dimanche 18 septembre 2022

"Do-ré-mi-ka-do" de Stilte : ka-deau ! En cadence et surprises multiples, une pièce à l'image de l'enfance : enfant-phare....

 


"Silte": Dans son sens actuellement le plus courant, c'est l'absence de bruit, c'est-à-dire de sons indésirables. Le silence absolu serait l'absence, impossible, de tout son audible. 
C'est aussi le nom de cette compagnie de danse convoquée dans le cadre de "Mini Musica" pour initier les tous jeunes "spectateurs" à une écoute et une appréhension des musiques d'aujourd'hui: on passe donc d'abord par le son et le visuel, le mouvement et la perception de l'espace Celui du danseur et le sien! Dans une des salles du Centre Chorégraphique de Strasbourg, haut-lieu de la formation professionnelle et amateure concernant surtout le jeune public, gradins et parterre accueillant parsemé de poufs douillets....Deux personnages nous attendent, lovés au sol: c'est le démarrage qui intrigue et conquiert: l'une est prise de petits spasmes réguliers du thorax comme une respiration naturelle, haussant le buste au rythme du métronome électronique manipulé par la seconde. La musicienne impulse à distance et manipule les soubresauts de l'autre Ce qui provoquent chocs et ondes au son de cette percussion singulière. Le corps de la danseuse, ainsi animé, contrôlé, effectue les directives sonores avec grâce et consentement. Jolie démonstration du pouvoir de la résonance sur un corps accueillant, à l'écoute: comme autant de sources d'inspiration et d'e-motion pour les sens en éveil.Suivent moultes péripéties sonores et corporelles, visuelles pour établir du lien avec les enfants et faire sourdre curiosité, surprise et enchantement.Objets-corps-images et sons à l'appui. Comme une grande boutique d'accessoires sonores incongrus à manipuler sans modération pour faire jaillir toutes les sources de sonorités perceptibles. Puis au milieu de la scène, une grosse boite s'anime. Mais que trouve-t-on à l’intérieur ? Un cadeau ? Dans un espace délimité par des néons de couleur fluos affublés de petites clochettes chamarrées, la musicienne et la danseuse entrent en dialogue. Elles jouent avec nos yeux et nos oreilles, tout en poésie, en son et en mouvement. Une aventure rythmique au cours de laquelle les couleurs deviennent musique — et la musique devient danse. Do-ré-mi-ka-do, c’est comme un paquet surprise qu’on ouvrirait tout doucement et qui transformerait notre perception.C'est aussi une participation des enfants à l'invitation des deux artistes qui au final offrent la scène comme terrain de jeu collectif. Parents et enfants, artistes y partagent des temps de manipulation des objets hétéroclites pour satisfaire leurs sens de la découverte. Mouvements sonores et sonorités animées pour laisser libre cour à l'imaginaire et à l'existence de "bruits" capables de séduire et d'induire une autre sémantique sensorielle. Un des buts du "Mini Musica", terrain sonore adapté aux "petits", terreau idéal pour mieux saisir l'occasion de bouger, guidé, impulsé par les sons et percussions du quasi quotidien!


danse | Donna Scholten
musique | Helene Jank
mise en scène et costumes | Jenia Kasatkina
décors | Ellen Knops, Jenia Kasatkina

Au centre chorégraphique le 17 Septembre dans le cadre de mini musica

samedi 17 septembre 2022

"A mi-mots" et sans fausses notes de gôut! L'Accroche Note dans le viseur! Et sans"apriori"!

 


Couple à la scène et dans la vie, Françoise Kubler et Armand Angster ont marqué la création musicale par leur générosité, leur engagement et leur soutien indéfectible envers les jeunes générations d’artistes.

À l’occasion du quarantième anniversaire d’Accroche Note, ils explorent la fusion des êtres musicaux à travers des duos pour voix et clarinettes et des créations pour ensemble. Au programme, un malicieux diptyque de Zad Moultaka et des créations des compositrices Zeynep Gedizlioglu et Daphné Hejebri. Le concert prend le titre d’une miniature de Georges Aperghis, À mi-mots, dédiée à Françoise et Armand avec lesquels il n’a cessé de collaborer depuis les années 1980.


