil s'acclimate à une atmosphère curieuse, énigmatique: trois corps de femmes s'y révèlent pour mieux éclater, éclabousser le monde de leur "gesticulations"singulières.Ce trio féminin de guerrières chamanes ou cyborgs inclassable, séduit sans pour autant nous embarquer dans un monde tellurique ou interstellaire comme promis.Tourbillon de forces primaires, telluriques ou technologiques ne suffissent pas à hypnotiser le monde. La danse y demeure fade et inopérante, malgré la fusion attendue corps-danse-lumière, au début, prometteuse de bien des climax originaux....

"UNDERDOGS":de Anne Nguyen (compagnie par Terre): du chien, du chiendent, de la chienlit ! 


Rien de péjoratif dans cet énoncé, au contraire, du vif, de l'engagement physique, dense et surtout "dansé" prodigieusement par trois interprètes galvanisés par un choix musical remarquable. Un flyer offert pour nous guider dans un roman picaresque fait d'un préambule, de trois actes et d'un épilogue...Violence urbaine, jungle du bitume, corps comme dernier rempart, tout est passé au crible pour évoquer profit, nouveau monde utopique, manipulation...Les corps en trio tricotent à l'extrême la vivacité des revendications politiques et poétiques de cette pièce où chacun est unique et donne de soi dans une altérité respectueuse et exacerbée On note le jeu de comédien-danseur de Arnaud Duprat et Pascal Luce, la fougue et la vélocité incroyable de Sonia Bel Hadj Brahim, solide, efficace, séduisante figure de l'engagement physique. Rythme effréné, explosif pour des corps ancrés dans un langage inouï. On s'y colle et on adhère à cette énergie de chienne de vie, orchestrée par des références musicales des années 1970, déchirantes de beauté, d'authenticité, de véracité et de colère.Une pièce magnétique qui conduit direct à cette "chienlit" majestueuse d'une révolution chorégraphique en marche!

"DIVIDUS"de Nacim Battou (compagnie Ayaghma): l'artisanat des corps...



Entre danse contemporaine et hip-hop, ce métissage de styles opère par la puissance des interprètes qui oscillent entre sagesse, obéissance et débordements...Comme une ode, une prière pour la danse, muse de tant d'espoir, de souffle et de vie, cet opus se construit peu à peu sur le chemin de la mémoire, de la transmission. Les danseurs se jetant dans l'arène de la danse ancestrale transcendée, démultipliée par les influences, ces éponges de mouvements absorbés puis relâchés comme malaxés par le temps Le temps de remixer les facettes de nos structures mentales oeuvrant sur le corps.

"STARVING DINGOES" de Léa Tirabasso: peurs primaires à l'encre du chaos....


Un amas de terre où tout se joue comme traces et signes, comme empreintes et jeu de piste. Le sol est le tremplin de cette opus original où les cinq danseurs dessinent, balayent la matière première, s'y lovent et inventent une plasticité digne d'une installation éphémère.Les enjeux sont ceux de plasticiens et la vision s'enrichit sans faillir de cette matière première.Au delà d'une dimension temporelle mesurée, le propos s'étire, se déploie sans encombre et l'on se perd sans s'égarer sur des sentiers à défricher encore pour plus de resserrage scénographique.

"FANTASIA" de Ruth Childs (Scarlett's): tuer les pères.....


Incroyable prestation de Ruth Childs, seule et surtout avec Beethoven dont elle parvient à nous convaincre qu'il a su faire une musique à danser plus qu'à écouter ou subir! Telle des grandes orgues omniprésentes, elle déferle sans inonder ni submerger, happée, stoppée, arrêtée par l'immobilité de la danseuse. Face à ce piège démentiel, elle parvient à danser médusante et pétrifiée et nous laisser pantois devant tant de talent et de subtilité.Et le tour semble jouer pour un show subtil, mesuré, délicat et profondément émouvant. Ruth Childs ébranle le plateau et nous laisse croire que "Fantasia" est encore possible, de perruques en perruques,que les montagnes sont franchissables. Alors on y va au piolet et on fait l'Ascension du Mont Ventoux avec elle sans contestation. Un chef d'oeuvre en puissance....

"DEDICACES" de Romane Peytavin et Pierre Piton LA PP: quand Terpsichore sa muse....


Mais que fait la muse de la danse Terpsichore au musée? Elle nous a-muse et à la Fondation Lambert on renoue avec les traditions de la danse moderne des Dupuy!Alors allons-y pour un mini show personnalisé de deux escogriffes de la performance:on choisit sa mélodie, on avance devant l'ordinateur, on sélectionne sa musique, on appuye sur play et le couple improvise, danse, s'amuse, se donne à corps perdu rien que pour vous devant un mur à la Sol LeWitt très sérieux....Un juke -box chorégraphique à se damner tant costumes, structure et musiques dépotent pour vous tout seul! En cabine de show-dance. Du sur-mesure qui fait du bien et raconte aussi les impressions que peuvent faire sur nous les intrusions des autres dans notre univers, notre bulle. Paire d'automates échappés de leur boite à musique, pantins désarticulés, marionnettes sans fil à retordre mais à se tordre de rire et de gaité....

et aussi dans le off (relayé par les hivernales)......

 

"EX-POSES" de Héla Fatoumi et Eric Lamoureux à la Collection Lambert: corps et graphies....


Tout autre démarche que celle de "Ex-poses" une pièce emblématique du répertoire des Fatoumi-Lamoureux...Rencontrer une oeuvre majeure de la collection d'origine  d'Yvon Lambert en Avignon!Avec deux duos adaptés pour le lieu et l'oeuvre bien entendu...Wall Painting 1143 de Sol LeWitt sera leur cible: espace, rythmique, couleurs, angles et brisures d'une oeuvre murale peinte in-situ. Alors les enjeux sont puissants la danse en duo y répond en s'engageant sur les traces, les lignes de fuite, les contrastes couleur-noir et blanc des costumes.Tout semble se relier ou s'opposer dans les constructions respectives: chorégraphiques et picturales. Duo féminin pour commencer la cérémonie, placés autour des deux danseuses, face au mur. Minimalisme et hyper-expressivité s'y répondent: les visages, animés de grimaces quasi grotesques, tranchées comme de la xylogravure au couteau du geste, bordées de contours noirs appuyés. Nattes et chevelure qu'elles tordent, balancent, font voyager et prolonger les corps de façon artisanale et naturelle .Ces deux figures bien concrètes et charnelles devant cette géométrie tectonique des plaques incompressible. Géologie des surfaces pour des corps pensants, penchants, amovibles et souples Combat aussi de corps japonisants, souffles éructant la vie qui se défend à corps et à cris.Gravité des vibrations pour le second duo masculin, lui aussi imprégné de cette puissance à faire résonner les contrastes:une initiative qui réinvente le rapport entre deux arts majeurs pour mieux saisir les impacts saisissants des couleurs, des registres esthétiques convergents: corps et graphie à l'origine de l'architectonique du monde, calligraphie revisitée, strates, couches et palimpseste de danse résurgente de nulle part-ailleurs...