Zad Moultaka
Armoise pour vidéo et clarinette (2011)

 C'est un démarrage en trombe que ce clin d'oeil malicieux de Françoise à Armand: elle, en image vidéo, femme virtuelle qui commente et parodie quelque peu son compagnon de route, son partenaire de vie et de carrière musicale. Une belle idée que voici que de brosser un portrait franc, direct, charmant et sans concession!Il est "juste et tempéré", exigeant et tutti quanti et ces remarques et constats touchent et font mouche.Même sans les connaitre, on adhère à cette figure de légende qu'est devenu le clarinettiste, qui bien sûr pendant que Madame cause, travaille et joue de son instrument, docile et apparemment sans tenir compte des qualificatifs qu'elle lui attribue en toute fausse confidentialité....Nous sommes donc les témoins de cette "déclaration" d'amour publique, si pudique et pleine d'humour, de distanciation!Boutade hors norme pour un duo, couple, une "paire" hors pair d'orpailleurs de la création musicale contemporaine.


Daphné Hejebrielle 
Nouvelle pièce pour soprano, clarinette basse et électronique (2022) - création mondiale 

Cris simulés de la chanteuse, emplis des sons réverbérés et cavernicoles de la clarinette basse.Sons de gorge, raclures, éraflures de la voix qui hachure les sons: c'est un vocabulaire singulier qui s'expose ici en autant de souffles et zozotements à fleurs de lèvres.L'émission de la voix se fait complice des sons de la clarinette basse qui, amplifiée, résonne et envahit l'espace.Avions,vrombissements à l'appui.Alors qu'elle susurre des chiffres à toute vitesse, ou file sa voix en longues tenues cosmiques, les hachures, brisures de tempi se succèdent à l'envi.On est projeté dans un univers étrange, entre départ de fusée ou navigation céleste de satellite dans une atmosphères de râles, de chuintements...Une pièce unique pour deux électrons libres!


Georges Aperghis
À mi-mots pour voix et clarinette (2022) - création mondiale

Et pas à demi-mots surtout!Voici un cadeau d'Aperghis à deux interprètes pétris de la malice et de l'audace de l'auteur.Dans une sorte de langue étrangère comme de langage de frappe de mains, se jouent toutes les variations du vaste répertoire d'Aperghis.Un récitatif, un inventaire, de courtes séquences sonores pour égayer le tout et le tour est joué.Et le talent de Françoise Kubler et Armand Angster pour servir un imaginaire sonore, une syntaxe débridée et pourtant si domestiquée.


Zad Moultaka
Moisare pour vidéo et clarinette (2022) - création mondiale 

Case départ pour cette seconde version du portrait: cette fois c'est à Armand, vautré dans un canapé, clarinette au poing, de passer au crible l'esquisse verbale de sa compagne.Débonnaire, décontracté, à lui à présent de s'emparer de cette tache jubilatoire: décrire, qualifier sa partenaire, rebelle ou consentante, timide ou insurgée, toujours "coquelicot", "coucou"ou à fleur de voix pour doubler ses propos, les renchérir, les chérir tant ils sont doux, tendres, sans concession.Une parodie de ses mots en chant et voix pour souligner ses dires et constats.Un duo hilarant, question-réponse-fantaisie légère, évocatrice, respectueuse et culottée en diable!Oser dévoiler l'autre, lui rendre ses lettres de noblesse: oser sans apriori toutes les expériences, d'artiste, de pédagogue aussi.Toujours beaucoup de bienveillance sans concession de la part des uns et des autres et toujours cet humour cinglant et bien placé pour couronner le tout.


Zeynep Gedizlioglu
N.N. 3:4 / Speak! pour soprano, clarinette et quatuor à cordes (2022) - création mondiale 

Beau "final" du concert que cet opus où chanteuse et clarinettiste adoptent ce mode fusion avec l'ensemble, se fondent entre les cordes pour encore mieux accueillir des sons et révéler leur talent de musicien, partageux, ouverts, accueillant. Rien ne semble leur échapper de cette composition complexe où les cordes posent leur acuité sonore dans un alliage surprenant de notes, de tensions et variations calculées à l'interstice près!

Très belle matinée musicale que ces mots tissés sur bien des métiers différents dans l'atelier de la création musicale d'aujourd'hui.

 Samedi 17 Septembre au TJP dans le cadre du festival Musica

Accroche Note
voix | Françoise Kubler
clarinette | Armand Angster

Quatuor Adastra
violons | Julien Moquet, Ernst Spyckerelle
alto | Marion Abeilhou
violoncelle | Antoine Martynciow

 

vendredi 16 septembre 2022

"Lisle Sonnante": Éliane Radigue, Ellen Arkbro : femmes nébuleuses..."audibles", expérimentales.....Entre génération, une passerelle franchissable!

 


Prologue:

"Plusieurs générations séparent Éliane Radigue et Ellen Arkbro. Pourtant, toutes deux sont des compositrices de l’émergence. Émergentes car on ne cesse de découvrir ces femmes, désormais audibles, qui ont fait et qui font l’histoire des musiques expérimentales. Émergentes aussi parce que chacune à sa manière sollicite une écoute profonde et joue sur les phénomènes d’apparition, de résonance et de superposition harmonique. Immersion dans le flux sonore." 

Stéphane Roth extraits du catalogue du festival Musica

Dans l'Eglise Saint Paul, l'ambiance est de mise: cousins à terre, magnifique scénographie lumineuse, atmosphère cosy pour l'écoute et la découvertes d'oeuvres considérées comme accessibles et , concert étant entre autre, l’occasion de découvrir les pièces de la compositrice et organiste suédoise Ellen Arkbro qui s’empare des deux orgues de l’Église Saint-Paul, accompagnée d’un trio de cuivres.Quand s'estompent les lumières, c'est la surprise de croiser en ambulatoire les trois musiciens interprètes, si proches de nous, frôlant de leur corps et instrument, notre sensibilité à l'écoute d'une expérience sonore singulière.Euphonium et trombones à l'exercice un trio constitué à travers l'espace bordé des sonorités des oeuvres "For organ and brass" de 2017 et "Sculpture" de 2022.Univers contrasté mais proche tant les tensions du souffle de l'orgue, les ventilations animées des instruments à vents "mobiles"s'exposent à emplir espace-temps dans cette nef et cette coupole résonante du temple.

La magie et révélation de la soirée demeurant "L’Île ré-sonante, l’ultime pièce électronique composée par Éliane Radigue en 2000. Ambiance cosmique et méditation garanties lors d'une écoute attentive et très sensible, entre rêves, immatérialité et songes évanescents. Les sons s'étirent, s'alanguissent, parcourent et sillonnent l'environnement minéral du lieu insolite mais si propice à l'accueil des sonorités langoureuses, avec volupté, grâce et intensité.Les fibres du son, leur potentiel à induire une densité forte et opaque, transportent et invitent au voyage intime. Cette opus fait office de temps de recueillement, obsédante litanie cosmique qui renvoie à des atmosphères sidérales. On en sort euphorique, transporté et médusé, projeté dans la nuit citadine comme pour une seconde balade aux sons des bruits du monde.Le festival Musica offrant ici l'opportunité de gouter et déguster les oeuvres dans des "tiers-lieux" inédits, à la mesure de chaque pièce sélectionnée...Espaces physiques partagés de toutes sortes: les lieux de culte se changeant en lieu de partage, friches d'expériences collectives..."Résonants", à coup sur!"Sonnante" en majesté!Près des bords de l'Ill de surcroit, la navigation fut opérante. Notre Ill résonante au destin inédit!


Ellen Arkbro
For organ and brass (2017)
Sculpture (2022)

orgue | Ellen Arkbro
euphonium | Jean Daufresne
trombones | Alexis Persigan, Victor Bailly

Éliane Radigue L’Île ré-sonante (2000)

diffusion sonore | François Bonnet

A l'Eglise Saint Paul le vendredi 15 Septembre dans le cadre du festival Musica.